Retour sur l’inconventionnalité de la loi de validation des anciennes conventions publiques d’aménagement

Catégorie

Contrats publics

Date

February 2010

Temps de lecture

3 minutes

Dans un arrêt du 14 janvier 2010, la cour administrative d’appel de Paris vient d’écarter l’application du fameux article 11 de la loi 20 juillet 2005 portant validation des conventions publiques d’aménagement (CPA) conclues sans procédure de publicité et de mise en concurrence, ce comme d’autres cours avant elle (CAA Nantes 19 décembre 2007 Epoux Josse, req. n°  06NT01078, n° 06NT01087 – CAA Nantes 6 mai 2008 Epoux Courtin, req. n° 06NT01912 – CAA Versailles 12 mars 2009 Commune de Clichy, req. n° 07VE02221 : pour une motivation plus nuancée).

La cour confirme ainsi l’annulation de la délibération du 22 octobre 2004 de la commune de Chelle qui approuve le projet de CPA à conclure avec la SEML Chelles Avenir et autorise son maire à la signer.

Pour ce faire, le juge parisien considère, tout d’abord, que cette CPA présentait toutes les caractéristiques d’un marché public de travaux au sens communautaire soumis, à ce titre, à la directive 93/37 du 14 juin 1993. Cette analyse faite, la courestime que la loi de validation, ainsi que les dispositions du code de l’urbanisme dispensant la passation des anciennes CPA de toute procédure de passation, sont incompatibles avec la directive 93/37.

Si certains auteurs avaient pu conclure à la validité de l’article 11, force est de constater que les juges du fond n’ont pas suivi ces opinions doctrinales pourtant non dénuées de pertinences (E. Vital-Durand, A. Gauthier, La validation législative des conventions d’aménagement : la fin de l’incertitude, JCP Adm. et collec. terr., n° 37, 8 septembre 2008, p. 24).

Et ni le principe de sécurité juridique, ni l’invocation du « in house » (CJCE 11 janvier 2005 Stadt Halle) n’y font : l’annulation de la délibération est confirmée.

Pour autant, au-delà du fait que le Conseil d’Etat est actuellement saisi de la validité de l’article 11 précité, les aménageurs et les personnes publiques ne sont pas dépourvus de moyens pour limiter les conséquences de l’illégalité tirée de l’absence de procédure de publicité et de mise en concurrence.

En premier lieu, on rappellera que l’annulation d’un acte détachable d’un contrat, comme c’est le cas dans l’espèce ici envisagée, n’a pas, en lui-même, de répercussion directe sur le contrat qui peut poursuivre, en théorie, son exécution.

Ainsi, il appartient au juge de l’exécution d’enjoindre ou non aux parties, en fonction de l’atteinte à l’intérêt général, de résoudre amiablement le contrat ou, à défaut, de saisir le juge du contrat aux fins de constatation de nullité (CE 10 décembre 2003 IRD, req. n° 248950) ou encore de procéder simplement à sa résiliation, au nom du principe de sécurité juridique, de sorte que les effets négatifs d’une nullité ab initio du contrat seront neutralisés (CAA Versailles 12 mars 2009 Commune de Clichy, précité – voir également en ce sens : concl. N. Boulouis sur CE 31 juillet 2009 Ville de Grenoble et Société Gaz Electricité de Grenoble, req. n° 296964 et 297318).

De surcroît, le juge du contrat, éventuellement saisi après injonction, sera également amené, au titre de son office de juge de plein contentieux, à prendre en compte l’existence, à la date où il statue, d’un changement de circonstances de fait ou de droit de nature à justifier le maintien des liens contractuels ou bien une remise en cause du contrat ne valant que pour l’avenir (en ce sens : TA Paris Plén. 6ème Sect. 15 février 2005 Ville de Paris, req. n°0313894, Dr. Adm. 2005, Comm. 84 – concl. Piveteau sur CE 10 décembre 2003 IRD, précité – L. Marcus, A. Perrin, Annulation de l’acte détachable du contrat et distinction des contentieux, Dr. Adm., 2006, Chron. 1, p. 5.).

En deuxième lieu, les tiers dits « évincés » sont loin d’être assurés d’obtenir la remise en cause rétroactive du contrat, compte tenu des importants pouvoirs de modulation dont dispose le juge saisi dans le cadre de la jurisprudence Tropic Travaux signalisation (CE 16 juillet 2007, req. n° 291545).

En troisième lieu, on peut se demander dans quelle mesure le juge ne pourra pas, en application de la nouvelle jurisprudence commune de Béziers (CE 29 décembre 2009, req. n° 176873) écarter l’invocation, par l’une des parties, de l’exception de nullité du contrat dans le cadre du contentieux de son exécution (c’est dans le cadre d’un tel contentieux que la célèbre jurisprudence Sodegis a été rendue : CAA Bordeaux 9 novembre 2004, req. 01BX00381).

Voir l’arrêt sur Légifrance

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