Circulaire loi ELAN sur la suspension préfectorale des demandes présentées aux CDAC

Catégorie

Aménagement commercial, Urbanisme et aménagement

Date

December 2019

Temps de lecture

5 minutes

Circulaire du 31 octobre 2019 sur la faculté de suspension, par arrêté préfectoral, de la procédure devant les commissions départementales d’aménagement commercial

1    L’article 157 V de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN), codifié aux articles L. 752-1-1 et suivants du code de commerce, a prévu que toute demande d’autorisation d’exploitation commerciale déposée devant une commission départementale d’aménagement commercial (CDAC) peut être suspendue par arrêté préfectoral, pour une durée de trois ans, renouvelable un an, lorsque celle-ci porte sur un projet situé sur le territoire :

  • D’une ou plusieurs communes signataires d’une convention d’opération de revitalisation de territoire (ORT), mais en dehors des périmètres d’intervention définis par la convention (C. Com. L. 752-1-2, al. 1) ;
  • D’une commune non signataire d’une convention ORT mais membre d’un l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) signataire d’une telle convention ou d’un EPCI limitrophe de celui-ci, lorsque ce projet est de nature à compromettre gravement les objectifs de l’opération (C. Com. L. 752-1-2, al. 2).

Dans le sillage du décret n° 2019-795 du 26 juillet 2019 fixant les conditions et modalités d’application de l’article L. 752-1-2 du code de commerce, la circulaire du 31 octobre 2019 précise, à destination des préfets, la procédure relative à cette faculté de suspension des demandes d’AEC devant les CDAC.

Opposable depuis le 20 novembre 2019, les ministres signataires rappellent à titre liminaire l’importance de ce dispositif dans le cadre de la politique de lutte contre la dévitalisation des centres-villes et centres-bourgs menée par le Gouvernement. 

En ce sens, les dispositions de la circulaire ont notamment pour objectif de tenter de justifier que sa mise en œuvre est réalisée dans le cadre du respect du droit de l’Union européenne et notamment de la directive dite « Services » du 12 décembre 2006 (n°2006/123/CE), alors que la Commission européenne a pu émettre des réserves sur certains aspects du dispositif qui lui a été notifié, comme l’indiquent eux-mêmes les auteurs de la circulaire.

Précisément, les dispositions de la circulaire présentent, d’une part, l’impact de la procédure de suspension sur la procédure devant les CDAC et, d’autre part, détaillent les modalités de mise en œuvre au fond de cette nouvelle procédure.

2    En premier lieu, en ce qui concerne les conséquences de cette nouvelle procédure sur le déroulement de l’instruction des demandes devant la CDAC, la circulaire, accompagnée de schémas en annexes, expose les conditions d’intervention temporelle de la décision de suspension afin d’éviter que des projets présentant potentiellement un risque pour les objectifs d’une ORT bénéficient d’autorisations implicites, en cas de dépassement de délais empêchant leur examen en CDAC.

La mise en œuvre de la procédure doit donc respecter le délai de deux mois au terme duquel la CDAC se prononce à compter de sa saisine (C. Com. art. L. 752-14). 

Ainsi, tout d’abord, avant le prononcé d’une éventuelle décision de suspension, le préfet doit être informé par le secrétariat de la CDAC du dépôt d’une demande d’AEC entrant dans le champ d’application de l’article L. 752-1-2 précité :

  • Si la décision de suspension peut intervenir avant l’enregistrement de la demande devant la CDAC, elle ne peut être de nature à retarder l’enregistrement d’un dossier complet. 
  • Si aucun arrêté de suspension n’est pris dans un délai de trente-sept jours à compter de l’enregistrement, la procédure ne sera plus susceptible de suspension. 

Ensuite, postérieurement au prononcé de la suspension, la circulaire rappelle notamment que l’actualisation du dossier par le pétitionnaire trois mois avant la fin de la suspension, prévue par l’article R. 752-29-8 du code de commerce, ne nécessite pas qu’il refasse tout son dossier et, en cas d’absence de réponse de sa part, il ne peut être regardé comme ayant renoncé à sa demande, laquelle ne peut être qu’expresse. Le changement dans les circonstances de droit et de fait ne sont en conséquence pas pris en compte.

Concernant la computation des délais, les dispositions de la circulaire précisent notamment que lorsque la décision de suspension est intervenue, le délai de deux mois au terme duquel la CDAC doit se prononcer à compter de sa saisine, n’aura pas commencer à courir. 

3    En second lieu, en ce qui concerne les modalités d’application de la procédure, les dispositions de la circulaire exposent tant le champ d’application de la procédure que les cas où celle-ci pourra être mise en œuvre.

