Précisions du Conseil d’Etat sur le contenu de la servitude de « mixité sociale » : la reconnaissance de la possibilité pour les auteurs du PLU de fixer des objectifs chiffrés de réalisation de logements sociaux

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

July 2013

Temps de lecture

3 minutes

CE 26 juin 2013 M. A, req. n° 353408 : à mentionner aux tables du Rec. CE

On se souvient que la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains – dite loi SRU – a introduit la possibilité pour les auteurs du PLU de réserver des emplacements en vue de la réalisation dans le respect des objectifs de mixité sociale de programmes de logements qu’il définit (article L. 123-2 b) du code de l’urbanisme).

Depuis l’entrée en vigueur de la loi SRU, le législateur est à nouveau intervenu pour étendre cette faculté initialement prévue dans les seules zones urbaines aux zones à urbaniser[1] mais n’est jamais venu préciser la portée de l’habilitation conférée aux auteurs de PLU.

Dans ces conditions, on pouvait s’interroger sur la marge de manœuvre dont ces auteurs disposent lorsqu’ils décident d’instituer des servitudes de mixité sociale sur le fondement de l’article L. 123-2 b) du code de l’urbanisme.

Peuvent-ils par exemple fixer des objectifs chiffrés de réalisation d’un nombre minimum de logement sociaux dans le périmètre de la servitude instituée ?

C’est précisément sur ces questions que devait se prononcer le Conseil d’Etat dans la décision que nous nous proposons de commenter.

Dans cette affaire était en effet mise en cause la légalité de la servitude de « mixité sociale » instaurée par le PLU d’une commune membre de la communauté urbaine Nantes Métropole qui prévoyait l’obligation de construire un minimum de 3200 m2 de SHON et de 43 logements dont 800 m2 de SHON consacrés à la réalisation de 11 logement sociaux.

En première instance, le tribunal administratif de Nantes avait annulé ces dispositions du PLU en jugeant que l’habilitation législative inscrite à l’article L. 123-2 b) «  ne saurait permettre aux auteurs du plan local d’urbanisme d’édicter en outre des prescriptions ayant pour objet ou pour effet d’imposer aux propriétaires, en cas de réalisation d’une construction, une surface hors œuvre nette minimale à construire, ainsi qu’un nombre minimum de logements à réaliser »[2].

Saisie en appel, la cour administrative d’appel de Nantes a adopté une position différente en jugeant que les dispositions de l’article L. 123-2 b) du code de l’urbanisme «  si elles permettent de fixer un pourcentage de SHON qui devra être affecté à la réalisation de logements à caractère social, ne peuvent être regardées comme interdisant, par elles mêmes, aux auteurs d’un PLU de fixer, dans le cadre du programme de logements qu’ils définissent, la surface minimale totale à construire, ainsi que le nombre minimum de logements à édifier sur le terrain ainsi grevé de servitude »[3].

Le Conseil d’Etat se rallie à cette interprétation et juge que l’habilitation législative conférée aux auteurs du PLU leur permet d’imposer la surface minimale totale de logements à construire et le nombre minimum de logements sociaux à édifier dans un considérant très largement inspiré de l’arrêt d’appel :

« ces dispositions [L.123-2 b et R. 123-12 du code de l’urbanisme] ont pour objet d’habiliter les auteurs des plans locaux d’urbanisme, d’une part, à définir dans les zones urbaines ou à urbaniser des programmes de logements répondant à des préoccupations de mixité sociale, dont les plans et les documents graphiques qui y sont annexés précisent la nature, et, d’autre part, à constituer, dans ces zones, des réserves foncières afin de permettre la mise en œuvre de ces programmes ; que les plans locaux d’urbanisme peuvent, à cette fin, imposer des contraintes précises à ces terrains et fixer notamment un pourcentage minimum de surface hors œuvre nette affecté à la réalisation des logements prévus par ces programmes ou un nombre minimum de logements à édifier, éventuellement en indiquant les catégories de logements concernés ; que les propriétaires peuvent, au demeurant, faire usage du droit de délaissement prévue par l’article L. 123-17 du code de l’urbanisme ; qu’ainsi, en jugeant légale la fixation par le plan local d’urbanisme de La Chapelle-sur-Erdre de telles prescriptions, la cour n’a, par suite, pas entaché son arrêt d’une erreur de droit ».

Le juge administratif n’est donc a priori pas enclin à limiter l’importance conférée par le législateur aux auteurs de PLU[4]. dans la poursuite de l’objectif prioritaire de construction de logements.


[1]              Loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement

[2]              TA Nantes 12 octobre 2010 M. A, req. n° 0706949

[3]              CAA Nantes 15 juillet 2011 communauté ubaine Nantes Métropole, req. n° 10NT02554 : http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?oldAction=rechJuriAdmin&idTexte=CETATEXT000024532661&fastReqId=873380655&fastPos=1

[4]              Voir aussi sur ce point par exemple l’article L. 123-1-11 qui autorise certaine dérogation aux règles relatives au gabarit, à la hauteur, à l’emprise au sol et au coefficient d’occupation des sols pour la construction de logement ou encore l’article L. 123-1-5 16° qui autorise les auteurs du PLU à délimiter, dans les zones urbaines ou à urbaniser, des secteurs dans lesquels, en cas de réalisation d’un programme de logements, un pourcentage de ce programme doit être affecté à des catégories de logements qu’il définit dans le respect des objectifs de mixité sociale.

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