Conditions de régularité des auditions dans le cadre d’une procédure d’appel d’offres

Catégorie

Contrats publics

Date

June 2015

Temps de lecture

3 minutes

TA Rennes 2 avril 2015 société Satelec, req. n° 1501161

Le centre hospitalier René Pleven de Dinan a engagé une procédure d’appel d’offres ouvert en vue de l’attribution d’un marché de travaux relatif à la construction d’un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes sur le territoire de la commune de Quévert.

La société Satelec a présenté une offre pour le lot n°8 « courants forts et faibles-SSI ». Cette offre a été rejetée par un courrier en date du 3 mars 2015, qui précisait, en outre, que le lot avait été attribué à la société JPF Industries. La société Satelec a alors saisi le tribunal administratif de Rennes d’un référé précontractuel, invoquant la méconnaissance par le centre hospitalier de ses obligations de publicité et de mise en concurrence pour les motifs suivants.

D’abord, la société requérante a fait valoir que la commission d’appel d’offres a commis une erreur de fait quant à l’appréciation de l’un des sous-critères d’attribution relatif aux « moyens humains affectés au projet », pour lequel elle a obtenu une note inférieure à celle de la société JPF Industries, alors qu’elles ont proposé des effectifs équivalents.

Si les deux sociétés présentaient bien des effectifs équivalents, il ressort des pièces du dossier que les moyens humains proposés par la société requérante ne correspondaient pas à ses moyens réels en personnel, ce qui a pu justifier une notation différente. Le juge du référé précontractuel refuse toutefois de contrôler l’appréciation qualitative ainsi faite.

Ensuite, la société Satelec reprochait au centre hospitalier d’avoir méconnu le principe d’égalité de traitement des candidats en ayant eu recours à la négociation avec la société attributaire au cours de son audition.

Si la négociation en tant que telle est proscrite en appel d’offres 1) Article 33 CMP : « L’appel d’offres est la procédure par laquelle le pouvoir adjudicateur choisit l’attributaire, sans négociation, sur la base de critères objectifs préalablement portés à la connaissance des candidats. (…) »
Article 59 CMP : « I. – Il ne peut y avoir de négociation avec les candidats. Il est seulement possible de demander aux candidats de préciser ou de compléter la teneur de leur offre. »
, il est toutefois possible, comme l’a rappelé le juge rennais :

    « d’auditionner les candidats, y compris lorsque que, comme en l’espèce, une demande de précisions ou de compléments portant sur certains éléments de leurs offres leur a d’ores et déjà été adressée, […] le pouvoir adjudicateur ne [pouvant] discuter avec les candidats que pour leur faire préciser ou compléter la teneur de leurs offres » 2) Voir en ce sens, CE 8 mars 1996 M. Pelte, req. n° 133198 ; CE 14 janvier 1998 préfet du Val d’Oise, req. n° 165416 ; CE 9 novembre 2007 société Isosec, req n° 288289..

En l’espèce, il a été jugé qu’il ne ressort pas du dossier que le centre hospitalier a négocié avec la société JPF Industries lors de son audition, pas plus que la société requérante n’établit que la société attributaire a effectivement ajusté son offre à la suite de cette audition.

A défaut d’en apporter la preuve, et sans qu’elle puisse se prévaloir de la note de la direction des affaires juridiques de Bercy qui détermine des conditions d’audition des candidats en appel d’offres 3) Note de la direction des affaires juridiques du ministère de l’Economie relative aux auditions en appel d’offres du 7 juin 2011., laquelle est dénuée de valeur règlementaire opposable, la société Satelec ne peut ainsi soutenir que le principe d’égalité de traitement des candidats a été méconnu.

Enfin, la société Satelec soutenait qu’il n’est pas justifié que la société attributaire du lot avait effectivement produit les documents attestant qu’elle a satisfait à ses obligations fiscales et sociales, en méconnaissance des dispositions de l’article 46 du code des marchés publics 4) Article 46 CMP : « I.- Sous réserve des dispositions du VI de l’article 45, le candidat auquel il est envisagé d’attribuer le marché produit en outre : 1° Les pièces prévues aux articles D. 8222-5 ou D. 8222-7 et D. 8222-8 du code du travail ; ces pièces sont à produire tous les six mois jusqu’à la fin de l’exécution du marché ; 2° Les attestations et certificats délivrés par les administrations et organismes compétents prouvant qu’il a satisfait à ses obligations fiscales et sociales. (…) III.- Le marché ne peut être attribué au candidat dont l’offre a été retenue que si celui-ci produit dans le délai imparti les certificats et attestations prévus au I et au II. S’il ne peut produire ces documents dans le délai imparti, son offre est rejetée et le candidat éliminé. / Le candidat dont l’offre a été classée immédiatement après la sienne est sollicité pour produire les certificats et attestations nécessaires avant que le marché ne lui soit attribué. ».

En l’espèce, le juge a admis ce moyen et annulé la décision rejetant l’offre de la société Satelec et attribuant le lot en cause à la société JPF Industries.

Toutefois, et laissant ainsi un « sursis » à la procédure, le juge a enjoint au centre hospitalier, si ce dernier souhaite toujours conclure ledit lot, de solliciter auprès de la société JPF Industries, et à défaut, au candidat classé en deuxième position, la communication de ces documents.

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1. Article 33 CMP : « L’appel d’offres est la procédure par laquelle le pouvoir adjudicateur choisit l’attributaire, sans négociation, sur la base de critères objectifs préalablement portés à la connaissance des candidats. (…) »
Article 59 CMP : « I. – Il ne peut y avoir de négociation avec les candidats. Il est seulement possible de demander aux candidats de préciser ou de compléter la teneur de leur offre. »
2. Voir en ce sens, CE 8 mars 1996 M. Pelte, req. n° 133198 ; CE 14 janvier 1998 préfet du Val d’Oise, req. n° 165416 ; CE 9 novembre 2007 société Isosec, req n° 288289.
3. Note de la direction des affaires juridiques du ministère de l’Economie relative aux auditions en appel d’offres du 7 juin 2011.
4. Article 46 CMP : « I.- Sous réserve des dispositions du VI de l’article 45, le candidat auquel il est envisagé d’attribuer le marché produit en outre : 1° Les pièces prévues aux articles D. 8222-5 ou D. 8222-7 et D. 8222-8 du code du travail ; ces pièces sont à produire tous les six mois jusqu’à la fin de l’exécution du marché ; 2° Les attestations et certificats délivrés par les administrations et organismes compétents prouvant qu’il a satisfait à ses obligations fiscales et sociales. (…) III.- Le marché ne peut être attribué au candidat dont l’offre a été retenue que si celui-ci produit dans le délai imparti les certificats et attestations prévus au I et au II. S’il ne peut produire ces documents dans le délai imparti, son offre est rejetée et le candidat éliminé. / Le candidat dont l’offre a été classée immédiatement après la sienne est sollicité pour produire les certificats et attestations nécessaires avant que le marché ne lui soit attribué. »

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