Un nouveau contrat de partenariat résilié : le projet d’hôtel de ville de La Teste-de-Buch ne présentant pas une complexité justifiant le recours à un tel contrat

Catégorie

Contrats publics

Date

April 2015

Temps de lecture

4 minutes

TA Bordeaux 18 mars 2015 M. Pradayrol c/ commune de la Teste de Buch, req. n° 1200804

Par une délibération en date du 22 avril 2010, la commune de la Teste-de-Buch a décidé de recourir au contrat de partenariat portant sur le financement, la conception, la réalisation, l’entretien et la maintenance du nouvel hôtel de ville de la commune.

Par une délibération du 13 septembre 2011, le conseil municipal a décidé d’attribuer ce contrat à la société Auxifip.

Saisi par un conseiller municipal qui demandait l’annulation de la délibération du 13 septembre 2011 et de la décision de refus de son recours gracieux, le tribunal administratif de Bordeaux a été conduit à se prononcer sur la validité de ce contrat de partenariat, très récemment après avoir résilié, avec effet différé, celui portant sur la cité administrative de la ville de Bordeaux 1) TA Bordeaux 11 février 2015 Syndicat national des entreprises du second œuvre (SNSO), req. n° 1200574, commenté sur ce blog : http://www.adden-leblog.com/?p=6638 .

Le tribunal administratif a jugé que le projet ne justifiait pas de la complexité suffisante pour recourir à un tel contrat.

Dans un premier temps, le tribunal a rappelé le cadre juridique relatif au contrat de partenariat notamment concernant les conditions de recours à un tel montage contractuel 2) Article L. 1414-2 du CGCT : « II.-Les contrats de partenariat ne peuvent être conclus que si, au regard de l’évaluation, il s’avère :
1° Que, compte tenu de la complexité du projet, la personne publique n’est pas objectivement en mesure de définir seule et à l’avance les moyens techniques répondant à ses besoins ou d’établir le montage financier ou juridique du projet ;
2° Ou bien que le projet présente un caractère d’urgence, lorsqu’il s’agit de rattraper un retard préjudiciable à l’intérêt général affectant la réalisation d’équipements collectifs ou l’exercice d’une mission de service public, ou de faire face à une situation imprévisible ;
3° Ou bien encore que, compte tenu soit des caractéristiques du projet, soit des exigences du service public dont la personne publique est chargée, soit des insuffisances et difficultés observées dans la réalisation de projets comparables, le recours à un tel contrat présente un bilan entre les avantages et les inconvénients plus favorable que ceux d’autres contrats de la commande publique. Le critère du paiement différé ne saurait à lui seul constituer un avantage».
Article L. 1414-5 du même code : « Si, compte tenu de la complexité du projet et quel que soit le critère d’éligibilité retenu en application de l’article L. 1414-2 pour fonder le recours au contrat de partenariat, la personne publique est objectivement dans l’impossibilité de définir seule et à l’avance les moyens techniques pouvant répondre à ses besoins ou d’établir le montage financier ou juridique du projet, elle peut recourir au dialogue compétitif dans les conditions prévues à l’article L. 1414-7. Elle indique le choix de la procédure dans l’avis de publicité.».
, précisant qu’il s’agissait d’un contrat dérogatoire de la commande publique, ainsi réservé aux seules situations répondant à certains motifs d’intérêt général précédemment décrits et dont la démonstration revient à la personne publique.

En l’espèce, le tribunal conclut au défaut de complexité du projet, en se fondant sur plusieurs éléments :

    ► D’une part, ni la mise en œuvre d’une opération de déménagement d’un commerce, ni le déplacement des services techniques, ni la réorganisation de la circulation du centre ville et encore moins la valorisation foncière de deux espaces du domaine privé de la commune impliquant un savoir-faire technique en terme de performance énergétique, d’urbanisme et d’architecture ne représentent une quelconque innovation ou complexité technique particulière, la commune de La Teste-de-Buch ne démontrant pas que, au regard de ces circonstances, la commune était dans l’impossibilité de définir seule et à l’avance « les moyens techniques propres à satisfaire ses besoins ». La complexité technique de ce projet n’est donc pas établi ;

    ► D’autre part, selon le juge administratif, au regard des mêmes circonstances précédemment énoncées, la commune ne démontre pas plus son impossibilité d’établir le montage financier et juridique du projet.

En conséquence, le tribunal administratif considère que la délibération du 22 avril 2010 par laquelle la commune avait acté sa décision de recourir au contrat de partenariat est illégale et, par voie d’exception, annule la délibération du 13 septembre 2011.

