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A la lumière des conclusions du rapporteur public Cyrille Beaufils, l’arrêt rendu par le Conseil d’Etat ce 16 juillet 2025 a une double portée puisqu’elle précise implicitement le régime juridique de l’autorisation d’exploitation commerciale (AEC) de modification substantielle (MS) (1) et qu’elle confirme, toutefois jusqu’à l’adoption prochaine du projet de loi de simplification de la vie économique, la présomption d’intérêt à agir dont bénéficient les concurrents situés dans la zone de chalandise du projet (2).
1 L’AEC MS est une nouvelle autorisation portant sur la totalité du projet
Le Conseil d’Etat a clairement jugé que :
« Dans le cas où a été délivré un permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale modificatif, à la suite de modifications apportées par le pétitionnaire à son projet en matière et au regard de la règlementation d’aménagement commercial, un tel professionnel a également intérêt à former un recours contentieux contre le permis modificatif, en tant que ce permis vaut autorisation d’exploitation commerciale, quelle que soit la portée des modifications apportées à cette autorisation d’exploitation commerciale ».
Si certains ont cru pouvoir soutenir qu’une AEC MS, à l’instar d’un permis modificatif, n’autorisait que la modification du précédent projet, il n’en n’est rien.
Comme le prévoit l’article L. 752-15 alinéa 3 du code de commerce, une AEC MS est bien une nouvelle autorisation qui se substitue à la précédente et ne la complète donc pas.
Ainsi, comme l’indique Cyrille Beaufils, « si le permis modificatif existe, l’autorisation d’exploitation commerciale modificative n’existe pas. Pour le dire autrement, lorsque le projet autorisé est modifié avant sa mise en exécution, les commissions d’aménagement commercial se prononcent de nouveau sur l’ensemble du projet et le permis délivré au vu de ce nouvel avis autorise donc, à nouveau et entièrement, le projet dans son aspect commercial ».
Il en ressort nécessairement que l’intérêt à agir des concurrents doit être apprécié au vu de l’ensemble du projet autorisé et non des seules modifications apportées au projet (comme c’est le cas pour le permis modificatif) et ce, donc, quand bien même lesdits concurrents n’auraient pas contesté le projet initial voire même quand bien même le projet modifié présenterait moins d’impacts négatifs pour le requérant que le projet initial.
2 La présomption d’intérêt à agir des concurrents situés dans la zone de chalandise jusqu’à l’adoption (probable ?) du projet de loi de simplification
Le Conseil d’Etat a censuré pour erreur de droit l’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille rejetant le recours exercé devant elle au motif que la requérante n’apportait pas suffisamment d’éléments pour établir que les modifications apportées au projet commercial étaient susceptibles d’affecter son activité de manière suffisamment directe et certaine.
Suivant sa jurisprudence actuelle, le Conseil d’Etat rappelle qu’un requérant exerçant dans la zone de chalandise du projet justifie, de ce seul fait, d’un intérêt à agir contre ce projet sans avoir à justifier d’un quelconque préjudice.
Cette solution pourrait toutefois évoluer dans l’hypothèse où serait prochainement adoptée le projet de loi de simplification de la vie économique qui prévoit d’ajouter à l’article L. 752-17 du code de commerce, après « être affectée », les mots « de manière directe et significative ».
La loi étant toutefois à ce jour ce qu’elle est, le juge s’y est conformée en suivant les conclusions de son rapporteur public indiquant que « quand bien même vous jugeriez souhaitable une telle modification des règles gouvrenant l’intérêt pour agir en urbanisme commercial, il nous semblerait peu opportun de l’opérer aujourd’hui par voie jurisprudentielle, alors que le législateur s’est saisi de la question et s’apprête à la régler ».
Une chance pour la société Casino qui, en application des futures dispositions législatives, aurait eu du mal à justifier d’un intérêt à agir à l’encontre d’un projet visant simplement le déplacement de quelques dizaines de mètres d’un magasin existant…