Nouvelle application de l’article R. 821-5 du code de justice administrative en matière d’autorisation environnementale : une mesure de régularisation relative au défaut d’obtention d’une dérogation espèces protégées peut faire l’objet d’un sursis à exécution en cassation

Catégorie

Environnement

Date

November 2023

Temps de lecture

3 minutes

CE 3 octobre 2023 société Ferme éolienne de Bandiat-Tardoire, req. n° 474381

Par une décision du 3 octobre 2023, le Conseil d’Etat fournit une nouvelle illustration de la mise en œuvre du sursis à exécution d’une décision juridictionnelle en matière environnementale : le bénéficiaire d’une autorisation peut demander, en cassation, le sursis à exécution de l’arrêt par lequel les juges du fond ont prononcé une mesure de régularisation pour défaut d’obtention d’une demande de dérogation espèces protégées.

Par deux arrêtés du 22 juillet 2019 et du 14 janvier 2020, la société Ferme éolienne de Bandiat-Tardoire a été autorisée par le préfet de la Charente à installer et à exploiter huit aérogénérateurs et trois postes de livraison, sur le territoire des communes de Moulins-sur-Tardoire, Vouthon et Saint-Germain-de-Montbron.

Plusieurs associations environnementales ont demandé l’annulation de ces décisions devant la cour administrative d’appel de Bordeaux.

Par un arrêt du 21 mars 2023, la cour a considéré que l’autorisation environnementale était illégale en ce que la société n’avait pas obtenu de dérogation espèces protégées au titre des articles L. 411-1 et suivants du code de l’environnement.

Elle a donc sursis à statuer sur les conclusions à fin d’annulation, jusqu’à l’expiration d’un délai de quatre mois, afin de permettre à la société de régulariser la situation par l’obtention de la dérogation.

Pour rappel, l’article L. 181-18 du code de l’environnement permet au juge, qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’un vice entraînant l’illégalité de l’acte est susceptible d’être régularisé, de surseoir à statuer jusqu’à l’expiration d’un délai qu’il fixe pour cette régularisation.

La société, estimant que l’illégalité tenant au défaut d’obtention d’une telle dérogation n’était pas fondée, a introduit un pourvoi devant le Conseil d’Etat, demandant que soit ordonné le sursis à exécution de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux.

En effet, par dérogation au principe d’absence d’effet suspensif des recours devant les juridictions administratives, l’article R. 821-5 du code de justice administrative autorise la formation de jugement, à la demande de l’auteur d’un pourvoi en cassation, à ordonner qu’il soit sursis à l’exécution d’une décision juridictionnelle rendue en dernier ressort :

  • si cette décision risque d’entraîner des conséquences difficilement réparables
  • et si les moyens invoqués paraissent, en l’état de l’instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l’annulation de la décision juridictionnelle rendue en dernier ressort, l’infirmation de la solution retenue par les juges du fond

Au cas présent, le Conseil d’Etat a considéré que ces deux conditions étaient effectivement remplies. Son raisonnement est le suivant :

  • d’une part, l’exécution de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux est susceptible d’entraîner un retard estimé entre un an et deux ans pour la réalisation du projet éolien de la société Ferme éolienne de Bandiat-Tardoire, de nature à générer un surcoût évalué entre 1,8 et 3,6 millions d’euros. L’exécution de la mesure de régularisation est en outre de nature à priver d’objet un recours contre cet arrêt contestant le bien-fondé de l’illégalité ayant justifié cette mesure
  • d’autre part, le moyen tiré de ce que la cour a commis une erreur de droit et une erreur de qualification juridique des faits en jugeant que le projet litigieux nécessitait l’octroi d’une dérogation espèces protégées, paraît, en l’état de l’instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l’annulation de l’arrêt attaqué, l’infirmation de la solution retenue par les juges du fond

Le sursis à exécution de l’arrêt du 21 mars 2023 a donc été ordonné, jusqu’à ce qu’il soit statué sur le pourvoi de la requérante, et en particulier sur la légalité du défaut de demande de dérogation espèces protégées.

 

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