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CE 15 octobre 2025 Mme B., req. n° 476295 : mentionné aux tables du recueil Lebon
Par une décision du 15 octobre 2025, le Conseil d’Etat a précisé que l’obligation de régulariser une construction, en application de la jurisprudence Thalamy, ne s’applique pas dans le cas où la demande porte sur une construction ou sur des éléments distincts du projet, sauf si ces derniers forment, avec la construction faisant l’objet de la demande d’extension, un ensemble immobilier unique.
Saisi d’un recours contre un refus de faire droit à une demande tendant au retrait pour fraude d’un permis de construire, le Conseil d’Etat est venu rappeler le principe posé par la jurisprudence Thalamy 1)CE 9 juillet 1986 Thalamy, req. n° 51172 : au Rec. CE., selon lequel « lorsqu’une construction a fait l’objet de transformations sans les autorisations d’urbanisme requises, il appartient au propriétaire qui envisage d’y faire de nouveaux travaux de déposer une déclaration ou de présenter une demande de permis portant sur l’ensemble des éléments de la construction qui ont eu ou auront pour effet de modifier le bâtiment tel qu’il avait été initialement approuvé », assorti de la précision d’ores et déjà apportée par la jurisprudence 2)CE 13 décembre 2014, req. n° 349081 : mentionné dans les tables du recueil Lebon., en application de laquelle « il en va de même dans le cas où les éléments de construction résultant de ces travaux ne prennent pas directement appui sur une partie de l’édifice réalisée sans autorisation ».
Ces principes ont en outre été assortis d’une précision complémentaire, qui semble s’inscrire dans la trajectoire de la jurisprudence Commune de Grenoble 3)CE 17 juillet 2009 Cne de Grenoble, req. n° 301615 : au Rec. CE. en application de laquelle des travaux relevant d’un ensemble immobilier unique doivent faire l’objet d’un seul permis : « une telle exigence ne trouve pas à s’appliquer dans le cas où les travaux effectués sans autorisation concernent d’autres éléments bâtis sur le terrain d’assiette du projet si le permis demandé ne porte pas sur ces éléments distincts du projet, sauf si ces derniers forment avec la construction faisant l’objet de la demande d’extension, en raison de liens physiques ou fonctionnels entre eux, justifiant une appréciation globale de leur conformité à la règle d’urbanisme, un ensemble immobilier unique. »
Au cas présent, le pétitionnaire avait sollicité, en mars 2006, un permis de construire visant à régulariser les travaux entrepris sans autorisation, présentés comme une extension de la maison dite « principale », sans modification de la piscine attenante, ni d’une autre maison dite « de famille », distante de quelques dizaines de mètres, étant précisé que tant la maison « de famille » que la piscine, ont été construites sans autorisation entre 2000 et 2003, et que leur régularisation n’a pas été sollicitée à l’occasion de la demande de permis de 2006.
Au regard des principes susmentionnés, le Conseil d’Etat a considéré que le Tribunal administratif de Nice avait commis une erreur de droit en écartant l’existence d’une fraude sans rechercher si l’intention de la société pétitionnaire, dès 2006, de réaliser un ensemble immobilier unique comprenant les deux maisons dites « principale » et « de famille » ne pouvait se déduire d’éléments dont l’administration avait eu connaissance postérieurement à la délivrance du permis, daté du 18 juillet 2006, tels que :
- l’existence d’un lien physique (galerie basse) entre la maison principale et la maison de famille, non prévue dans le permis du 18 juillet 2006, mais déjà achevée en mars 2008 ;
- le rythme et l’ampleur des travaux réalisés de manière continue à partir de 2005,
- l’exploitation commerciale, à partir de 2011, de l’ensemble immobilier ainsi créé comme un ensemble de prestige conçu pour accueillir des réceptions,
- la mention par le pétitionnaire dans sa demande de permis que les travaux projetés permettaient d’obtenir un ensemble cohérent par rapport aux existants.
Réglant l’affaire au fond en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d’Etat a caractérisé une fraude, en estimant que la société pétitionnaire avait, dès sa demande de permis de construire en 2006, pour projet de réaliser un ensemble immobilier unique réunissant maison « principale » et maison « de famille » dès lors :
- que la galerie basse, qui relie les deux maisons, non prévue dans le permis du 18 juillet 2006, était déjà achevée au mois de mars 2008 ;
- que la demande de permis de construire de 2006 faisait état, au titre des surfaces du projet, des surfaces des deux maisons, présentées au titre des constructions existantes, et qu’il indiquait ainsi que serait ainsi obtenu « un ensemble cohérent par rapport aux existants et à l’environnement » ;
- qu’alors que le permis de construire de 2006 portait sur l’extension d’une maison avec une destination de « résidence principale » et une utilisation envisagée « d’occupation personnelle », a été réalisé un ensemble immobilier destiné à être loué pour des réceptions.
Ainsi, il en a déduit que le pétitionnaire aurait dû solliciter la régularisation de la maison de famille, ce qu’elle s’est intentionnellement abstenue de faire de manière à contourner les règles du plan d’occupation des sols, qui n’autorisait que les extensions.
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