L’absence de communication de l’avis défavorable ou de l’avis favorable assorti de prescriptions de l’architecte des Bâtiments de France (ABF) ne permet pas au demandeur de se prévaloir de l’acquisition d’un permis de construire tacite lorsque le permis de construire nécessite l’accord de l’ABF

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

April 2017

Temps de lecture

4 minutes

CE 29 mars 2017 SCI Maryse, req. n° 392940 : mentionné aux Tables Rec. CE

Par une demande en date du 21 octobre 2011, la SCI Maryse a sollicité auprès du maire de la commune de Belz un permis de construire en vue de créer six lucarnes en façade et d’agrandir une véranda en créant 50 m² de surface hors œuvre nette.

Cette demande portant sur un immeuble situé dans le périmètre de protection de la chapelle Saint-Cado inscrite à l’inventaire des monuments historiques, la SCI Maryse a été informée de l’allongement du délai d’instruction de sa demande à 6 mois et, saisi pour avis, l’architecte des Bâtiments de France (ABF) a délivré le 20 janvier 2012 un avis favorable assorti de prescriptions. Cet avis a été notifié à la commune sans être adressé au demandeur.

Estimant que son silence avait fait naître une décision tacite d’acceptation, le maire de la commune de Belz a cru devoir prendre le 12 juin 2012 un arrêté de retrait dudit permis tacite, décision dont la SCI Maryse a sollicité l’annulation.

Par un jugement du 16 mai 2014, le tribunal administratif de Rennes a estimé que la décision tacite du maire de la commune de Belz était une décision de rejet. Le tribunal a donc requalifié les conclusions de la SCI Maryse comme étant dirigées contre le refus implicite de permis de construire, avant de les rejeter. Cette solution a été confirmée par la cour administrative d’appel de Nantes par un arrêt du 26 juin 2015 contre lequel la société s’est pourvue.

Dans cette décision, le Conseil d’Etat rejette le pourvoi, en se prononçant sur les conséquences du défaut de communication de l’avis favorable assorti de prescriptions de l’ABF au demandeur.

Ainsi, il est jugé que l’absence de communication au pétitionnaire de l’avis favorable assorti de prescriptions de l’ABF impliquant l’impossibilité de se prévaloir d’un permis tacite ne permet pas de considérer qu’une autorisation implicite est intervenue.

Pour rappel, il ressort de l’article R. 424-3 du code de l’urbanisme que le défaut de notification d’une décision expresse dans le délai d’instruction vaut décision implicite de rejet lorsque la décision est soumise à l’accord de l’ABF et que celui-ci a notifié un avis défavorable ou un avis favorable assorti de prescriptions. L’article R. 424-4 du même code précisant alors que l’ABF doit adresser copie de son avis au demandeur et lui faire savoir qu’en conséquence, il ne pourra pas se prévaloir d’un permis tacite.

En l’espèce, compte tenu de l’absence de communication au demandeur de la copie de l’avis de l’ABF faisant état de l’impossibilité de se prévaloir d’un permis tacite, se posait la question de savoir si le non-respect de la formalité prévue à l’article R. 424-4 du code de l’urbanisme pouvait être de nature à remettre en question l’existence d’une décision implicite de rejet au profit d’une décision d’acceptation.

Pour y répondre, le Conseil d’Etat rappelle tout d’abord, au visa des articles R. 423-28 et R. 423-42 du code de l’urbanisme, l’obligation d’informer le demandeur que sa demande fait l’objet d’un délai d’instruction modifié et des motifs de cette modification :

« qu’il résulte de ces dispositions que le demandeur d’un permis de construire dont le délai d’instruction est modifié doit être informé que sa demande fait l’objet d’un délai d’instruction modifié ainsi que des motifs de cette modification du délai d’instruction ; »

Il précise ensuite que l’absence de communication de l’avis favorable assorti de prescriptions de l’ABF au demandeur ne lui permet pas de se prévaloir d’un permis implicite né du silence de l’administration :

« qu’il résulte de ces dispositions que s’il incombe à l’architecte des Bâtiments de France d’adresser au demandeur d’un permis de construire dont la délivrance est soumise à son accord copie de son avis lorsque celui-ci est défavorable ou favorable mais assorti de prescriptions et d’informer alors le demandeur qu’il ne pourra pas se prévaloir d’un permis tacite, la non-exécution de cette formalité, dont le seul objet est l’information du demandeur, ne peut avoir pour effet l’acquisition d’un permis tacite ; »

