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CE 10 juillet 2023, req. n° 457659 : mentionné dans les tables du recueil Lebon
Le contentieux en cause concernait le projet d’implantation d’un parc de 46 éoliennes en mer du Nord au large de Dunkerque.
A l’issue du débat public organisé sous l’égide de la Commission nationale du débat public, Réseau de Transport d’électricité (RTE) et la société Eoliennes en Mer de Dunkerque ont décidé la poursuite de ce projet.
Cette décision a été contestée par la société Port d’Ostende, l’Etat belge, la commune de la Panne en Belgique ainsi que la Région flamande.
Cette décision est intéressante à plusieurs titres puisqu’elle :
- répond à la question de la compétence de la juridiction administrative pour connaître d’un recours dirigé contre un acte d’un maître d’ouvrage privé ;
- précise les moyens qu’il est opérant de mobiliser au soutien d’une telle requête ; et
- évoque la question des projets ayant des effets transfrontaliers.
2 Tout d’abord, le Conseil d’Etat considère que le juge administratif est compétent pour connaître d’un recours dirigé contre un acte émanant d’un maître d’ouvrage privé.
Pour mémoire, l’article L. 121-13 du code de l’environnement dispose que lorsqu’un débat public a été organisé sur un projet, le maître d’ouvrage ou la personne publique qui est responsable du projet doit décider du principe et des conditions de la poursuite du projet dans un délai de trois mois après la publication du bilan du débat public.
Selon la jurisprudence du Conseil d’Etat, cette décision du maître d’ouvrage, qui est la conséquence nécessaire du débat public, est susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir 1)CE, 28 décembre 2005, n° 267287.
Le Conseil d’Etat confirme par la présente décision que la juridiction administrative est compétente pour connaître un recours dirigé contre cet acte, y compris lorsque le maître d’ouvrage est privé.
En outre, il réaffirme implicitement sa compétence en premier et dernier ressort pour connaître d’un tel recours portant sur un projet d’implantation d’un parc d’éoliennes en mer, alors même qu’une telle décision ne figure pas parmi la liste des celles relatives aux ouvrages de production et de transport d’énergie renouvelable en mer dressée par l’article R. 311-1-1 du code de justice administrative.
3 Ensuite, le Conseil d’Etat dresse le cadre dans lequel cette décision de poursuite d’un projet peut être contestée et exclut notamment toute contestation du bienfondé du projet lui-même :
« Si cet acte a le caractère d’une décision dès lors, notamment, qu’une fois devenu définitif, aucune méconnaissance des articles L. 121-8 à L. 121-12 de ce code ne peut plus être invoquée, il ne peut, eu égard à son objet, être contesté que sur le fondement de moyens tirés de vices propres dont il serait entaché et de l’irrégularité du débat public au regard de ces mêmes dispositions, à l’exclusion, notamment, de toute contestation du bien-fondé de l’opération dont il est décidé de poursuivre les études, celui-ci ne pouvant être mis en cause qu’à l’occasion des actes qui, au titre des différentes législations applicables, en autorisent la réalisation. , seuls les moyens tirés de vices proches à cet acte et de l’irrégularité du débat public peuvent être utilisés. Par voie de conséquence, les moyens tirés de la contestation du bien-fondé de l’opération sont donc inopérants ».
Seuls seront donc recevable les moyens tirés de l’illégalité de la décision prise par le maître d’ouvrage ou de l’irrégularité du débat public.
4 Enfin, s’agissant d’un projet à proximité d’un autre Etat, le Conseil d’Etat confirme :
- que la décision de poursuite d’un tel projet n’a pas à être publiée dans un journal local d’un Etat limitrophe du projet ;
- et, dans le cadre du débat public, que le dossier soumis au débat n’a pas à être traduit.
En pratique, il convient toutefois de relever que le dossier du débat avait été traduit en néerlandais et que la décision de poursuite du projet avait été publiée dans des journaux belges francophones et néerlandophones, ces points ayant été relevé par la juridiction.
A ce titre, il fait noter qu’un des requérants soumettait ensuite une intéressante question préjudicielle s’agissant de la conformité à la directive 2011/92/UE de la procédure prévue aux articles L.121-1 et suivants du code de l’environnement organisant la participation du public. Le Conseil d’Etat n’a pas jugé utile de transmettre la question préjudicielle des requérants à la CJUE.
References
1. | ↑ | CE, 28 décembre 2005, n° 267287 |