Les mesures phares de la loi de simplification du droit de l’urbanisme et du logement : le contentieux de l’urbanisme (épisode 4/8)

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

December 2025

Temps de lecture

6 minutes

Le 26 novembre dernier a été promulguée la loi n° 2025-1129 de simplification du droit de l’urbanisme et du logement. Publiée jeudi 27 novembre au journal officiel de la République, elle est entrée en vigueur le 28 novembre 2025.

Les mesures phares de la loi sont déclinées sur notre blog en huit épisodes 1) Episode 1/8 : Sur l’élaboration et l’évolution des documents d’urbanisme – Episode 2/8 : Sur la facilitation des projets de logements – Episode 3/8 : Sur la délivrance des autorisations d’urbanisme – Episode 4/8 : Sur le contentieux de l’urbanisme – Episode 5/8 : Sur le droit de délaissement – Episode 6/8 : Sur l’aménagement du territoire – Episode 7/8 : Sur la solarisation des parkings – Episode 8/8 : Sur l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires .

Le quatrième épisode de notre série est consacré à la délivrance des autorisations d’urbanisme.

Episode 4/8 : Sur le contentieux de l’urbanisme

4.1 Les dispositions relatives aux sanctions en cas de constructions illégales prévues à l’article L. 481-1 du CU sont alourdies par la loi :

  • désormais, l’autorité compétente peut, en plus de la mise en demeure de mettre en conformité ou de procéder à la régularisation des constructions, ordonner le paiement d’une amende d’un montant maximal de 30 000 euros;
  • le montant maximal de l’astreinte par jour de retard est augmenté à 1 000 euros(contre 500 euros auparavant) ;
  • le montant total des sommes résultant de l’astreinte est également augmenté, passant de 25 000 euros à 100 000 euros;
  • en cas de non-respect du délai imparti par l’intéressé pour satisfaire aux obligations prescrites dans la mise en demeure (conformité/régularisation), l’autorité compétente peut ordonner le paiement d’une amende au plus égale à 30 000 euros ;
  • l’opposition à l’état exécutoire n’a pas de caractère suspensif ;
  • le préfet peut se substituer à l’autorité compétente en cas de carence ;
  • la réalisation d’office des mesures prescrites, aux frais de l’intéressé, est désormais également possible lorsque les travaux entrepris irrégulièrement « se situent hors zones urbaines» (auparavant uniquement sir les travaux présentaient un risque pour la sécurité ou la santé).

4.2 Les recours contentieux contre les documents d’urbanisme font l’objet d’une importante restriction. L’article L. 600-1 du CU est abrogé : le régime dérogatoire (possibilité de soulever des moyens de forme et de procédure pendant 6 mois, voire plus pour les vices « les plus graves ») est supprimé.

Il ressort de cette abrogation que désormais :

  • la méconnaissance des règles de forme et de procédure (légalité externe) doit être soulevée dans les 2 mois suivant l’adoption de l’acte ;
  • cette méconnaissance doit être soulevée par voie d’action, dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir (REP).

Cet article avait été déféré au Conseil constitutionnel dans sa saisine du 21 octobre dernier.

Les députés reprochaient à cette disposition d’avoir pour effet de supprimer la possibilité d’invoquer par voie d’exception certains moyens d’illégalité tirés notamment d’une violation grave des règles de l’enquête publique sur les documents d’urbanisme.

Ils soulevaient ainsi une méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif garanti par l’article 16 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, ainsi que des exigences constitutionnelles de prévention des atteintes à l’environnement et de participation du public en matière environnementale consacrées aux articles 1er, 3 et 7 de la Charte de l’environnement.

Dans sa décision, le Conseil constitutionnel a conclu à la conformité de cet article à la Constitution au regard :

  • d’une part, de l’intention du législateur – qui a entendu prendre en compte le risque d’instabilité juridique pouvant résulter de la multiplicité des contestations de la légalité externe de ces actes réglementaires et simplifier le droit de l’urbanisme en lui appliquant le régime de droit commun des exceptions d’illégalité poursuivant ainsi un objectif d’intérêt général (§16 de la décision du 20 novembre 2025) ;
  • d’autre part, du régime contentieux résultant de l’application des dispositions contestées qui fait uniquement obstacle à ce que des vices de forme et de procédure soient invoqués par voie d’exception ainsi que dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre une décision refusant un acte réglementaire. Ces dispositions n’ont ainsi ni pour objet, ni pour effet de limiter la possibilité ouverte à toute personne intéressée de contester, par voie d’action, dans le délai de recours contentieux, la légalité externe d’un tel acte (§17 de la décision du 20 novembre 2025).

4.3 Les modalités de recours contre les autorisations d’urbanisme ou les décisions refusant l’occupation ou l’utilisation des sols sont modifiées.

4.3.1 En cas de contestation d’une décision refusant l’occupation ou l’utilisation du sol ou d’une demande tendant à l’annulation ou à la réformation d’une décision juridictionnelle concernant cette décision : l’auteur de cette décision ne peut plus invoquer de motifs de refus nouveaux à l’issue d’un délai de deux mois à compter de l’enregistrement du recours ou de la demande (article L. 600-2 du CU).

Cette disposition est aussi applicable « aux recours en annulation ou aux demandes tendant à l’annulation ou à la réformation d’une décision juridictionnelle concernant une décision mentionnée au second alinéa du même article L. 600-2 qui ont été enregistrés au greffe de la juridiction après la publication de la présente loi ».

