Si le pouvoir adjudicateur signe le contrat alors qu’il est dans l’ignorance de l’introduction d’un référé précontractuel, la voie du référé contractuel est fermée

Catégorie

Contrats publics

Date

April 2014

Temps de lecture

2 minutes

CE 5 mars 2014 Société Eiffage TP, req. n° 374048 : à mentionner aux Tables du Rec. CE

La région Réunion a lancé plusieurs appels d’offres portant sur la réalisation de la nouvelle « route du littoral ». La société Eiffage TP a répondu pour les lots n° 2 et 4 du marché qui ne lui ont pas été attribués. Elle a saisi le tribunal administratif de Saint-Denis le 25 octobre 2013 de deux référés précontractuels demandant l’annulation des procédures de passation de ces lots, mais sans notifier ces référés précontractuels au pouvoir adjudicateur, contrairement à ce que prévoit l’article R. 551-1 CJA.

La méconnaissance de l’obligation faite au requérant de notifier son référé précontractuel au pouvoir adjudicateur n’a pas pour conséquence en tant que telle de rendre irrecevable le recours 1) CE 10 novembre 2010 Ministre de la Défense, req. n° 341132. Néanmoins, sans cette notification, et si le greffe du tribunal n’y pallie pas, le pouvoir adjudicateur qui n’est pas informé de la saisine du juge est susceptible de signer le contrat à l’issue du délai de standstill – signature qui ferme absolument la voie du précontractuel.

Précisément, en l’espèce, la région Réunion n’a pas eu connaissance de l’introduction de ces référés, et a signé les marchés le 28 octobre 2013. La société Eiffage a tenté de transformer son recours en référé contractuel.

Rappelons que l’article L. 551-4 du CJA rend impossible l’exercice d’un référé contractuel après un précontractuel si le pouvoir adjudicateur a respecté l’interdiction de signer le contrat à compter de la saisine du juge et jusqu’à ce qu’il ait rendu sa décision : a contrario, si le pouvoir adjudicateur n’a pas respecté cette interdiction, le précontractuel peut être transformé en contractuel.

On sait depuis l’arrêt Commune de Maizière-lès-Metz 2) CE 30 septembre 2011 Commune de Maizières-lès-Metz, req. n° 350148 : publié au Rec. CE. que lorsque le pouvoir adjudicateur a signé le contrat sans avoir été averti, ni par le requérant, ni par le greffe du tribunal de la circonstance qu’un précontractuel était introduit, il ne peut pas être considéré comme ayant méconnu l’interdiction de signer le contrat à compter de la saisine du juge énoncée à l’article L. 551-4 du CJA.

En l’espèce, le tribunal a relevé de manière générale qu’il ne résultait pas de l’instruction que la région ait eu connaissance de l’introduction du référé. L’ordonnance est censurée pour erreur de droit sur ce point parce que le tribunal aurait dû expressément se borner à vérifier si le requérant ou le greffe du tribunal avait porté à la connaissance du pouvoir adjudicateur l’existence de ce référé : ce sont les deux seules sources d’information « valables » de l’introduction d’un référé précontractuel.

L’autre hypothèse qui aurait permis de régulariser l’introduction du référé contractuel était celle dégagée par l’arrêt Agrimer 3) CE 10 novembre 2010 Etablissement public national des produits de la mer (France Agrimer), req. n° 340944 : mentionné aux Tables du Rec. CE. , soit lorsque le pouvoir adjudicateur ne s’est pas conformé aux dispositions de l’article 80 du CMP qui prévoient l’obligation de notifier aux candidats le rejet de leur offre et les motifs de ce choix, et qui fixent le délai de standstill qui doit être respecté avant la signature du marché : tel n’était pas le cas en l’espèce.

Les pourvois de la société Eiffage TP ont donc été rejetés.

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References   [ + ]

1. CE 10 novembre 2010 Ministre de la Défense, req. n° 341132
2. CE 30 septembre 2011 Commune de Maizières-lès-Metz, req. n° 350148 : publié au Rec. CE.
3. CE 10 novembre 2010 Etablissement public national des produits de la mer (France Agrimer), req. n° 340944 : mentionné aux Tables du Rec. CE.

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