Dans un second temps, et comme il l’avait fait pour le contrat de partenariat relatif à la cité administrative de la Ville de Bordeaux, le tribunal administratif, après avoir rappelé la démarche du juge de l’exécution 3) « Considérant que l’annulation d’un acte détachable d’un contrat n’implique pas nécessairement que le contrat en cause doive être annulé ; qu’il appartient au juge de l’exécution, après avoir pris en considération la nature de l’illégalité commise, soit de décider que la poursuite de l’exécution du contrat est possible, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation prises par la personne publique ou convenues entre les parties, soit, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l’intérêt général, d’enjoindre à la personne publique de résilier le contrat, le cas échéant avec un effet différé, soit, eu égard à une illégalité d’une particulière gravité, d’inviter les parties à résoudre leurs relations contractuelles ou, à défaut d’entente sur cette résolution, à saisir le juge du contrat afin qu’il en règle les modalités s’il estime que la résolution peut être une solution appropriée »., enjoint le maire de la commune de La Teste-de-Buch de résilier le contrat de partenariat en cause à compter du 1er octobre 2015 4) Comme nous l’avions indiqué dans notre commentaire sur le contrat de partenariat de la cité administrative de Bordeaux, il convient de noter à ce sujet que la décision « Tarn et Garonne » du Conseil d’Etat ouvre aux tiers justifiant d’un intérêt à agir la possibilité de contester directement la validité du contrat, et en ferme la voie du recours en excès de pouvoir contre les actes détachables. Par conséquent, la portée d’une telle injonction paraît limitée pour l’avenir. CE 4 avril 2014 Département de Tarn et Garonne, req. n° 358994 : Publié au Rec. CE, commenté sur ce blog : http://www.adden-leblog.com/?p=5515.

Second contrat de partenariat annulé en moins de deux mois, il ne semble pas que les contrats de partenariat aient la côte en terres girondines… Le maire de la commune de La Teste-de-Buch ayant manifesté son intention de faire appel, affaire à suivre !

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References   [ + ]

1. TA Bordeaux 11 février 2015 Syndicat national des entreprises du second œuvre (SNSO), req. n° 1200574, commenté sur ce blog : http://www.adden-leblog.com/?p=6638
2. Article L. 1414-2 du CGCT : « II.-Les contrats de partenariat ne peuvent être conclus que si, au regard de l’évaluation, il s’avère :
1° Que, compte tenu de la complexité du projet, la personne publique n’est pas objectivement en mesure de définir seule et à l’avance les moyens techniques répondant à ses besoins ou d’établir le montage financier ou juridique du projet ;
2° Ou bien que le projet présente un caractère d’urgence, lorsqu’il s’agit de rattraper un retard préjudiciable à l’intérêt général affectant la réalisation d’équipements collectifs ou l’exercice d’une mission de service public, ou de faire face à une situation imprévisible ;
3° Ou bien encore que, compte tenu soit des caractéristiques du projet, soit des exigences du service public dont la personne publique est chargée, soit des insuffisances et difficultés observées dans la réalisation de projets comparables, le recours à un tel contrat présente un bilan entre les avantages et les inconvénients plus favorable que ceux d’autres contrats de la commande publique. Le critère du paiement différé ne saurait à lui seul constituer un avantage».
Article L. 1414-5 du même code : « Si, compte tenu de la complexité du projet et quel que soit le critère d’éligibilité retenu en application de l’article L. 1414-2 pour fonder le recours au contrat de partenariat, la personne publique est objectivement dans l’impossibilité de définir seule et à l’avance les moyens techniques pouvant répondre à ses besoins ou d’établir le montage financier ou juridique du projet, elle peut recourir au dialogue compétitif dans les conditions prévues à l’article L. 1414-7. Elle indique le choix de la procédure dans l’avis de publicité.».
3. « Considérant que l’annulation d’un acte détachable d’un contrat n’implique pas nécessairement que le contrat en cause doive être annulé ; qu’il appartient au juge de l’exécution, après avoir pris en considération la nature de l’illégalité commise, soit de décider que la poursuite de l’exécution du contrat est possible, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation prises par la personne publique ou convenues entre les parties, soit, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l’intérêt général, d’enjoindre à la personne publique de résilier le contrat, le cas échéant avec un effet différé, soit, eu égard à une illégalité d’une particulière gravité, d’inviter les parties à résoudre leurs relations contractuelles ou, à défaut d’entente sur cette résolution, à saisir le juge du contrat afin qu’il en règle les modalités s’il estime que la résolution peut être une solution appropriée ».
4. Comme nous l’avions indiqué dans notre commentaire sur le contrat de partenariat de la cité administrative de Bordeaux, il convient de noter à ce sujet que la décision « Tarn et Garonne » du Conseil d’Etat ouvre aux tiers justifiant d’un intérêt à agir la possibilité de contester directement la validité du contrat, et en ferme la voie du recours en excès de pouvoir contre les actes détachables. Par conséquent, la portée d’une telle injonction paraît limitée pour l’avenir. CE 4 avril 2014 Département de Tarn et Garonne, req. n° 358994 : Publié au Rec. CE, commenté sur ce blog : http://www.adden-leblog.com/?p=5515

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