Précisions sur la possibilité offerte au pouvoir adjudicateur de soumettre les candidats à des essais pour l’évaluation de leur offre

Catégorie

Contrats publics

Date

July 2015

Temps de lecture

4 minutes

CE 26 juin 2015 société Am’Tech Médical, req. n° 389124

L’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) a lancé en août 2014 une procédure d’appel d’offres ouvert en vue de l’attribution d’un marché public de services ayant pour objet des prestations de contrôle de qualité externe d’équipements d’imagerie et de radiothérapie.

Les offres de la société Am’Tech Médical pour les lots 1 à 3 ont été rejetées. C’est la raison pour laquelle la société évincée a saisi le tribunal administratif de Paris d’un référé précontractuel qui a fait droit à sa demande d’annulation de la procédure desdits lots par une ordonnance en date du 16 mars 2015.

L’AP-HP a alors formé un pourvoi en cassation contre cette ordonnance.

En l’espèce, le CCTP prévoyait, d’une part, les critères selon lesquels les offres seraient sélectionnées, à savoir pour les lots 1 à 3 en fonction d’un critère pondéré à 60% relatif à la qualité de la prestation et d’un critère relatif au prix pondéré à hauteur de 40%.

D’autre part, le CCTP précisait la méthode d’évaluation du critère relatif à la qualité de la prestation.

Ainsi, le critère relatif à la qualité de la prestation faisait l’objet d’une évaluation au regard des éléments suivants :

► les réponses fournies par les candidats dans le document intitulé « cadre de réponse technique » ;
► l’accomplissement d’un essai de contrôle de qualité externe sur des équipements de l’AP-HP ; et
► un rapport d’analyse remis par les candidats à la suite de cet essai.

Le juge des référés a annulé la procédure de passation relative aux trois premiers lots au motif que « l’obligation imposée aux candidats par le pouvoir adjudicateur d’accomplir, dans le cadre de la présentation de leur offre, et sous le contrôle du pouvoir adjudicateur, un essai des prestations faisant l’objet du marché afin de permettre l’évaluation de la qualité technique de leur offre, n’était autorisée par aucune disposition du code des marchés publics relative aux appels d’offres ouvert ».

Le Conseil d’Etat annule l’ordonnance estimant qu’en jugeant ainsi, le tribunal a commis une erreur de droit, n’ayant pas recherché « si l’obligation qu’elle avait prévue était prohibée par une disposition du code des marchés publics ou les principes de la commande publique ».

Le Conseil d’Etat apporte d’utiles précisions sur la marge de manœuvre offerte aux pouvoirs adjudicateurs qui soumettent les candidats à des essais.

Ainsi, jugeant au fond, le Conseil d’Etat examine le point de savoir si l’AP-HP a bien respecté ses obligations de publicité et de mise en concurrence en prévoyant notamment des essais pour évaluer le critère relatif à la qualité des prestations des candidats.

Tout d’abord, au regard des articles 49 du CMP 1) Article 49 CMP : « Quel que soit le montant du marché, le pouvoir adjudicateur peut exiger que les offres soient accompagnées d’échantillons, de maquettes ou de prototypes concernant l’objet du marché ainsi que d’un devis descriptif et estimatif détaillé comportant toutes indications permettant d’apprécier les propositions de prix. Ce devis n’a pas de valeur contractuelle, sauf disposition contraire insérée dans le marché. Lorsque ces demandes impliquent un investissement significatif pour les candidats, elles donnent lieu au versement d’une prime ». sur la possibilité de fournir des échantillons et 59-1 du CMP 2) Article 59-1 CMP : « I. – Il ne peut y avoir de négociation avec les candidats. Il est seulement possible de demander aux candidats de préciser ou de compléter la teneur de leur offre ». sur l’interdiction de négocier dans le cadre d’un appel d’offres ouvert, le Conseil d’Etat juge que :

    « ni les dispositions de l’article 49, ni aucune autre disposition ou principe n’interdisaient à l’AP-HP d’exiger des candidats la réalisation d’essais dans le cadre de la présentation de leur offre ; qu’il ne résulte pas de l’instruction et qu’il n’est d’ailleurs pas allégué par la société requérante que les essais auxquels ont été soumis les candidats auraient donné lieu à une négociation avec le pouvoir adjudicateur et à une modification de leur offre, en méconnaissance des dispositions du I de l’article 59 du code des marchés public».

Le Conseil d’Etat ajoute que le fait que les candidats soient dans l’obligation, au regard du code de la santé publique, de disposer d’un agrément n’empêche pas le pouvoir adjudicateur de soumettre les candidats à un tel essai pour la sélection des offres.

En conséquence, au regard de ces éléments, le Conseil d’Etat valide la possibilité pour le pouvoir adjudicateur de soumettre les candidats à de tels essais, rejetant la demande d’annulation de la société Am’Tech Médical.

Cette décision du Conseil d’Etat est à rapprocher d’un arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux 22 juin 2015 3) CAA Bordeaux 22 juin 2015 société Mediascience, req. n° 13BX1763. Cette décision évoquait de nombreux moyens au titre desquels la cour a eu à se prononcer sur la possibilité pour le pouvoir adjudicateur de prévoir des tests des échantillons fournis par les candidats afin d’évaluer leur offre. qui a récemment jugé qu’en matière de tests sur les échantillons fournis par les candidats, le pouvoir adjudicateur qui a l’obligation d’indiquer dans les documents de la consultation les critères d’attribution du marché et leurs conditions de mise en œuvre, ne doit pas en revanche « informer les candidats de la méthode de notation retenue pour apprécier les offres au regard de chacun des critères ».

Ainsi, la circonstance de l’espèce de ne pas avoir procédé aux tests sur l’intégralité des échantillons fournis par les candidats n’est pas suffisante pour fonder l’annulation de la procédure :

    « la société Mediascience ne peut donc se prévaloir utilement de ne pas avoir été informée de la méthode de test et de notation des offres ; qu’il ne ressort par ailleurs pas de ces dispositions ni d’aucune des pièces du dossier de consultation que l’opération de test imposait au pouvoir adjudicateur de vérifier tous les matériels déposés contrairement à ce que soutient la société requérante ».

En conséquence, de manière générale, la possibilité de tester des échantillons ou de soumettre les candidats à des essais n’est pas prohibée par le CMP, à charge pour le pouvoir adjudicateur de préciser dans les documents de la consultation les critères d’attribution du marché et leurs conditions de mise en œuvre afin de respecter les principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures.

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1. Article 49 CMP : « Quel que soit le montant du marché, le pouvoir adjudicateur peut exiger que les offres soient accompagnées d’échantillons, de maquettes ou de prototypes concernant l’objet du marché ainsi que d’un devis descriptif et estimatif détaillé comportant toutes indications permettant d’apprécier les propositions de prix. Ce devis n’a pas de valeur contractuelle, sauf disposition contraire insérée dans le marché. Lorsque ces demandes impliquent un investissement significatif pour les candidats, elles donnent lieu au versement d’une prime ».
2. Article 59-1 CMP : « I. – Il ne peut y avoir de négociation avec les candidats. Il est seulement possible de demander aux candidats de préciser ou de compléter la teneur de leur offre ».
3. CAA Bordeaux 22 juin 2015 société Mediascience, req. n° 13BX1763. Cette décision évoquait de nombreux moyens au titre desquels la cour a eu à se prononcer sur la possibilité pour le pouvoir adjudicateur de prévoir des tests des échantillons fournis par les candidats afin d’évaluer leur offre.

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