Régularisation par PCM d’un PC délivré avant que la CNAC ne délivre son avis

Catégorie

Aménagement commercial, Droit administratif général, Urbanisme et aménagement

Date

July 2020

Temps de lecture

4 minutes

CAA Douai 15 juillet 2020 Société Distribution Casino France, req. n° 18DA00172

La société Lidl avait déposé une demande de permis de construire le 22 mars 2017 afin de construire un commerce de plus de 1 000 m² de surface de vente sur le territoire de la commune de Luneray. Or, les projets portant sur la création de plus de 1 000 m² de surface de vente sont soumis à autorisation d’exploitation commerciale 1)Article L. 752-1 du code de commerce.. Dans ce cas, conformément aux dispositions de l’article L. 425-4 du code de l’urbanisme, le permis de construire tient lieu d’autorisation dès lors que la demande de permis a fait l’objet d’un avis favorable de la commission départementale d’aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d’aménagement commercial.

La Commission départementale d’aménagement commercial de la Seine-Maritime (CDAC) avait ainsi été saisie du projet de création de magasin Lidl et avait rendu un avis favorable sur le projet le 31 mai 2017. La Commission nationale d’aménagement commercial (CNAC) avait ensuite été saisie le 12 juillet 2017 par la société Distribution Casino France d’un recours préalable obligatoire à l’encontre de cet avis favorable de la CDAC.

Or, sans attendre l’avis de la CNAC sur ce recours, la commune de Luneray avait accordé le permis de construire sollicité par la société Lidl par un arrêté du 14 septembre 2017.

Ce n’est que plus d’un mois après la délivrance du permis, le 26 octobre 2017, que la CNAC avait rejeté le recours administratif préalable obligatoire formé par la société Distribution Casino France. Son avis favorable avait ensuite été visé par un permis modificatif délivré à la société Lidl par la commune de Luneray le 20 mars 2020.

Au soutien de son recours formé devant la Cour administrative d’appel de Douai à l’encontre de ce permis initial et de ce permis modificatif en tant qu’ils valent autorisation d’exploitation commerciale, la société Distribution Casino France arguait que le permis de construire était illégal puisqu’il avait été délivré avant que la CNAC ait émis son avis.

La Cour a rappelé, en reprenant le considérant d’un avis du Conseil d’Etat du 23 décembre 2016 2)CE Avis 23 décembre 2016 req. n° 398077 : Publié au Rec. CE et commenté sur notre blog., qu’en cas de recours introduit devant la CNAC contre l’avis de la CDAC compétente, ou en cas d’auto-saisine de la CNAC, l’autorité compétente pour délivrer le permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale doit attendre l’intervention de l’avis, exprès ou tacite, de la CNAC pour délivrer le permis. En effet, cet avis se substituant à l’avis de la commission départementale, le permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale ne saurait légalement intervenir avant qu’il ait été rendu.

Dans son avis, le Conseil d’Etat avait néanmoins précisé qu’un permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale délivré avant l’expiration du délai d’un mois dans lequel un tiers peut former un recours devant la CNAC ou dans lequel la CNAC peut s’autosaisir, ne se trouverait pas entaché d’illégalité de ce seul fait. L’insécurité qui résulterait de ce que sa légalité pourrait être mise ultérieurement en cause à raison d’un avis négatif de la CNAC a toutefois conduit le Conseil d’Etat à recommander à l’administration d’éviter de délivrer le permis avant l’expiration de ce délai, sans toutefois que la Haute Juridiction ne précise si la régularisation d’un tel permis par un permis modificatif était possible.

Au cas présent, le permis de construire en litige avait été délivré par le maire de Luneray le 14 septembre 2017 avant l’intervention de l’avis de la Commission nationale d’aménagement commercial, alors que celle-ci avait pourtant été saisie le 12 juillet précédent. La Cour administrative d’appel en a donc conclu à juste titre que le permis de construire était, pour ce motif, entaché d’illégalité.

La Cour a cependant appliqué la jurisprudence constante du Conseil d’Etat relative à la régularisation d’un permis de construire par un permis modificatif 3)CE 2 février 2004 SCI La Fontaine de Villiers, req. n° 238315 : Mentionné dans les Tables du Rec. CE. en indiquant que « toutefois, lorsqu’un permis de construire a été délivré en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l’utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance des permis de construire, l’illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d’un permis modificatif dès lors que celui-ci assure le respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédé de l’exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises. Les irrégularités ainsi régularisées ne peuvent plus être utilement invoquées à l’appui d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis initial ».

En l’espèce, la commune de Luneray a délivré à la société Lidl, le 20 mars 2020, un permis de construire modificatif valant autorisation commerciale visant l’avis de la Commission nationale d’aménagement commercial du 26 octobre 2017. Or, selon la Cour, « contrairement à ce que soutient la société requérante, aucune disposition législative ou réglementaire ni aucune règle jurisprudentielle ne s’oppose à la régularisation d’un acte en raison de la gravité du vice qui l’affecte. Dès lors, le permis de construire modificatif délivré le 20 mars 2020 a régularisé l’illégalité qui entachait le permis de construire initial et le moyen tiré de ce que le permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale a été délivré avant que l’avis de la Commission nationale d’aménagement commercial n’ait été émis ne peut qu’être écarté ».

Il est ainsi possible de régulariser un permis de construire délivré avant que la CNAC ne rende son avis sur le projet par un permis de construire modificatif visant l’avis favorable de la CNAC.

Partager cet article

References   [ + ]

1. Article L. 752-1 du code de commerce.
2. CE Avis 23 décembre 2016 req. n° 398077 : Publié au Rec. CE et commenté sur notre blog.
3. CE 2 février 2004 SCI La Fontaine de Villiers, req. n° 238315 : Mentionné dans les Tables du Rec. CE.

3 articles susceptibles de vous intéresser