SMIRGEOMES et obligation d’allotir : l’approche pragmatique du juge

Catégorie

Contrats publics

Date

November 2011

Temps de lecture

3 minutes

Dans un arrêt du 27 octobre dernier (CE Département des Bouches-du-Rhône, req. n° 350935), rendu à l’occasion de la contestation de la procédure de passation d’un marché portant sur la fourniture de panneaux de signalisation directionnelle, la Haute juridiction a pu appliquer la mécanique du référé précontractuel, telle qu’elle fonctionne depuis le fameux arrêt SMIRGEOMES (CE 3 octobre 2008, req. n° 305420), imposant aux candidats évincés de l’attribution d’un marché de démontrer qu’ils ont pu être lésés par l’irrégularité qu’ils invoquent. Le juge rappelle également le fonctionnement de l’obligation d’allotissement, qui s’efface lorsque l’exécution du marché alloti est notablement plus coûteuse que celle d’un marché global.

D’abord, le Conseil d’Etat rappelle sans ambigüité que, dans le cas où l’offre du requérant d’un référé précontractuel devait être rejetée par le pouvoir adjudicateur, celui-ci ne présente pas d’intérêt à se prévaloir d’irrégularités propres aux phases de la procédure ultérieures au moment où son éviction aurait dû intervenir. Ainsi, l’offre irrégulière d’un candidat, faute d’avoir été signée par la personne habilitée à l’engager, doit en principe être rejetée avant tout examen (article 53 du code des marchés publics) de sorte que le marché n’aurait pas pu lui être attribué, en dépit de toute irrégularité entachant la phase ultérieure d’analyse des offres. Dans ces conditions, le juge ne peut pas, sans commettre une erreur de droit, constater l’irrégularité de l’offre du candidat et sa recevabilité à soulever un moyen propre à l’analyse des offres : « […] une offre dont l’acte d’engagement n’est pas, avant la date limite de remise des offres, signé par une personne dûment mandatée ou habilitée à engager l’entreprise candidate, est irrégulière et doit être éliminée comme telle avant même d’être examinée ; que le juge des référés du tribunal administratif de Marseille ne pouvait ainsi, sans commettre d’erreur de droit, juger que la société Signature était susceptible d’avoir été lésée, au stade de l’examen des offres, par un manquement du pouvoir adjudicateur à ses obligations de mise en concurrence, tout en relevant que l’offre de cette société pouvait être irrégulière faute d’avoir été signée par une personne dûment mandatée ou habilitée à engager l’entreprise […] ». Cette jurisprudence applique pleinement la logique désormais pragmatique du juge du référé précontractuel, au terme de laquelle il a d’ailleurs déjà été considéré que, lorsque le manquement invoqué par l’entreprise concerne les motifs mêmes de son éviction, elle n’est pas recevable à s’en prévaloir si d’autres motifs auraient pu justifier son exclusion au même stade de la procédure (CE 10 novembre 2010 Ministre de la défense, req. n° 341132). Très concrètement, il s’agit donc pour les requérants d’être tout à fait irréprochables avant de pouvoir formuler une critique à l’égard de la procédure de passation qu’ils entendent contester.

Dans un second temps, l’arrêt s’intéresse à celles des irrégularités soulevées par la requérante qui concernent la définition de la structure du marché et l’analyse des candidatures, soit deux phases antérieures au moment de son éviction, et qu’elle est donc recevable à soulever. C’est l’occasion pour le juge de rappeler que l’obligation d’allotissement exprimée à l’article 10 du Code des marchés publics s’efface lorsque la passation d’un marché global permet de notables économies : tel est le cas d’une baisse de 66 % du prix, comparé à celui obtenu lors de la passation du précédent marché en 2006. Le juge se livre à cet égard à une analyse économique poussée, en relevant que cette diminution des prix ne peut être attribuée à la seule fin de l’entente qui avait maintenu des prix hauts dans le secteur de la signalisation verticale (une décision de l’autorité de la concurrence du 22 décembre 2010 avait sanctionné une entente organisée par les entreprises du secteur de la signalisation – décision n°10-D-39). Il valide ainsi l’absence d’allotissement.

CE 27 octobre 2011 Département des Bouches-du-Rhône, req. n° 350935 : à paraître aux tables du Rec. CE

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