Contrôle de l’allotissement des marchés de services juridiques et invocation du principe de loyauté contractuelle en référé précontractuel

Catégorie

Contrats publics

Date

May 2014

Temps de lecture

3 minutes

CE 11 avril 2014 Commune de Montreuil, req. n° 375051

La commune de Montreuil avait lancé une procédure de passation d’un marché global à bons de commande multi-attributaire ayant pour objet les prestations de conseil et de représentation juridiques.

A la suite de cette procédure, cinq candidats ont été retenus comme attributaires du marché à bons de commande.

Etant classée 6ème, l’offre d’un cabinet d’avocat a été rejetée. Ce dernier en sa qualité de candidat évincé a donc saisi le juge des référés précontractuels 1) L. 551-1 du code de justice administrative. du tribunal administratif de Montreuil qui, par une ordonnance en date du 15 janvier 2014, a annulé la procédure de passation.

Saisi par la commune de Montreuil, le Conseil d’Etat a eu à se prononcer sur l’allotissement dans les marchés publics puis sur le principe de loyauté contractuelle dans le cadre d’un référé précontractuel.

1. Après avoir mentionné l’article 10 du code des marchés publics 2) Article 10 du code des marchés publics :
« Afin de susciter la plus large concurrence, et sauf si l’objet du marché ne permet pas l’identification de prestations distinctes, le pouvoir adjudicateur passe le marché en lots séparés dans les conditions prévues par le III de l’article 27. A cette fin, il choisit librement le nombre de lots, en tenant notamment compte des caractéristiques techniques des prestations demandées, de la structure du secteur économique en cause et, le cas échéant, des règles applicables à certaines professions. Les candidatures et les offres sont examinées lot par lot. (…) / Le pouvoir adjudicateur peut toutefois passer un marché global, avec ou sans identification de prestations distinctes, s’il estime que la dévolution en lots séparés est de nature, dans le cas particulier, à restreindre la concurrence, ou qu’elle risque de rendre techniquement difficile ou financièrement coûteuse l’exécution des prestations ou encore qu’il n’est pas en mesure d’assurer par lui-même les missions d’organisation, de pilotage et de coordination. (…) ».
rappelant les principes directeurs en matière d’allotissement, le Conseil d’Etat contrôle la qualification juridique des faits opérée par le juge de première instance :

« Considérant, en premier lieu, qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge du référé précontractuel et des énonciations non contestées sur ce point de l’ordonnance attaquée que les prestations de conseil et de représentation juridiques, objet du marché, portaient sur l’ensemble des matières du droit public ainsi que sur les matières relevant du droit civil, du droit pénal et de la procédure pénale ; que, compte tenu de la diversité de ces prestations et du volume de la commande passée par la commune de Montreuil, le juge des référés n’a commis ni erreur de droit ni erreur de qualification juridique des faits en jugeant que des prestations distinctes pouvaient être identifiées et que le marché pouvait faire l’objet d’un allotissement ; qu’il a également jugé sans erreur de droit et sans erreur de qualification juridique que la commune, eu égard à son importance et à sa capacité à assurer une coordination des prestations, ne justifiait pas qu’un allotissement du marché rendrait techniquement difficile son exécution »

L’allotissement d’un marché est donc le principe devant être appliqué pour tout marché dès lors que des prestations distinctes peuvent être identifiées. Il peut y être fait exception que sous certaines conditions prévues par l’article 10 du code des marchés publics.

En l’espèce, le Conseil d’Etat estime que l’objet du marché eu égard à la diversité des matières – droit civil, droit pénal et droit public – et au type de service proposé – conseil et représentation – était trop large pour être regroupé en un seul lot et que, par conséquent, le marché aurait dû être alloti 3) Sur le principe même de l’allotir ou non un marché, le Conseil d’Etat opère un contrôle de la qualification juridique des faits. En revanche, le juge opère un contrôle restreint sur le nombre de lots (cf. CE 21 mai 2010 Commune d’Ajaccio, req. n° 333737).. En outre, la commune ne prouve pas que le recours à un marché global était en l’espèce justifié. En effet, la commune étant dotée de moyens techniques suffisants eu égard à sa taille et à son organisation, cela ne lui permettait pas de faire exception au principe d’allotissement.

2. Par ailleurs, la Haute juridiction rejette en l’espèce l’application du principe de « loyauté des relations contractuelles » 4) CE 28 décembre 2009 Commune de Béziers, req. n° 304802., invoquée par la commune. Selon la commune, le cabinet d’avocats requérant a décidé de participer à la procédure de passation en toute connaissance de cause, en sachant qu’il s’agissait d’un marché global pour le pouvoir adjudicateur. Cette participation volontaire serait une sorte de quitus, d’approbation du marché global de sorte que le cabinet ne pouvait plus se prévaloir du défaut d’allotissement au nom de la « loyauté des relations contractuelles ».

Le Conseil d’Etat rejette cet argument. En effet, on peut difficilement parler de relation contractuelle avant la signature du contrat.

3. Au final, le Conseil d’Etat estime que le défaut d’allotissement était susceptible de léser le candidat. Par conséquent, il rejette le pourvoi et confirme ainsi l’annulation de la procédure de passation du marché de prestations juridiques de la commune de Montreuil.

Partager cet article

References   [ + ]

1. L. 551-1 du code de justice administrative.
2. Article 10 du code des marchés publics :
« Afin de susciter la plus large concurrence, et sauf si l’objet du marché ne permet pas l’identification de prestations distinctes, le pouvoir adjudicateur passe le marché en lots séparés dans les conditions prévues par le III de l’article 27. A cette fin, il choisit librement le nombre de lots, en tenant notamment compte des caractéristiques techniques des prestations demandées, de la structure du secteur économique en cause et, le cas échéant, des règles applicables à certaines professions. Les candidatures et les offres sont examinées lot par lot. (…) / Le pouvoir adjudicateur peut toutefois passer un marché global, avec ou sans identification de prestations distinctes, s’il estime que la dévolution en lots séparés est de nature, dans le cas particulier, à restreindre la concurrence, ou qu’elle risque de rendre techniquement difficile ou financièrement coûteuse l’exécution des prestations ou encore qu’il n’est pas en mesure d’assurer par lui-même les missions d’organisation, de pilotage et de coordination. (…) ».
3. Sur le principe même de l’allotir ou non un marché, le Conseil d’Etat opère un contrôle de la qualification juridique des faits. En revanche, le juge opère un contrôle restreint sur le nombre de lots (cf. CE 21 mai 2010 Commune d’Ajaccio, req. n° 333737).
4. CE 28 décembre 2009 Commune de Béziers, req. n° 304802.

3 articles susceptibles de vous intéresser