Précisions sur la notion d’erreur matérielle justifiant le recours à une procédure de modification simplifiée d’un PLU

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

February 2020

Temps de lecture

5 minutes

CE 31 janvier 2020 Commune de Thorame-Haute, req. n° 416364 : mentionné aux tables du recueil Lebon

Par une délibération du 1er août 2013, le conseil municipal de la commune de Thorame-Haute (Alpes-de-Haute-Provence) a approuvé la modification simplifiée du plan local d’urbanisme (PLU) de la commune, en vue d’expliciter le parti d’aménagement adopté lors de l’élaboration du PLU en 2008, lequel prévoyait un secteur Nc en zone N correspondant à une zone d’exploitation de carrière mais ne comportait aucune dérogation à l’interdiction générales des ICPE dans cette zone.

Le règlement de la zone N issu de cette délibération précise ainsi que le secteur Nc correspond à une zone d’exploitation de carrière qui inclut les « activités connexes ». Et les articles N1 et N2 prévoient que sont autorisés en secteur Nc, par dérogation à l’interdiction générale en zone N, non seulement l’ouverture et l’exploitation de carrières mais aussi « l’exploitation d’activités connexes (concassage, criblage, production de première transformation [centrale à béton, centrale d’enrobage, etc.]) », les installations classées soumises à autorisation correspondante ainsi que les affouillements et exhaussements du sols rendus nécessaires pour ces activités.

Saisi d’un recours pour excès de pouvoir par un habitant de la commune, le tribunal administratif de Marseille a annulé cette délibération, par un jugement du 17 décembre 2015.

Ce jugement a été confirmé par la cour administrative d’appel de Marseille, par un arrêt du 12 octobre 2017 (req. n° 16MA00226), laquelle s’est fondée sur quatre motifs d’illégalité de la délibération approuvant la modification simplifiée du PLU, tirés respectivement :

  • du recours à la procédure de modification simplifiée du plan local d’urbanisme et non à celle de révision (a);
  • de l’absence d’évaluation environnementale (b);
  • de la méconnaissance des dispositions de l’article R. 123-11 du même code (c);
  • de la méconnaissance des dispositions de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme issues de la loi Montagne (d).

C’est dans ce contexte que la commune a formé un pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat, lequel a censuré trois des quatre motifs d’illégalité susvisés, le premier motif ayant motivé le fichage au recueil de l’arrêt commenté.

(a)       En premier lieu, s’agissant du choix de la procédure de modification simplifiée, la cour reprochait à la commune d’avoir eu recours à la procédure de modification simplifiée, en considérant que la modification opérée ne pouvait être regardée comme la rectification d’une erreur matérielle.

Pour mémoire, l’article L. 123-13-3 (devenu L. 153-45) du code de l’urbanisme dans sa version en vigueur au moment des faits prévoit la possibilité de recourir à la procédure de modification simplifiée du PLU, notamment «  lorsque le projet de modification a uniquement pour objet la rectification d’une erreur matérielle ».

Le Conseil d’Etat donne d’abord pour la première fois une définition de l’erreur matérielle permettant de recourir à la procédure de modification simplifiée :

« le recours à la procédure de modification simplifiée pour la correction d’une erreur matérielle est légalement possible en cas de malfaçon rédactionnelle ou cartographique portant sur l’intitulé, la délimitation ou la règlementation d’une parcelle, d’un secteur ou d’une zone ou le choix d’un zonage, dès lors que cette malfaçon conduit à une contradiction évidente avec les intentions des auteurs du plan local d’urbanisme, telles qu’elles ressortent des différents documents constitutifs du plan local d’urbanisme, comme le rapport de présentation, les orientations d’aménagement ou le projet d’aménagement et de développement durable ».

Il considère ensuite que la cour a inexactement qualifié les faits de l’espèce, dès lors que les différents documents constitutifs du PLU attestaient, « sans aucun doute possible » que la commune n’avait en aucun cas entendu remettre en cause ou restreindre les activités liées à l’exploitation des carrières existant dans la zone Nc, et que l’absence, dans le règlement du PLU de la référence à ces activités procédait d’une simple omission. Dans ces conditions, le recours à la procédure de modification simplifiée du PLU était possible, sans qu’il soit nécessaire de recourir à la procédure de révision.

