Action en responsabilité contractuelle du maitre d’ouvrage contre le maître d’œuvre : le Conseil d’Etat applique la prescription décennale de l’article 1792-4-3 du code civil

Catégorie

Contrats publics

Date

May 2022

Temps de lecture

3 minutes

CE 12 avril 2022 Société Arest, req. n° 448946 : mentionné dans les tables du recueil Lebon

Pour la Haute Juridiction, l’article 1792-4-3 du code civil 1)Article 1792-4-3 du code civil , issu de la loi du 17 juin 2008, s’applique aux actions en responsabilité engagées par le maître d’ouvrage contre les constructeurs ou leurs sous-traitants dont elle considère que le maître d’œuvre fait partie.

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En l’espèce, le maître d’ouvrage – le département de la Vendée – avait été condamné dans le cadre d’une autre instance 2)TA Nantes 22 avril 2011, req. n° 076891, devenu définitif à la suite du rejet de l’appel formé à son encontre par le département (CAA Nantes 11 avril 2013, req. n° 11NT01791). à verser une somme de 660 218,26 EUR à l’entreprise titulaire d’un lot d’une opération de construction d’un musée 3)Somme qui correspondait « à des surcoûts résultant de la réalisation de plans d’exécution et de notes de calcul dont [l’entreprise titulaire du lot]  n’était pas contractuellement redevable et de la moitié des surcoûts générés par la modification du plan constructif initial »..

Estimant que les manquements pour lesquels le département avait été condamné étaient exclusivement imputables au groupement de maîtrise d’œuvre, le département a saisi le tribunal administratif de Nantes afin de voir la responsabilité de certains membres d’un groupement de maîtrise d’œuvre engagée.

Alors que le jugement du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande, la cour administrative d’appel de Nantes, dans un arrêt du 20 novembre 2020, a annulé ce jugement et a condamné l’une des sociétés du groupement de maîtrise d’œuvre au versement d’une somme de 660 2118,26 EUR 4)Soit l’intégralité de la somme à laquelle le département avait été condamné. en réparation du préjudice subi.

La société ainsi condamnée par la cour, laquelle se prévalait de la prescription de l’action du maître d’ouvrage, a formé un pourvoi contre cet arrêt.

2

D’abord, aux termes des dispositions de l’article 2224 du code civil 5)Article 2224 du code civil, le Conseil d’Etat juge que le recours d’un constructeur contre un autre constructeur ou son sous-traitant relève de la prescription de cinq ans à compter du jour où le premier a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant de l’exercer.

En revanche, après avoir rappelé les dispositions de l’article 1792-4-3 du code civil 6)Article 1792-4-3 du code civil, le Conseil d’Etat retient que cet article qui figure dans une section du code précité relative aux devis et marchés et inséré dans un chapitre consacré aux contrats de louage d’ouvrage et d’industriel a donc vocation à s’appliquer aux actions dirigées par le maître de l’ouvrage contre les constructeurs désignés aux articles 1792 7)Article 1792 du code civil et 1792-1 8)Article 1792-1 du code civil ou leurs sous-traitants, lesquelles se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux. Le juge administratif rejoint la position de la Cour de cassation qui considérait déjà que l’action de l’article 1792-4-3 était réservée au maître de l’ouvrage dans le cadre d’action à l’encontre des constructeurs 9)Cass Civ 3ème 16 janvier 2020, pourvoi n° 16-24.352Ccass Civ. 3ème 16 janvier 2020, pourvoi n° 18-25.915..

Autrement dit, le délai de prescription de dix ans à compter de la réception des travaux s’applique aux actions en responsabilité dirigées contre les constructeurs et leurs sous-traitants par le maître d’ouvrage.

Le Conseil d’Etat estime ainsi que l’action en responsabilité contractuelle du maitre d’ouvrage contre le maître d’œuvre – dont le Conseil d’Etat reconnait la « qualité de constructeurs au sens des dispositions précitées de l’article 1792-4-3 du code civil » se prescrit par dix ans et ce « alors même qu’elle ne concerne pas un désordre affectant la solidité de l’ouvrage ou le rendant impropre à sa destination ».

En conséquence, l’arrêt de la cour n’a pas commis d’erreur de droit en considérant que les dispositions de cet article, et donc le délai de prescription décennale qu’il prévoit, s’applique au recours intentés par le maître de l’ouvrage à l’encontre des constructeurs et de leurs sous-traitants, écartant de ce fait la prescription de droit commun de cinq ans de l’article 2224 du code civil qui n’a vocation à s’appliquer que dans le cadre des actions entre constructeurs.

 

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References   [ + ]

1. Article 1792-4-3 du code civil
2. TA Nantes 22 avril 2011, req. n° 076891, devenu définitif à la suite du rejet de l’appel formé à son encontre par le département (CAA Nantes 11 avril 2013, req. n° 11NT01791).
3. Somme qui correspondait « à des surcoûts résultant de la réalisation de plans d’exécution et de notes de calcul dont [l’entreprise titulaire du lot]  n’était pas contractuellement redevable et de la moitié des surcoûts générés par la modification du plan constructif initial ».
4. Soit l’intégralité de la somme à laquelle le département avait été condamné.
5. Article 2224 du code civil
6. Article 1792-4-3 du code civil
7. Article 1792 du code civil
8. Article 1792-1 du code civil
9. Cass Civ 3ème 16 janvier 2020, pourvoi n° 16-24.352Ccass Civ. 3ème 16 janvier 2020, pourvoi n° 18-25.915.

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