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CE 24 avril 2024 commune de la Chapelle d’Abondance, req. n° 472038 : au Rec. CE
Par une décision publiée au Recueil, le Conseil d’Etat précise les modalités d’indemnisation du candidat irrégulièrement évincé de l’attribution d’un contrat de la commande publique et, par là-même l’étendue du rôle du juge administratif.
La commune de la Chapelle d’Abondance a lancé en 2016 la procédure d’attribution d’une délégation de service public pour l’exploitation de remontées mécaniques et de pistes de ski.
La société Chapelle d’Abondance Loisirs Développement (« CALD »), candidate évincée, a introduit un recours visant à obtenir l’indemnisation de son manque à gagner, qu’elle a obtenue en appel, fixée par la cour à la somme de 450 000 EUR.
Celle-ci a considéré que la résiliation du contrat intervenue depuis lors était par principe sans incidence sur le droit à l’indemnisation du manque à gagner de la requérante, sans tenir compte des motifs et des effets de cette résiliation
La commune s’est pourvue en cassation.
Le Conseil d’Etat, siégeant en chambres réunies rappelle d’abord sa jurisprudence de principe sur le droit à indemnisation du candidat évincé lésé par la procédure d’attribution du contrat, dont les étapes sont les suivantes :
Le juge s’attache d’abord à vérifier d’abord si l’entreprise était ou non dépourvue de toute chance de remporter le contrat. Dans l’affirmative, elle n’a droit à aucune indemnité. Dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais engagés pour présenter son offre.
Ensuite le juge recherche si l’entreprise avait des chances sérieuses d’emporter le contrat. Le cas échéant, cette dernière a alors droit à être indemnisée de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu’ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l’offre qui n’ont donc pas à faire l’objet, sauf stipulation contraire du contrat, d’une indemnisation spécifique.
En toute hypothèse, si l’irrégularité de l’éviction est établie le juge vérifie qu’il existe un lien de causalité direct entre la faute en résultant et le préjudice dont le candidat demande l’indemnisation 1)CE 10 février 2017 société Bancel, req. n° 393720 : aux T. du Rec. CE.
Le Conseil d’Etat ajoute ensuite qu’il lui incombe également d’apprécier dans quelle mesure ce préjudice présente un caractère certain, en tenant compte notamment, s’agissant des contrats dans lesquels le titulaire supporte les risques de l’exploitation, de l’aléa qui affecte les résultats de cette exploitation et de la durée de celle-ci.
Enfin, dans le cas où le contrat a été résilié par la personne publique, il y a lieu, pour apprécier l’existence d’un préjudice directement causé par l’irrégularité et en évaluer le montant, de tenir compte des motifs et des effets de cette résiliation, afin de déterminer quels auraient été les droits à indemnisation du concurrent évincé si le contrat avait été conclu avec lui et si sa résiliation avait été prononcée pour les mêmes motifs que celle du contrat irrégulièrement conclu.
Il appartient donc au juge, lorsqu’est en cause un contrat dans lequel le titulaire supporte les risques de l’exploitation, de tenir compte de l’aléa affectant les résultats et la durée d’exploitation pour apprécier le caractère certain du préjudice.
Tirant les conséquences de cette clarification, le Conseil d’Etat juge en l’espèce que la circonstance que la délégation de service public ait été résiliée n’était pas par principe sans incidence sur le droit à l’indemnisation du manque à gagner de la société CALD.
Il annule pour erreur de droit l’arrêt de la cour administrative d’appel et lui renvoie l’affaire.
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