(b)       En deuxième lieu, s’agissant de l’absence d’évaluation environnementale, le Conseil d’Etat déduit logiquement de la censure du premier moyen que, dès lors que la délibération litigieuse a pour objet non pas d’autoriser des activités nouvelles mais de rétablir, en rectifiant une erreur matérielle, la mention d’activités existantes, antérieures au PLU adopté en 2008, celle-ci n’est pas susceptible d’emporter des nuisances matérielles.

Par conséquent, une évaluation environnementale préalable n’était pas requise.

(c)        En troisième lieu, s’agissant du moyen tiré de la méconnaissance de l’article R. 123-11 du code de l’urbanisme (nouvel article R. 151-34 du même code), cet article, relatif à la délimitation des zones U, AU, A et N des règlements des PLU, prévoit que les documents graphiques doivent faire apparaître les « secteurs protégés en raison de la richesse du sol ou du sous-sol, dans lesquels les constructions et installations nécessaires à la mise en valeur de ces ressources naturelles sont autorisées ».

A cet égard, la cour a considéré que la commune n’avait pu, sans méconnaître les dispositions susvisées, ouvrir la possibilité de réaliser dans le secteur Nc protégé en raison de la richesse du sous-sol, des équipements, constructions et installations « connexes et non pas seulement nécessaires à l’exploitation d’une carrière », telles que les centrales d’enrobage à chaud et les centrales à béton, dont l’exploitation peut avoir lieu en dehors d’un secteur protégé en raison de la richesse du sol ou du sous-sol.

Le Conseil d’Etat invalide l’approche restrictive de la cour, en considérant que :

« En excluant par principe de telles installations de première transformation, alors que les dispositions précitées de l’article R. 123-11 du code de l’urbanisme autorisent les installations ” nécessaires à la mise en valeur ” des ” ressources naturelles ” et que la mise en œuvre de la délibération litigieuse suppose d’apprécier pour chaque projet, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, l’existence d’un rapport étroit entre les activités concernées, la cour a entaché son arrêt d’une erreur de droit » (considérant 7).

(d)       En quatrième et dernier lieu, la commune reproche à la cour d’avoir accueilli le moyen tiré de la méconnaissance de la loi Montagne, et plus particulièrement du III de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme alors applicable (nouvel article L. 122-5), qui impose en zone de montagne une urbanisation en continuité avec l’urbanisation existante :

« Sous réserve de l’adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l’extension limitée des constructions existantes et de la réalisation d’installations ou d’équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées, l’urbanisation doit se réaliser en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d’habitations existants ».

La cour administrative d’appel de Marseille avait en effet considéré que la modification litigieuse permettait une urbanisation de la zone Nc, en autorisant l’implantation d’installations. Selon la requérante, dès lors que la délibération avait pour seul objet d’autoriser des installations antérieures à l’entrée en vigueur de la loi Montagne du 9 janvier 1985, celle-ci ne pouvait être utilement invoquée.

Le Conseil d’Etat confirme l’arrêt de la cour sur ce dernier moyen, aux motifs suivants :

  • d’une part, la réserve expresse de « l’adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l’extension limitée des constructions existantes» traite justement de ses conditions d’application aux bâtiments implantés avant son entrée en vigueur, de sorte que ces dispositions étaient bien applicables en l’espèce ;
  • d’autre part, la modification apportée au PLU était « de nature à permettre une forme d’urbanisation», en méconnaissance des dispositions précitées.

A ce titre, dans ses conclusions sur l’arrêt commenté, la rapporteure publique considère en effet que les bâtiments industriels permettant une première transformation des matériaux extraits du sous-sols doivent être regardés comme une urbanisation au sens du III de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme, de la même manière que pour la construction d’éoliennes, comme l’a déjà jugé le Conseil d’Etat (CE 16 juin 2010, req. n° 311840).

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