La faculté d’auto saisine offerte à la Commission nationale d’aménagement commercial s’étend aux projets dont la surface de vente a déjà atteint 20 000 m² ou devant dépasser ce seuil par la réalisation du projet, alors même que la surface de vente devant être autorisée serait, en elle-même, inférieure à 20 000 m²

Catégorie

Aménagement commercial

Date

June 2022

Temps de lecture

3 minutes

CE 22 juin 2022 Ministre de l’économie, des finances et de la relance et autres, req. n° 441707 : Rec. CE Tables

Par une décision du 13 septembre 2018, la Commission départementale d’aménagement commercial de la Loire-Atlantique (ci-après « CDAC ») a accordé à la société Laury-Chalonges Dis une autorisation d’exploitation commerciale (ci-après « AEC ») afin d’étendre la surface de vente du magasin de 800 m² qu’elle exploite sous l’enseigne « Espace culturel E. Leclerc », d’une surface de vente de 1 450 m². Ce projet s’insère dans un ensemble commercial dont la surface totale est de 40 630 m².

En application des dispositions du V de l’article L. 752-1 du code de commerce, la Commission nationale d’aménagement commercial (ci-après « CDAC ») s’est saisie du projet et, par une décision du 20 décembre 2018, a refusé d’accorder l’autorisation sollicitée.

La Cour administrative d’appel de Nantes 1)CAA de Nantes 13 mai 2020 Société Laury-Chalonges Dis, req. n° 19NT00846 a toutefois prononcé l’annulation de cet arrêt au motif que la surface de vente propre du projet d’extension était inférieure à 20 000 m² et que, par conséquent, la CNAC ne pouvait se prévaloir de sa faculté d’auto saisine.

Le Ministre de l’économie, des finances et de la relance ainsi que la CNAC se sont pourvus en cassation devant le Conseil d’Etat.

Après avoir rappelé les conditions applicables à la mise en œuvre de la faculté d’auto saisine offerte à la CNAC (1), le Conseil d’Etat précise que cette faculté peut porter sur des projets dont la surface de vente est supérieure ou égale à 20 000 m², ayant déjà atteint ce seuil ou devant le dépasser par la réalisation du projet, sans se limiter aux opérations dont la surface de vente devant être autorisée est inférieure 20 000 m² (2).

1          Absence de limitation de la faculté d’auto saisine de la CNAC aux projets dont la surface de vente autorisée est supérieure à 20 000 m²

Depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises (dite loi « ACTPE »), l’article L. 752-17 du code de commerce offre à la CNAC la faculté de s’autosaisir des projets susceptibles d’avoir un impact majeur sur l’aménagement du territoire et le développement durable.

Sa mise en œuvre est soumise à trois conditions. Le projet doit être soumis à AEC, en application de l’article L. 752-1 du même code, sa surface de vente doit atteindre au moins 20 000 m² et la saisine doit intervenir dans le délai d’un mois suivant l’avis ou la décision émise par la CDAC.

Selon l’arrêt soumis à l’examen du Conseil d’Etat, la CNAC était incompétente pour s’autosaisir d’un projet concernant une extension étant, par elle-même, inférieure au seuil de 20 000 m², alors même qu’il s’intègrerait dans un ensemble dépassant ce seuil.

Selon le rapporteur public près la Cour administrative d’appel de Nantes, l’interprétation faite par la CNAC de l’article L. 752-17, consistant à appliquer ce seuil de 20 000 m² à l’ensemble de la zone dans laquelle s’insère le projet, était contraire à l’esprit du législateur. En effet, au cours des débats parlementaires, la Ministre de l’artisanat et du commerce 2)Extrait du rapport fait au nom de la commission des affaires économiques sur le projet de loi, après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises (n° 1338) par M. le député Fabrice Verdier. indiquait que le nouveau dispositif ne concernerait qu’« une vingtaine de projets supplémentaires par an ». Elle soulignait que la fixation à 20 000 m² du seuil d’auto saisine résultait de la volonté de cibler « certains projets structurants, tels des « Villages de marques » qui occupent des surfaces comprises entre 20 000 m2 et 25 000 m2 [et], peuvent avoir des effets importants sur les territoires voisins ».

Ce n’est pas l’interprétation qu’en fait le Conseil d’Etat dans la décision de cassation commentée.

2          Application de la faculté d’auto saisine de la CNAC aux projets dont la surface de vente a déjà atteint 20 000 m² ou devant dépasser ce seuil par la réalisation du projet

Selon le Conseil d’Etat, la condition ouvrant droit à auto saisine de la CNAC, tenant à la surface de vente, doit être appréciée à l’échelle globale du projet. Ainsi, il juge que cette faculté opère en présence de projets dont la surface de vente est supérieure ou égale à 20 000 m² mais également de ceux ayant déjà atteint ce seuil ou devant le dépasser par la réalisation du projet.

La Haute juridiction refuse de limiter le recours offert à la CNAC aux seuls projets dont la surface de vente à autoriser est supérieure ou égale à 20 000 m² et partant, d’en dispenser les projets d’ampleur inférieure.

Cette position rejoint l’interprétation des dispositions de l’article L. 752-17 du code de commerce faite par la CNAC. Celle-ci admet cette faculté d’auto saisine non seulement à l’égard des projets portant sur une telle surface de vente, mais également, à l’égard des « projets plus modestes dès lors qu’ils s’implantent dans des ensembles commerciaux ayant déjà dépassé les 20 000 m² de surface de vente ou devant dépasser ce seuil avec la réalisation du projet » 3)Rapport d’activité 2015 de la CNAC, p. 19 ; Rapport d’activité 2017 de la CNAC, p. 57..

 

Partager cet article

References   [ + ]

1. CAA de Nantes 13 mai 2020 Société Laury-Chalonges Dis, req. n° 19NT00846
2. Extrait du rapport fait au nom de la commission des affaires économiques sur le projet de loi, après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises (n° 1338) par M. le député Fabrice Verdier.
3. Rapport d’activité 2015 de la CNAC, p. 19 ; Rapport d’activité 2017 de la CNAC, p. 57.

3 articles susceptibles de vous intéresser