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CE 13 novembre 2025 Société Neuilly Ile de la Jatte, req. n° 497105, mentionné aux tables du Rec. CE
Par une décision en date du 13 novembre 2025, le Conseil d’Etat apporte des précisions sur (1) le régime des travaux réalisés sur une construction existante et permettant la dispense de toute formalité mais également sur (2) celui de la péremption d’un permis de construire.
Par un arrêté en date du 29 novembre 2016, le maire de Neuilly-sur-Seine a accordé à la société Neuilly Ile de la Jatte un permis de construire portant sur la construction d’un ensemble immobilier d’habitation de 284 logements. Un premier permis de construire modificatif a été délivré le 16 mai 2018, puis un second par un arrêté en date du 11 octobre 2022. Ces deux permis de construire modificatifs portaient sur des modifications de façades et des aménagements intérieurs et extérieurs.
Par un jugement en date du 21 juin 2024, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a :
- d’une part, écarté la fin de non-recevoir opposée par la société bénéficiaire du permis qui estimait que le permis de construire modificatif litigieux était superfétatoire au motif que les travaux qu’il autorisait étaient, par application du régime des travaux sur constructions existantes, dispensés de toute formalité ; et
- d’autre part, annulé le deuxième permis de construire modificatif délivré le 11 octobre 2022 au motif que celui-ci ne pouvait avoir été légalement accordé puisqu’à cette date le permis initial était périmé.
La société Neuilly Ile de la Jatte a alors formé un pourvoi devant le Conseil d’Etat afin d’obtenir l’annulation du jugement susvisé.
1. Le Conseil d’Etat précise en premier lieu l’articulation entre le régime du permis de construire modificatif et le régime des travaux exécutés sur des constructions existantes (articles L. 421-1 et R*421-13 du CU).
En effet, il indique que :
- lorsqu’un permis de construire est en cours de validité et que la construction que ce permis autorise n’est pas achevée : « il peut être modifié par la délivrance d’un permis de construire modificatif pour permettre des travaux qui ne doivent pas apporter au projet un bouleversement tel qu’il en changerait la nature même» ; mais
- que lorsqu’un permis de construire n’est plus valide ou que la construction qu’il autorise est achevée: « les travaux entrepris sur cette construction (qu’elle soit achevée ou non),qui ne peuvent plus faire l’objet d’un permis de construire modificatif, peuvent relever du régime des travaux réalisés sur constructions existantes » à condition que :
- la construction (qu’elle soit ou non achevée) soit suffisamment avancée ;
- qu’elle ait été édifiée conformément à l’autorisation d’urbanisme requise ;
- et, que les travaux en cause ne soient pas d’une importance telle qu’ils aboutissent à sa reconstruction.
Le régime des travaux exécutés sur des constructions existantes peut ainsi avoir vocation à s’appliquer à une construction ayant fait l’objet d’un permis de construire devenu caduc et ce même si la construction est inachevée.
C’est au regard de ces apports que le Conseil d’Etat estime que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a commis une erreur de droit en écartant la fin de non-recevoir de la société défenderesse tiré du caractère superfétatoire du PCM au motif que la construction aurait été inachevée et ne pouvait donc bénéficier du régime des travaux sur construction existantes.
2. La Haute juridiction s’intéresse ensuite à la caractérisation de la péremption du permis de construire initial (article R*424-17 du CU).
Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise avait annulé le permis de construire modificatif litigieux en considérant que celui-ci ne pouvait avoir été légalement délivré puisqu’à la date du 11 octobre 2022, le permis initial était périmé. Pour caractériser la péremption du permis initial, les juges du fond ont estimé que les travaux devaient être regardés comme ayant été interrompus depuis plus d’un an au regard de leur « nature » et de leur « faible importance ».
Or, le Conseil d’Etat précise que pour caractériser la péremption du permis de construire, les juges du fond auraient dû seulement rechercher si les travaux n’avaient pas eu « pour seul objet de faire obstacle à la caducité du permis de construire », en statuant différemment et notamment en prenant en compte la nature et la faible importance des travaux : le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a commis une erreur de droit.
C’est en ces termes que le Conseil d’Etat annule le jugement du tribunal administratif et lui renvoie l’affaire au fond.