3.1  Ainsi, s’agissant du champ d’application de la procédure, l’instruction rappelle la nature des projets visés à l’article L. 752-1-2 du code de commerce, la compétence du préfet du département d’implantation du projet pour prononcer une telle décision ainsi que l’identité des élus locaux des communes « concernées » au sens de l’article L. 752-1-2 du code de commerce dont l’avis est nécessaire avant toute décision de suspension lorsque la procédure est à l’initiative du représentant de l’Etat.

Sur ce dernier point, la circulaire précise que l’obligation d’information des maires des communes limitrophes de la commune d’implantation d’un projet soumis au dépôt d’une demande d’AEC valant autorisation d’exploitation commerciale, prévue par l’article R. 752-110 du même code, s’applique, et que ses bénéficiaires se confondent pour l’essentiel avec les élus locaux des communes « concernées » par la procédure de suspension.

De plus, dans le cas où le préfet n’est pas à l’initiative de la procédure de suspension, les élus locaux qui souhaitent le saisir pour la mise en œuvre de celle-ci doivent lui adresser une demande conjointe.

3.2  S’agissant des cas qui peuvent justifier la mise en œuvre de la procédure, la circulaire relève que l’autorité compétente doit s’attacher à apprécier deux éléments : 

  • D’une part, elle doit réunir des données objectives sur l’évolution de la situation d’un territoire afin de les confronter ensuite aux caractéristiques propres à chaque projet dans le cadre d’un contrôle in concreto.

Les services préfectoraux réunissent ces données au regard d’un faisceau d’indices relatif, notamment, au taux de vacance commerciale, au nombre de logements vacants, ainsi qu’aux taux de chômage du territoire concerné.

Etant précisé que cette liste d’indices n’est pas limitative et peut être utilement complétée par d’autres marqueurs de la vitalité d’un territoire. 

Par ailleurs, chaque indice, présenté dans la durée, doit être assorti d’éléments objectifs et quantitatifs afin de prendre en compte les spécificités de chaque territoire. Ainsi, par exemple, un taux de vacance commerciale ancien doit être illustré par des éléments relatifs au dynamisme commercial du centre-ville (arrivée de nouvelle enseignes, cause(s) de la vacance commerciale, etc.) afin de caractériser la situation particulière du territoire.

En outre, les dispositions de l’instruction énoncent que la confrontation entre les données sur l’état du territoire réunies et les caractéristiques propres à un projet doit se faire à l’échelle de la zone de chalandise au sens de l’article R. 752-3 du code de commerce et notamment au regard de l’analyse d’impact du projet sur les centres urbains de la zone de chalandise produite par le demandeur et prévue l’article L. 752-6 du même code dans sa rédaction postérieure à la loi dite « ELAN ».

Et la circulaire indique explicitement que la circonstance qu’un projet soit situé en dehors d’un centre-ville ne compromet pas, par elle-même, les objectifs poursuivis par une ORT, y compris en cas de création d’un équipement commercial, mais doit attirer la vigilance du préfet. 

  • D’autre part, la circulaire indique que – même si la loi ne le prévoit pas expressément – la décision de suspension doit répondre à une « certaine urgence » et porter sur une situation et des difficultés « présentant une certaine évidence » compte tenu du bref délai dans lequel la décision de suspension peut intervenir.

En particulier, une forte motivation de l’arrêté de suspension est donc attendue dès lors qu’il convient d’identifier cette urgence et que la durée de la suspension doit être en « parfaite cohérence avec les motifs de la suspension » conformément à l’article R. 752-29-5 du code de commerce.

L’appréciation du caractère flagrant de la suspension peut se fonder sur la mobilisation des divers élus concernés, la circulaire précisant toutefois qu’un arrêté de suspension peut intervenir même si ces derniers ne sont pas tous unanimes. Cette appréciation prend également en compte le contexte des documents d’urbanisme en vigueur (plan local d’urbanisme et schéma de cohérence territoriale). 

Conscients de la complexité de cette analyse réalisée dans des délais très brefs, la circulaire rappelle qu’en cas de doute sur la compromission des objectifs poursuivis par une ORT, la procédure devant la CDAC doit suivre son cours, à charge pour ses membres d’opposer un avis défavorable à la demande. Ceci d’autant plus que le préfet peut déposer un recours devant la CNAC contre une décision des CDAC comme le rappelle l’instruction du Gouvernement du 3 mai 2017 sur la légalisation en matière d’aménagement commercial.

On notera le caractère impératif de cette circulaire. 

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