Consécration du délai raisonnable de recours contre une autorisation d’urbanisme et articulation de ce délai d’un an avec le délai de six mois de l’article R. 600-3 nouveau du code de l’urbanisme

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

November 2018

Temps de lecture

3 minutes

CE 9 novembre 2018, req. n° 409872 : mentionné dans les tables du recueil Lebon

L’apport de cette décision est double.

1-         En premier lieu, elle consacre l’application au contentieux des autorisations d’urbanisme de la jurisprudence dite « Czabaj »[1] sur le délai raisonnable dans lequel un recours juridictionnel doit être exercé pour être recevable.

Pour mémoire, dans sa décision dite « Czabaj », le Conseil d’Etat a jugé que le principe de sécurité juridique fait obstacle à ce qu’une décision administrative individuelle – qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d’une telle notification – puisse être contestée indéfiniment et ce quand bien même ladite décision ne respectait pas l’obligation d’informer l’intéressé sur les voies et les délais de recours.

Dans cette hypothèse, le Conseil d’Etat juge que le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d’un délai raisonnable et qu’en règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l’exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu’il en a eu connaissance.

Dans la décision commentée, le Conseil d’Etat juge que le principe dégagé dans sa décision Czabaj précitée doit également s’appliquer aux recours exercés par des tiers contre un permis de construire, une décision de non opposition à une déclaration préalable, un permis d’aménager ou un permis de démolir.

La Haute juridiction précise que dans le cas où l’affichage du permis ou de la déclaration préalable a été fait conformément aux dispositions du code de l’urbanisme[2] et a seulement omis de mentionner les voies et délai de recours, un recours contentieux doit néanmoins, pour être recevable, être présenté dans un délai raisonnable à compter du premier jour de la période continue de deux mois d’affichage sur le terrain.

Comme dans la décision Czabaj précitée, le Conseil d’Etat juge ici qu’en règle générale et sauf circonstance particulière dont se prévaudrait le requérant, un délai excédant un an ne peut être regardé comme raisonnable.

En l’espèce, les requérants demandaient l’annulation d’un permis de construire délivré le 6 novembre 2007 – qui avait fait l’objet, pendant une période continue de deux mois, d’un affichage (constaté par un procès-verbal d’huissier du 15 novembre 2007) conforme à l’ensemble des obligations prévues par les textes à l’exception d’une mention erronée des voies et délais de recours.

Le Conseil d’Etat juge que c’est à juste titre que le tribunal administratif a considéré que le recours formé en 2014 par les requérants n’avait pas été présentée dans un délai raisonnable à compter de l’affichage du permis de construire et était, par suite, irrecevable.

Si l’on suit le raisonnement du Conseil d’état, les requérants, sauf à démontrer l’existence de circonstances particulières, pouvaient, en l’espèce, uniquement contester ce permis de construire jusqu’au mois de novembre 2008.

2-         En deuxième lieu, et de manière surabondante, le Conseil d’Etat précise que le délai raisonnable qu’il vient de consacrer en matière de contentieux des autorisations d’urbanisme ne doit pas empêcher le juge de faire une pleine application de l’article R. 600-3 du code de l’urbanisme aux termes duquel :

« Aucune action en vue de l’annulation d’un permis de construire ou d’aménager ou d’une décision de non-opposition à une déclaration préalable n’est recevable à l’expiration d’un délai de six mois à compter de l’achèvement de la construction ou de l’aménagement.

Sauf preuve contraire, la date de cet achèvement est celle de la réception de la déclaration d’achèvement mentionnée à l’article R. 462-1 ».

Le Conseil d’Etat donne ainsi le mode d’emploi de la combinaison de deux types de délai, l’un qu’il vient de dégager de manière prétorienne et l’autre réglementaire ; ces deux délais ayant été dégagés pour assurer la sécurité juridique des autorisations d’urbanisme.

Le délai de l’article R. 600-3 a d’ailleurs été récemment raccourci à six mois au lieu d’un an par le décret n°2018-617 du 17 juillet 2018 commenté sur ce blog ; étant précisé que ce nouveau délai s’applique aux recours dirigés contre des décisions intervenues après le 1er octobre 2018.

Alors que cet article dans sa nouvelle version n’était même pas applicable au recours présenté devant les premiers juges, le Conseil d’Etat prend soin de mentionner l’existence de ce nouveau délai et précise que ce délai de l’article R. 600-3 d’un an ou de six mois (pour les requêtes dirigées contre des décisions intervenues après le 1er octobre 2018) prévaut sur le délai raisonnable d’un an.

En d’autres termes, pour l’avenir un recours présenté postérieurement à l’expiration du délai de 6 mois à compter de l’achèvement des travaux devra être considéré comme irrecevable quand bien même le délai d’un an à compter de l’affichage du permis ne mentionnant pas les délais et voies de recours n’aurait, quant à lui, pas encore expiré.

 

[1]              CE Ass. 13 juillet 2016 Czabaj, req. n° 387763 : Rec. CE ; dans le même sens : CE 9 mars 2018, req. n° 401386 : Mentionné dans les tables du recueil Lebon

[2]              Voir notamment les articles R. 424-15 et A. 424-15 et suivants du code de l’urbanisme

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