4.3.2 En cas de recours contre une décision d’opposition à déclaration préalable ou de refus de permis de construire, de permis d’aménager ou de permis de démolir assorti d’un référé suspension (article L. 521-1 du code de justice administrative), la condition d’urgence est présumée satisfaite (article L. 600-3-1 du CU).

Cette disposition s’applique aux référés introduits après la publication de la loi.

4.3.3 Le délai d’introduction d’un recours gracieux ou hiérarchique à l’encontre d’une décision relative à une autorisation d’urbanisme est réduit à un mois (le silence de l’administration au bout de deux mois vaut toujours refus).

Le délai de recours contentieux n’est plus prorogé par l’exercice d’un recours gracieux ou hiérarchique (article L. 600-12-2).

Cette nouvelle disposition porte à la fois sur :

  • les décisions de non-opposition à une déclaration préalable ou aux permis de construire, d’aménager ou de démolir ;
  • les décisions de retrait d’une autorisation ;
  • les décisions de refus opposées à une demande d’autorisation.

La loi ne prévoit aucune disposition particulière, ce dont il découle, de jurisprudence constante, que ces dispositions, dès lors qu’elles affectent la substance du droit de former un recours pour excès de pouvoir contre une décision administrative, sont applicables aux seuls recours formés contre les décisions intervenues après son entrée en vigueur, et non aux demandes (CE 11 juillet 2008 Association des amis des paysages bourganiauds, req. n° 313386).

Cela signifie que les recours gracieux ou hiérarchiques formés contre des décisions intervenues avant l’entrée en vigueur de la loi conservent pour effet de proroger le délai de recours contentieux qui leur est applicable (§ 45 de la décision du 20 novembre 2025, voir infra).

Cet article avait été déféré au Conseil constitutionnel dans sa saisine du 21 octobre dernier.

Les députés reprochaient à cette disposition de (i) ne pas s’appliquer aux refus d’autorisation d’urbanisme et d’entraîner ainsi une différence injustifiée de traitement entre les demandeurs méconnaissant ainsi le principe d’égalité devant la loi. Ils faisaient également valoir que (ii) ces dispositions feraient « obstacle à ce que le requérant puisse se prévaloir de l’illégalité de l’autorisation délivrée lorsqu’il a formé un recours administratif, dès lors que le rejet de ce dernier peut n’intervenir qu’après l’expiration du délai de recours contentieux. Faute pour le législateur d’avoir prévu un dispositif permettant, dans un tel cas, de saisir la juridiction compétente même après l’expiration du délai de recours contentieux, elles priveraient le requérant d’un « accès réel » au juge administratif. Ils leur reprochent également de ne pas prévoir que l’auteur d’un recours administratif doive être informé qu’un tel recours ne proroge pas le délai de recours contentieux. Il en résulterait, selon eux, une méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif ». Enfin, ils soutenaient (iii) qu’en ne prévoyant pas de dispositions transitoires pour l’entrée en vigueur de ces dispositions, celles-ci méconnaîtraient cette même exigence mais aussi le principe de sécurité juridique.

Dans sa décision, le Conseil constitutionnel a conclu à la conformité de cet article à la Constitution au regard :

  • des travaux préparatoires à travers lesquels :
    • le législateur a entendu rendre applicable ce régime aux décisions de refus opposées à une demande d’autorisation mais également aux décisions de retrait d’une autorisation (§38 de la décision du 20 novembre 2025) ;
    • le législateur a entendu réduire l’incertitude juridique pesant sur les projets de construction et prévenir les recours dilatoires, poursuivant ainsi un objectif d’intérêt général (§41 de la décision du 20 novembre 2025) ;
  • ces dispositions réduisant le délai de recours gracieux ou hiérarchique à un mois, ne mettent pas en cause l’exercice, par les intéressés, du droit d’agir en justice (§42 de la décision du 20 novembre 2025) ;
  • également, l’absence de prorogation du délai de recours contentieux par l’exercice d’un recours administratif n’a pas pour objet, ni pour effet, de priver les personnes intéressées de la faculté de former un recours contentieux contre une décision relative à une autorisation d’urbanisme (§43 de la décision du 20 novembre 2025) ;
  • aussi, la circonstance que la réponse de l’autorité administrative au recours administratif d’un justiciable intervienne au-delà de l’expiration du délai de recours contentieux est sans incidence sur la possibilité dont celui-ci dispose de saisir par ailleurs le juge administratif dans un tel délai (§44 de la décision du 20 novembre 2025) ;
  • enfin, selon la jurisprudence constante du Conseil d’État, une disposition nouvelle qui affecte la substance du droit de former un recours pour excès de pouvoir contre une décision administrative est, sauf disposition contraire, applicable aux seuls recours formés contre les décisions intervenues après son entrée en vigueur (§45 de la décision du 20 novembre 2025).

La suite aux prochains épisodes …

Sur le même sujet, voir :

Episode 1/8 : Sur l’élaboration et l’évolution des documents d’urbanisme

Episode 2/8 : Sur la facilitation des projets de logements

Episode 3/8 : Sur la délivrance des autorisations d’urbanisme

Episode 4/8 : Sur le contentieux de l’urbanisme

Episode 5/8 : Sur le droit de délaissement

Episode 6/8 : Sur l’aménagement du territoire

Episode 7/8 : Sur la solarisation des parkings

Episode 8/8 : Sur l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires

 

 

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