La cour administrative d’appel de Bordeaux 1)CAA Bordeaux 26 mai 2011 Préfet de la Haute Garonne, req. n° 11BX00491 : « Considérant que si l’article R. 424-4 prévoit que dans le cas prévu à l’article R424-3, l’architecte des Bâtiments de France adresse copie de son avis au demandeur et lui fait savoir qu’en conséquence de cet avis il ne pourra pas se prévaloir d’un permis tacite, l’éventuelle non-exécution de cette obligation, dont le seul objet est l’information du pétitionnaire, ne peut avoir en tout état de cause pour effet l’acquisition d’un permis tacite ; ». Voir également TA Lille 30 janvier 2014 Denis, req. n° 1103699 ; TA Lyon 20 juin 2013 SCI Saint Clair, req. n° 1105533. a déjà jugé en 2011 qu’en l’absence de communication d’un avis défavorable de l’architecte des Bâtiments de France, le silence gardé par l’administration vaut décision implicite de rejet.

La terminologie utilisée dans la décision commentée est importante : si le Conseil d’Etat reprend essentiellement la formule retenue par la cour administrative d’appel de Nantes 2)CAA Nantes 26 juin 2015, req. n° 14NT01920 : « que si l’article R. 424-4 prévoit que, dans le cas prévu à l’article R424-3, l’architecte des Bâtiments de France adresse copie de son avis au demandeur et lui fait savoir qu’en conséquence de cet avis il ne pourra pas se prévaloir d’un permis tacite, l’éventuelle non-exécution de cette obligation, qui a pour seul objet l’information du pétitionnaire, ne peut avoir en tout état de cause pour effet l’acquisition d’un permis tacite ; »., il substitue le terme de « formalité » à celui d’ « obligation ». Ce choix terminologique, loin d’être anodin, peut être entendu comme minimisant les effets susceptibles de naître de l’article R. 424-4 du code de l’urbanisme.

Enfin, le Conseil d’Etat complète ce principe au regard de la procédure de consultation de l’ABF qui impose au préalable d’informer le demandeur d’une autorisation de l’allongement du délai d’instruction de sa demande compte tenu de la situation de l’immeuble dans un périmètre de protection :

« qu’au demeurant, lorsqu’il n’a pas reçu copie de l’avis de l’architecte des Bâtiments de France, le demandeur, qui a été informé de ce que le délai d’instruction était allongé en raison de la nécessité de recueillir l’avis favorable de cette autorité, a la faculté de se renseigner, auprès du service instructeur, sur le sens de l’avis rendu ».

Cette précision permet également de justifier la solution retenue en soulignant que le demandeur disposait des éléments lui permettant de déduire de l’existence de l’avis de l’ABF à intervenir, l’impossibilité de se prévaloir d’un permis implicite en l’absence d’avis favorable de l’ABF.

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References   [ + ]

1. CAA Bordeaux 26 mai 2011 Préfet de la Haute Garonne, req. n° 11BX00491 : « Considérant que si l’article R. 424-4 prévoit que dans le cas prévu à l’article R424-3, l’architecte des Bâtiments de France adresse copie de son avis au demandeur et lui fait savoir qu’en conséquence de cet avis il ne pourra pas se prévaloir d’un permis tacite, l’éventuelle non-exécution de cette obligation, dont le seul objet est l’information du pétitionnaire, ne peut avoir en tout état de cause pour effet l’acquisition d’un permis tacite ; ». Voir également TA Lille 30 janvier 2014 Denis, req. n° 1103699 ; TA Lyon 20 juin 2013 SCI Saint Clair, req. n° 1105533.
2. CAA Nantes 26 juin 2015, req. n° 14NT01920 : « que si l’article R. 424-4 prévoit que, dans le cas prévu à l’article R424-3, l’architecte des Bâtiments de France adresse copie de son avis au demandeur et lui fait savoir qu’en conséquence de cet avis il ne pourra pas se prévaloir d’un permis tacite, l’éventuelle non-exécution de cette obligation, qui a pour seul objet l’information du pétitionnaire, ne peut avoir en tout état de cause pour effet l’acquisition d’un permis tacite ; ».

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