Publicités et enseignes lumineuses : un principe d’extinction nocturne obligatoire… presque partout

Catégorie

Environnement

Date

November 2022

Temps de lecture

4 minutes

Décret n° 2022-1294 du 5 octobre 2022 portant modification de certaines dispositions du code de l’environnement relatives aux règles d’extinction des publicités lumineuses et aux enseignes lumineuses

Le décret n° 2022-1294 du 5 octobre 2022 portant modification de certaines dispositions du code de l’environnement relatives aux règles d’extinction des publicités lumineuses et aux enseignes lumineuses a été publié le 7 octobre 2022. Il porte l’ambition d’harmoniser les règles d’extinction nocturne des publicités à l’échelle nationale.

L’œuvre de codification des bonnes pratiques environnementales menée par le législateur et le pouvoir règlementaire se poursuit autour de l’épineuse question de la publicité lumineuse, dont les modalités d’extinction nocturne étaient demeurées inchangées depuis le décret n° 2007-1467 du 12 octobre 2007 entré en vigueur depuis le 1er juillet 2012.

Gouffre énergétique pour certain, gage de sécurité et protection contre le vandalisme pour d’autres ou encore atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie, l’extinction des enseignes et des publicités lumineuses après le couché du soleil a suscité de vifs débats au cours lesquels les impératifs de sobriété énergétique ont parfois peiné à se faire entendre.

1.     Concrètement, quels sont les enjeux liés au décret du 5 octobre 2022 ?

Depuis le 1er juillet 2012, l’article R. 581-35 du code de l’environnement imposait l’extinction de la publicité lumineuse entre 1 heure et 6 heures du matin sous certaines conditions tenant à l’emplacement du dispositif et à sa nature.

Ainsi, les unités urbaines de plus de 800 000 habitants n’étaient pas concernées, excluant de fait les grandes agglomération françaises (Nice, Bordeaux, Toulouse, Lille, Marseille-Aix-en-Provence, Lyon, Paris) et l’emprise des aéroports était également exonérée.

La publicité sur le mobilier urbain pouvait également échapper à la règle de l’extinction nocturne sous réserve d’être soit une publicité éclairée par projection ou transparence (dispositifs des abribus par exemple), soit une publicité numérique (sur écran) dont les images sont fixes.

Une dérogation globale pouvait par ailleurs être sollicitée dans le cadre d’évènements exceptionnels.

Outre les exceptions relatives au mobilier urbain, la rédaction de l’article R. 581-35 du code de l’environnement laissait aux autorités compétentes des unités urbaines de plus de 800 000 habitants le choix d’établir les obligations et les modalités d’extinction nocturne par la voie de leurs règlements locaux de publicité (RLP) selon les zones qu’ils identifiaient.

In fine, des aires urbaines vastes demeuraient exemptes de toute obligation d’extinction nocturne.

2.     Le décret du 5 octobre a-t-il sensiblement fait évoluer la situation ?

Si le constat peut être mitigé, plusieurs modifications portées par le décret portent des changements notoires et immédiats.

En effet, en premier lieu, la référence aux unités urbaines de plus de 800 000 habitants a été supprimée de l’article R. 581-35 qui étend donc l’obligation d’extinction nocturne entre 1h et 6h du matin à l’ensemble du territoire national.

En deuxième lieu, l’entrée en vigueur de cette modification a été immédiate soit dès le 7 octobre dernier (le lendemain de la publication du décret) ; aucune disposition transitoire n’étant prévue.

De la sorte, les opérateurs de publicité extérieure exploitant des dispositifs de publicité lumineuse dans des communes qui n’étaient pas encore soumises au principe d’interdiction nocturne ont dû  adapter sans délai le réglage des publicités lumineuses concernées pour qu’elles soient éteintes entre 1 heure et 6 heures.

En troisième lieu, l’obligation d’extinction nocturne s’accompagne à présent d’une sanction pénale.

Le décret créé à cet effet l’article R. 581-87-1 dans le code de l’environnement afin de punir de l’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe (1 500 EUR pour les personnes physique 1)art. 131-13 c. pénal et 7 500 EUR pour les personnes morales 2)art. 131-38 c. pénal) le fait d’apposer, de faire apposer ou de maintenir après mise en demeure, une publicité ou une enseigne lumineuse sans observer les prescriptions de l’article R. 581-35 et des troisième à cinquième alinéa de l’article R. 581-59 (relatif aux enseignes lumineuses).

3.     Des dispositions non censurées par le juge des référés du Conseil d’Etat

Dans ce contexte, la création d’une nouvelle interdiction imposée sans délai et dont la méconnaissance peut faire l’objet d’une sanction pénale pécuniaire n’a pas manqué d’alerter le Syndicat national de la publicité extérieure (SNPE) qui a porté la légalité de cette disposition devant le Conseil d’Etat.

Par une ordonnance du 26 octobre 2022 (req n° 468222), le juge des référés a néanmoins rejeté la requête du syndicat au motif que le réglage rapide des dispositifs dans les communes concernées n’est pas matériellement impossible et qu’il n’est pas démontré que les amendes mettraient en péril, le cas échéant, la stabilité économique des opérateurs sanctionnés :

« il n’apparait cependant pas qu’une intervention à bref délai destinée au réglage d’une partie significative des horloges programmées pour permettre l’éclairage nocturne des dispositifs publicitaires qui sont répartis entre de nombreuses entreprises, s’avérerait matériellement impossible. D’autre part, le SNPE ne justifie par aucune des pièces produites du risque réel et actuel de poursuites pénales massives et systématiques dont elle se borne à alléguer qu’elles menaceraient la pérennité économique des entreprises dont elle défend les intérêts ».

Le Conseil d’Etat rappelle par ailleurs que les poursuites pénales établies par l’article R. 581-87-1 doivent être précédées d’une mise en demeure de mise en conformité sous 5 jours (conformément à l’art. L. 581-27 C. env.) prononcées par l’autorité administrative compétente avant d’être sanctionnées et qu’en l’état, il n’est pas rapporté que de telles procédures auraient été diligentées.

4.     Certaines publicités lumineuses peuvent rester allumées toute la nuit ou bénéficient d’un sursis

En définitive, si le décret porte sans conteste un durcissement de la règlementation de la publicité lumineuse, il maintient néanmoins certaines exceptions au principe d’extinction ou diffère son entrée en vigueur.

L’emprise des aéroports reste ainsi exonérée de l’obligation d’extinction entre 1 heure et 6 heures à l’instar du mobilier urbain.

S’agissant de ces derniers, l’article 4 du décret reporte au 1er juin 2023 l’entrée en vigueur des dispositions relatives aux publicités lumineuses supportées par le mobilier urbain.

Jusqu’à cette date, il faut donc comprendre que l’obligation d’extinction ne s’applique pas aux publicités lumineuses éclairées par projection ou transparence ni aux publicités numériques installées sur n’importe quel type de mobilier urbain.

A compter du 1er juin 2023, la publicité lumineuse devra en revanche impérativement être éteinte entre 1 heure et 6 heures lorsqu’elle est située sur du mobilier urbain, à l’exception du mobilier urbain affecté aux services de transport pendant les heures de fonctionnement desdits services, si ces dernières se poursuivent entre 1 heure et 6 heures.

 

Partager cet article

References   [ + ]

1. art. 131-13 c. pénal
2. art. 131-38 c. pénal

3 articles susceptibles de vous intéresser