Une offre à zéro euro : caractère onéreux ? Offre anormalement basse ?

Catégorie

Contrats publics

Date

November 2020

Temps de lecture

3 minutes

CJUE 10 septembre 2020 Tax-Fin-Lex d.o.o, aff. n° C-367/19

Le ministère de l’intérieur slovène a lancé une procédure de passation d’un marché public relatif à l’accès à un système informatique juridique pour une durée de 2 ans, dont le montant estimé par l’administration était d’environ 40 000 EUR. Le ministère a reçu deux offres, dont celle de la société requérante qui a proposé un prix de zéro EUR. Le ministère a décidé de rejeter cette offre au motif que le prix final était contraire aux règles des marchés publics.

La juridiction nationale a été saisie de ce litige : elle se demande alors (i) si un contrat peut être qualifié de contrat à titre onéreux lorsque le pouvoir adjudicateur n’est pas tenu de fournir de contrepartie à son cocontractant, mais que ce dernier obtient, par ce contrat, l’accès à un nouveau marché et donc à des références susceptibles de présenter un avantage économique futur et (ii) si l’article 2, paragraphe 1, point 5 de la directive 2014/24 aux termes duquel les marchés publics sont « des contrats à titre onéreux conclus par écrit entre un ou plusieurs opérateurs économiques et un ou plusieurs pouvoirs adjudicateurs et ayant pour objet l’exécution de travaux, la fourniture de produits ou la prestation de services » peut constituer une base légale justifiant le rejet d’une offre à zéro EUR.

C’est dans ce contexte que la cour a été saisie de deux questions préjudicielles dont la première vise à déterminer si un « contrat à titre onéreux » est caractérisé en l’espèce et dont la seconde a pour objet d’identifier la base légale de la décision rejetant une offre à zéro EUR.

La cour a répondu à ces deux questions.

1           S’agissant d’abord de la qualification de contrat à titre onéreux, la cour rappelle que les termes « à titre onéreux » désignent un contrat par lequel chacune des parties s’engage à réaliser une prestation en contrepartie d’une autre 1)CJUE 8 octobre 2018 IBA Molecular Italy, aff. C‑606/17, point 28. et que cette contrepartie ne constitue pas nécessairement le versement d’une somme d’argent mais qu’elle peut prendre d’autres formes, telles que le remboursement de frais ou l’exonération de charges 2)Conclusions de l’avocat général M Michal Bobek sous CJUE 10 septembre 2020 Tax-Fin-Lex d.o.o. , aff. C-367/19, point 47.. Cependant, quoi qu’il en soit et rappelant la célèbre décision Helmut Müller 3)CJUE 25 mars 2010 Helmut Müller, aff. C‑451/08., le caractère synallagmatique d’un marché public se traduit nécessairement par la création d’obligations juridiquement contraignantes pour chacune des parties au contrat et, dont l’exécution peut être réclamée en justice.

C’est ainsi que lorsqu’un pouvoir adjudicateur n’est pas juridiquement tenu de fournir de prestation en contrepartie de celle que son cocontractant doit réaliser, alors ce contrat ne relève pas la notion de « contrat à titre onéreux » au sens des dispositions de la directive 2014/24.

En définitive, même si l’obtention du contrat en l’espèce pouvait avoir une valeur économique dans la mesure où il permettait au cocontractant d’avoir accès à un nouveau marché ou d’obtenir des nouvelles références, cette circonstance est jugée par la cour comme étant « trop aléatoire » et ne saurait donc suffire pour qualifier ce contrat de « contrat à titre onéreux ».

2          S’agissant ensuite de la question relative à la base légale pour rejeter une offre à zéro EUR, la cour considère que l’article 2, paragraphe 1, point 5 de la directive 2014/24 ne saurait constituer une base juridique susceptible de fonder le rejet d’une telle offre, dès lors que cette disposition se borne à définir la notion de marché public afin de déterminer le champ d’application de la directive 2014/24. Ce n’est donc pas son objet.

La question doit alors se régler, selon la cour, selon les dispositions des offres anormalement basses 4)Article 69 de la directive 2014/24., dans le cadre desquelles le pouvoir adjudicateur est tenu de solliciter des explications sur le montant de l’offre et ces explications doivent permettre d’établir que l’offre n’affectera pas l’exécution correcte du marché.

En somme, une offre ne saurait être automatiquement rejetée au seul motif que le prix proposé est de zéro EUR. Ce n’est donc que dans l’hypothèse où les éléments de preuve apportés par le soumissionnaire n’expliquent pas le bas niveau du prix qu’une telle offre pourra être rejetée.

En bref, l’argument d’un soumissionnaire ayant déposé une offre au prix de zéro euro, selon lequel le prix proposé dans son offre s’expliquerait par le fait qu’il compte obtenir l’accès à un nouveau marché ou à des références, serait à examiner dans le cadre de la procédure de détection des offres anormalement basses engagée par le pouvoir adjudicateur.

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