Annulation des permis de 1000 arbres et Ville Multi-strates sur le fondement de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme pour atteinte à la salubrité publique (pollution de l’air)

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

July 2021

Temps de lecture

3 minutes

TA Paris 2 juillet 2021, req n°1920927-1921120

TA Paris 2 juillet 2021, req n°2003204

TA Paris 2 juillet 2021, req n°2004241

Par trois jugements en date du 2 juillet 2021 le Tribunal administratif de Paris se prononce sur la légalité des arrêtés ayant accordé un permis de construire aux projets « Mille arbres » et « Ville multi-strates ».

Ces deux projets, désignés lauréats de l’appel à projets Réinventer Paris en décembre 2016, sont autorisés en 2019 par la délivrance de permis de construire par la maire de Paris.

Le projet « Mille arbres » est autorisé par un arrêté en date du 30 août 2019.

Il prévoit la construction d’un ensemble immobilier, constitué principalement d’un immeuble en R+10 avec plusieurs destinations, ainsi que la plantation de plus de 1000 arbres à deux étages de la construction.

Le projet « Ville multi-strates » est autorisé par un arrêté en date du 29 mars 2019.

Il prévoit la construction d’une dalle couvrant le boulevard périphérique, et d’un bâtiment à destination d’habitations avec des commerces en rez-de-chaussée.

Ces projets sont contestés par des associations, des élus du conseil de Paris, ainsi que des voisins des terrains d’assiette.

Suite au rejet implicite des recours gracieux intentés contre chacun des projets, le Tribunal administratif de Paris est saisi de plusieurs recours pour excès de pouvoir.

Si la plupart des moyens sont écartés et si l’un des trois jugements conclut au rejet de la demande, les permis de construire attaqués sont annulés par le juge administratif sur le fondement de l’atteinte à la salubrité publique.

L’article R111-2 du code de l’urbanisme dispose qu’un projet « peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales s’il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d’autres installations ».

C’est sur le fondement de la salubrité publique, et notamment sur les risques graves pour la santé humaine engendrés par le projet, que les associations demandent l’annulation des arrêtés des 29 mars et 30 août 2019.

Par un considérant identique aux deux projets, le juge considère que :

« ce lieu d’implantation est marqué, dans sa configuration actuelle, par un niveau élevé de pollution de l’air, au-delà des valeurs limites fixées par le code de l’environnement et les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé pour la concentration de dioxyde d’azote (NO2) et de particules fines (PM10), qui s’élèvent à 40 microgrammes par mètre cube d’air, avec un dépassement général de ces valeurs sur les points de mesure retenus pour la concentration de dioxyde d’azote et un dépassement localisé pour les particules fines ».

Puis, il relève que si la réalisation du projet n’a pas pour effet d’augmenter la pollution de l’air ambiant sur le terrain d’assiette, il ressort des pièces du dossier et notamment de l’étude d’impact qu’une augmentation significative de la pollution est attendue aux alentours du projet et concernera des populations fragiles. Le juge évoque notamment la présence d’une maison de retraite et d’une future crèche.

Cette atteinte à la salubrité publique identifiée, le juge se prononce ensuite sur les prescriptions spéciales imposées par la maire de Paris et sur les mesures envisagées directement par les pétitionnaires, pour apprécier si elles sont de nature à compenser l’atteinte à la santé humaine.

Concernant le projet que porte la SCCV « Mille arbres », le juge considère les prescriptions spéciales imposées par la maire de Paris au pétitionnaire insuffisantes, notamment en ce que l’autorité compétente pour délivrer une autorisation d’urbanisme ne peut se contenter, lorsque le projet porte atteinte à la salubrité publique, de prescriptions « qui revêtent un caractère général et dont la réalisation est incertaine et hypothétique ». Le juge rejette également les mesures définies par le pétitionnaire. En effet, bien que ce dernier ait « produit plusieurs études, réalisées entre novembre 2019 et juin 2021, faisant état de solutions de dépollution testées en laboratoire et par des bureaux d’études, destinées à s’assurer du respect de la prescription relative à l’absence de dépassement des valeurs-limites règlementaires, il est constant que ces différentes études n’ont été soumises ni au public, dans le cadre de l’enquête publique, ni aux services de la ville de Paris dans le cadre de l’instruction du permis de construire ».

Concernant le projet porté par « Ville multi-strates » le juge relève, après avoir également considéré insuffisantes les mesures portées par le pétitionnaire, qu’en raison des caractéristiques mêmes du projet, « la maire de Paris ne pouvait assortir le projet de prescriptions spéciales satisfaisantes sans y apporter des modifications substantielles ».

Enfin, par application des articles L.600-5 et L.600-5-1 du code de l’urbanisme, le tribunal administratif juge que « L’illégalité dont le permis de construire est entaché n’apparaît pas susceptible d’être régularisée sans changer la nature même du projet ».

Compte tenu de cette impossibilité de régularisation, le juge prononce l’annulation des arrêtés ayant délivré les autorisations d’urbanisme ainsi que les décisions implicites de rejet nées du silence gardé pendant plus de deux mois par la maire de Paris.

 

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