Un pouvoir adjudicateur n’est pas tenu de s’assurer qu’un candidat a effectivement pris connaissance du message électronique tendant à lui demander de compléter sa candidature

Catégorie

Contrats publics

Date

October 2012

Temps de lecture

3 minutes

 

CE 3 octobre 2012 Département des Hauts-de-Seine, req. n° 359921

 

Par un avis d’appel public à la concurrence publié le 22 décembre 2011, le département des Hauts-de-Seine a lancé une procédure d’appel d’offres ouvert en vue de l’attribution d’un marché portant sur des prestations d’assistance à maîtrise d’œuvre, maîtrise d’ouvrage et d’architecture.

Trois groupements ont présenté une candidature, parmi lesquels le groupement représenté par la société Columbus Consulting.

Le 2 mars 2012, le département a envoyé à la société Columbus Consulting, ainsi qu’aux deux autres candidats, un courrier électronique « ayant pour objet une demande tendant à compléter son dossier de candidature »[1], comme le permet l’article 52 du code des marchés publics. Le système était a priori le suivant : le candidat recevait une sorte de courriel « d’alerte » l’informant qu’un message était disponible sur la plateforme de dématérialisation et devait « activer le lien électronique[2] pour pouvoir accéder au contenu de ce message et compléter le dossier de candidature[3] ».

Par un courrier du 19 avril 2012, le département a informé la société Colombus Consulting que la candidature du groupement était rejetée en raison du caractère incomplet du dossier. Ladite société n’avait visiblement pas pris connaissance du message l’invitant à régulariser sa candidature.

Par ailleurs, il s’avère que compte tenu du caractère « inacceptable »[4] des offres déposées par les deux autres candidats, le département a engagé une procédure négociée avec ceux-ci comme le prévoit l’article 35-I du code des marchés publics.

Le groupement évincé a saisi le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Cergy-Pontoise qui, par une ordonnance du 16 mai 2012, a annulé la procédure de passation du marché.

Or, le Conseil d’Etat considère que le premier juge a commis une erreur de droit en jugeant que « le département devait s’assurer que les candidats avaient effectivement pris connaissance de ce message », ce alors qu’aucun document de la consultation ne faisait peser une telle obligation sur lui.

Autrement dit, si un des documents de la consultation pouvait être interprété en ce sens, alors on peut penser que le Conseil d’Etat aurait confirmé l’annulation (les documents de la consultation devant non seulement être respectés par les candidats, mais également par le pouvoir adjudicateur). En l’occurrence, le département a, a priori, suivi « à la lettre » le process préalablement fixé, de sorte que rien ne pouvait lui être reproché.

Toutefois, réglant l’affaire au fond, le Conseil d’Etat rejette la demande du groupement requérant.

Tout d’abord, il relève que la candidature était bien incomplète[5] de sorte que, faute d’avoir été régularisée dans les conditions prévues par la consultation, c’est à bon droit que le département l’a rejetée.

Ensuite, le juge de cassation estime que le département n’a pas « manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence en n’admettant pas le groupement [requérant] à la négociation engagée sur le fondement des dispositions du 1° du I de l’article 35 du code des marchés publics » dès lors que sa candidature avait été rejetée de bon droit et qu’il n’avait donc présenté aucune offre.

En effet, il résulte du 1° du I de l’article 35 précité que seuls les candidats ayant déposé une offre (soit inacceptable ou irrégulière) pouvaient être admis à négocier.

Enfin, concernant la déclaration « d’infructuosité » « en raison du caractère inacceptable des offres tenant au dépassement des crédits budgétaires alloués au marché », la Haute Juridiction procède à un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation qui n’est pas, en l’espèce, reconnue[6].


[1] L’arrêt nous apprend que ce courriel est bien parvenu sur le serveur de messagerie de la société Colombus Consulting.

[2] Inclus dans le courriel et qui générait l’accusé de réception.

[3] Dans les délais requis.

[4] « Une offre est inacceptable si les conditions qui sont prévues pour son exécution méconnaissent la législation en vigueur, ou si les crédits budgétaires alloués au marché après évaluation du besoin à satisfaire ne permettent pas au pouvoir adjudicateur de la financer. » (article 35-I du code des marchés publics).

[5] Seul le fichier « zip » était signé par les trois membres du groupement, alors que le RC demandait que le formulaire DC1 comporte également leurs signatures électroniques.

[6] Pour ce faire, le Conseil d’Etat prend appui sur l’estimation du marché faite par le département et le montant de l’offre « la moins-disante ».

 

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