L’ordonnance du 6 avril 2022 : un triptyque de dispositions s’inscrivant dans la prévention du recul du trait de côte

Catégorie

Environnement, Urbanisme et aménagement

Date

April 2022

Temps de lecture

3 minutes

Ordonnance n° 2022-489 du 6 avril 2022 relative à l’aménagement durable des territoires littoraux exposés au recul du trait de côte

Selon les écologues du centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA) l’érosion, dont découle un risque de subversion du littoral, menacerait un cinquième du littoral Français soit 20 000 kilomètres de côte et 50 000 logements à l’horizon 2100.

Face à ce risque, l’ordonnance n° 2022-489 du 6 avril 2022 comporte un triptyque de dispositions relatives à l’aménagement durable des territoires littoraux exposés au recul du trait de côte.

1. L’adaptation des outils de maitrise foncière et la redéfinition des méthodes d’évaluation des biens soumis au risque d’érosion

–      Les premières dispositions sont relatives à la méthode d’évaluation des biens à appliquer dans le cas de l’achat, par des personnes publiques, de biens exposés au risque d’érosion à un horizon de 30 ans.

Pour sécuriser les conditions dans lesquelles les personnes publiques pourront faire l’acquisition de ce type de biens, le texte prévoit que leur valeur sera déterminée en comparaison à d’autres biens situés dans la même localité et présentant les mêmes caractéristiques d’exposition au risque d’érosion. Si de telles références ne sont pas disponibles, l’évaluation se fera au regard de biens comportant des caractéristiques techniques similaires (outre le risque d’érosion) en leur appliquant une décote calculée au prorata à partir des estimations de la durée de vie du bien.

–      Le texte vient apporter une modification à l’article L. 221-1 du code de l’urbanisme.

« Des réserves foncières peuvent également être constituées par l’Etat, les collectivités locales ou leurs groupements, ou les établissements publics y ayant vocation en vue de prévenir les conséquences du recul du trait de côte sur les biens situés dans les zones exposées au recul du trait de côte définies en application de l’article L.121-22-2 du code de l’urbanisme. »

2. La création du bail réel d’adaptation à l’érosion côtière

Les dispositions créent ensuite un nouvel outil : le bail réel d’adaptation à l’érosion côtière ajouté au code de l’environnement en son article L. 321-18. Il s’agit d’un contrat par lequel un bailleur public consent à un preneur « des droits réels en contrepartie d’une redevance foncière, en vue d’occuper ou de louer, d’exploiter, d’aménager, de construire ou de réhabiliter des installations, ouvrages et bâtiments » situés dans les zones exposées au recul du trait de côte. Le bail peut être conclu pour une durée comprise en 12 et 99 ans et sa durée est « déterminée au regard des échéances de l’opération d’aménagement si elles sont connues, et surtout de l’espérance de durée de vie du terrain d’assiette, compte tenu des évolutions prévisibles du trait de côte » et précise la destination des lieux autorisée et les éventuelles activités accessoires pouvant y être exercées.

Le texte prévoit donc que le terme du bail est fixé au regard de l’évolution prévisible du recul du trait de côte et que celui-ci pourra être prorogé si les prévisions de recul du trait de côte permettent de maintenir la destination, l’occupation et l’usage des installations, des constructions et des aménagements donnés à bail, sans que cette prorogation puisse avoir pour effet de porter la durée totale du bail à plus de 99 ans.

En cas d’évolution rapide du trait de côte et dans la mesure ou la sécurité des personnes ne serait plus assurée, un mécanisme de résiliation anticipée du bail est prévu à l’initiative du représentant de l’Etat dans la commune, maire ou préfet et aucune indemnisation n’est prévue à cet égard.
Afin de permettre le financement des opérations de renaturation intervenant à la fin du bail, qui reviennent au bailleur, le preneur s’acquitte d’un prix à la signature du bail et d’une redevance pendant sa durée.

À l’instar d’autres baux longue durée, ce bail sera cessible mais fera l’objet d’un encadrement de son prix afin de prévenir les situations dans lesquelles les droits réels seraient cédés à une valeur excessivement haute au regard de la durée de vie du bien.

3. La possibilité de déroger à certaines dispositions de la loi littoral

Enfin, l’ordonnance ouvre la possibilité de déroger à certaines dispositions de la loi littoral, notamment l’obligation de construire en continuité de l’urbanisation existante codifiée à l’article L.121-8 du code de l’urbanisme, lorsque ces dispositions empêchent la mise en œuvre d’une opération de relocalisation de biens ou d’activités menacées dans des espaces moins soumis au recul du trait de côte. Ces constructions dérogatoires aux dispositions de la loi littoral sont conditionnées à la conclusion d’un projet partenarial d’aménagement (PPA) nécessaire à la relocalisation de constructions, d’ouvrages ou d’installations menacés par l’évolution du trait de côte, et il ne pourra y être dérogé que sous réserve de l’accord de l’autorité administrative compétente de l’Etat et après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites.

 

 

 

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