Le juge administratif ne peut s’abstenir de prendre en compte la preuve de la publication régulière d’un arrêté portant délégation de signature produite par l’administration après la clôture de l’instruction

Catégorie

Droit administratif général, Urbanisme et aménagement

Date

July 2020

Temps de lecture

4 minutes

CE 8 juillet 2020 SCI CV Le 118 Résidence, req. n° 420570 : mentionné aux Tables du Rec. CE

1       Le contexte du pourvoi

Le 17 février 2015, le maire de Vitrolles a délivré à la société civile immobilière (SCI) CV Le 118 Résidence un permis de construire un immeuble de logement collectif comprenant 21 appartements.

Mme A… C… et M. B… C… ont demandé au tribunal administratif de Marseille d’annuler pour excès de pouvoir ce permis de construire, ainsi que la décision implicite rejetant leur recours gracieux.

Par un jugement du 12 mars 2018 1)Req. n° 1505973., le tribunal administratif de Marseille a fait droit à leur demande, en se fondant sur la circonstance que le permis de construire avait été signé par une adjointe au maire ne disposant pas, à la date où l’acte a été pris, d’une délégation de signature régulièrement publiée.

La SCI CV Le 118 Résidence se pourvoit en cassation contre ce jugement 2)A priori sur le fondement de l’article R. 811-1-1 du code de justice administrative (CJA), selon lequel : « Les tribunaux administratifs statuent en premier et dernier ressort sur les recours contre les permis de construire ou de démolir un bâtiment à usage principal d’habitation ou contre les permis d’aménager un lotissement lorsque le bâtiment ou le lotissement est implanté en tout ou partie sur le territoire d’une des communes mentionnées à l’article 232 du code général des impôts et son décret d’application […] », dès lors que la commune de Vitrolles fait partie de la liste des communes dans lesquelles s’applique le décret n° 2013-392 du 10 mai 2013 relatif au champ d’application de la taxe annuelle sur les logements vacants instituée par l’article 232 du code général des impôts (CGI)..

C’est dans ce cadre que le Conseil d’Etat a été amené à se prononcer sur la question de la prise en compte par le juge des pièces produites par les parties après la clôture de l’instruction sur le fondement de l’article R. 613-1-1 du code de l’urbanisme.

2      La décision du Conseil d’Etat

Tout d’abord, le Conseil d’Etat rappelle qu’aux termes de l’article R. 613-1-1 du code de justice administrative (CJA) :

« Postérieurement à la clôture de l’instruction ordonnée en application de l’article précédent, le président de la formation de jugement peut inviter une partie à produire des éléments ou pièces en vue de compléter l’instruction. Cette demande, de même que la communication éventuelle aux autres parties des éléments et pièces produits, n’a pour effet de rouvrir l’instruction qu’en ce qui concerne ces éléments ou pièces ».

Par ailleurs, aux termes du premier alinéa de l’article R. 613-2 du même code :

« Si le président de la formation de jugement n’a pas pris une ordonnance de clôture, l’instruction est close trois jours francs avant la date de l’audience indiquée dans l’avis d’audience prévu à l’article R.711-2. Cet avis le mentionne […] ».

En l’espèce, le Conseil d’Etat précise qu’il ressort des pièces de la procédure devant le tribunal administratif que, alors que l’instruction était close depuis le 28 septembre 2017, le tribunal a, par une mesure d’instruction ordonnée le 11 janvier 2018, invité la commune de Vitrolles à rapporter la preuve de la publication de l’arrêté du 22 avril 2014 par lequel le maire de la commune avait délégué sa signature à Mme D…, adjointe au maire, qui avait signé le permis de construire litigieux.

Il en découle qu’au regard des dispositions de l’article R. 613-1-1 du CJA précité, cette mesure d’instruction n’a eu pour effet de rouvrir l’instruction qu’en ce qui concerne les éléments demandés.

En l’absence de nouvelle ordonnance de clôture de l’instruction rouverte sur ce point, le Conseil d’Etat établit que l’instruction a été close, s’agissant des éléments demandés dans la mesure d’instruction du 11 janvier 2018, soit trois jours francs avant la date de l’audience, si l’avis d’audience, qui ne figure pas au dossier, en a fait mention, soit, au plus tard, et conformément à une règle générale de la procédure administrative contentieuse, après que les parties ou leurs mandataires ont formulé leurs observations orales à l’audience du 19 février 2018 où l’affaire a été appelée.

Par suite, le Conseil d’Etat considère que, même si les éléments relatifs à la publication de l’acte réglementaire portant délégation de signature, ont été adressés au tribunal administratif par la commune de Vitrolles le 26 février 2018 et par la SCI CV Le 118 Résidence le 1er mars 2018, et ont ainsi été produits après la clôture de l’instruction, alors même que la commune et la SCI étaient en mesure de les verser aux débats avant cette clôture, le tribunal administratif ne pouvait toutefois régulièrement s’abstenir de tenir compte de ces éléments, pour juger que le permis de construire litigieux avait été délivré par une autorité incompétente 3)Le Conseil d’Etat s’était déjà prononcé sur la faculté pour le juge de tenir compte d’un arrêté de délégation de signature régulièrement publié sans en ordonner la communication aux parties (CE 26 septembre 2001 M. Ferjani, req. n° 206386 : mentionné aux Tables du Rec. CE)..

En conclusion, le Conseil d’Etat annule le jugement du tribunal administratif de Marseille et renvoie l’affaire devant cette même juridiction.

Cet arrêt, qui sera mentionné aux tables du Recueil Lebon, ouvre ainsi la possibilité à l’administration qu’il soit tenu compte de la preuve apportée par elle, après la clôture de l’instruction (et sur demande du juge dans le cadre de son instruction), de la publication de l’arrêté de délégation de signature consenti par le maire à son adjoint à l’urbanisme, en matière de permis de construire, sans pour autant recourir à la réouverture de l’instruction.

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References   [ + ]

1. Req. n° 1505973.
2. A priori sur le fondement de l’article R. 811-1-1 du code de justice administrative (CJA), selon lequel : « Les tribunaux administratifs statuent en premier et dernier ressort sur les recours contre les permis de construire ou de démolir un bâtiment à usage principal d’habitation ou contre les permis d’aménager un lotissement lorsque le bâtiment ou le lotissement est implanté en tout ou partie sur le territoire d’une des communes mentionnées à l’article 232 du code général des impôts et son décret d’application […] », dès lors que la commune de Vitrolles fait partie de la liste des communes dans lesquelles s’applique le décret n° 2013-392 du 10 mai 2013 relatif au champ d’application de la taxe annuelle sur les logements vacants instituée par l’article 232 du code général des impôts (CGI).
3. Le Conseil d’Etat s’était déjà prononcé sur la faculté pour le juge de tenir compte d’un arrêté de délégation de signature régulièrement publié sans en ordonner la communication aux parties (CE 26 septembre 2001 M. Ferjani, req. n° 206386 : mentionné aux Tables du Rec. CE).

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