Contrôle restreint des juges du fond tant sur les conséquences de l’insuffisance d’une étude d’impact que sur le respect de l’article R. 111-26 du code de l’urbanisme par l’autorité ayant délivré le permis de construire

Catégorie

Environnement, Urbanisme et aménagement

Date

February 2019

Temps de lecture

4 minutes

CE 13 février 2019 Société Ferme éolienne de Plo d’Amourès, req. n° 416055

1          Contexte du pourvoi

En l’espèce, la société Ferme éolienne de Plo d’Amourès, avait obtenu, par arrêté du préfet de l’Aveyron en date du 17 février 2012, un permis de construire pour l’implantation de six éoliennes sur le territoire de la commune de Fondamente.

L’arrêté du préfet a fait l’objet de plusieurs recours d’associations auxquels le tribunal administratif de Toulouse a fait droit en prononçant l’annulation du permis de construire délivré (TA Toulouse, 3 juillet 2015, n°1203581).

Les appels formés par la société Ferme éolienne de Plo d’Amourès et du ministre du logement ont été rejetés par la cour administrative d’appel de Bordeaux (CAA Bordeaux, 28 septembre 2017, n°15BX02978, 15BX02995). La cour a en effet confirmé l’annulation du permis de construire prononcée en première instance, en considérant notamment que l’omission de la mention dans l’étude d’impact de la présence d’aigles royaux avait nuit à l’information du public, ce qui avait entrainé l’illégalité de la décision prise au vu de cette étude. Elle a également considéré que le permis de construire méconnaissait les dispositions de l’ancien article R. 111-15 du code de l’urbanisme (aujourd’hui R. 111-26) dans la mesure où la seule prescription par le préfet de l’Aveyron, d’un suivi avifaunistique tous les trois ans, n’était pas de nature à prévenir le risque créé pour la vie et la reproduction des aigles royaux.

La société s’est alors pourvue en cassation devant le Conseil d’État.

2          Décision du Conseil d’État

Par une décision du 13 février 2019, le Conseil d’État annule l’arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux et rappelle ainsi d’une part que seules les inexactitudes, omissions ou insuffisances d’une étude d’impact qui ont eu pour effet de nuire à l’information complète de la population ou qui sont de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative sont susceptibles d’entraîner l’illégalité de la  décision prise au vu de cette étude (2.1) et d’autre part que le contrôle par les juges du fond du respect par l’autorité administrative qui a délivré le permis de construire, des préoccupations environnementales définies aux articles L. 110-1 et L. 110-2 du code de l’environnement, est limité à l’erreur manifeste d’appréciation (2.2).

2.1       Sur l’appréciation par les juges du fond des insuffisances entachant une étude d’impact susceptibles d’entraîner l’illégalité de la décision prise au vu de cette étude, le Conseil d’État rappelle que :

« les inexactitudes, omissions ou insuffisances d’une étude d’impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d’entraîner l’illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l’information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative ».

Le Conseil d’État vérifie ensuite, si en l’espèce, l’omission dans l’étude d’impact de la mention de la présence d’aigles royaux avait été susceptible de nuire à l’information complète du public ou avait été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative,  et relève ainsi que : cette omission avait été qualifiée de mineure par la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) appelée à se prononcer en qualité d’autorité environnementale, l’étude d’impact comportait des développements détaillés sur les intérêts faunistiques et notamment de l’avifaune ainsi qu’une analyse détaillée des enjeux pour l’avifaune et qu’enfin, l’analyse de l’aire d’étude et les mesures proposées pour la sauvegarde des oiseaux avaient été qualifiées de globalement satisfaisantes par l’autorité environnementale.

Au regard de ces éléments, le Conseil d’État a jugé que la cour administrative d’appel de Bordeaux avait dénaturé les pièces du dossier en considérant que l’omission de la présence des aigles royaux avait nuit à l’information complète de la population.

Le Conseil d’Etat fait ici une application fidèle de l’arrêt Société Ocréal 1) CE 14 octobre 2011 Société Ocréal, req n°323257, qui a utilisé pour le cas des études d’impact, le principe selon lequel les irrégularités de procédure ne peuvent entacher une décision d’illégalité si le vice a pu avoir une influence sur le sens de la décision ou s’il a privé les intéressés d’une garantie 2)Dans un arrêt CE Ass., 23 décembre 2011, M. D et autres, req n°335033, publié au recueil Lebon, la Haute juridiction avait considéré, de manière générale, que les irrégularités de procédure ne peuvent entacher une décision d’illégalité si le vice a pu avoir une influence sur le sens de la décision ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie..

2.2       Sur le contrôle par les juges du fond du respect par l’autorité administrative ayant délivré le permis de construire, des dispositions de l’article R. 111-26 du code de l’urbanisme aux termes desquelles, le permis de construire doit respecter les préoccupations d’environnement définies aux articles L. 110-1 et L. 110-2 du code de l’environnement, le Conseil d’État rappelle que :

« Eu égard à la marge d’appréciation que ces dispositions laissent à l’autorité administrative, il appartient au juge de l’excès de pouvoir, saisi d’un moyen en ce sens, d’apprécier si elle n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation, en autorisant la construction projetée, le cas échéant assortie de prescriptions spéciales ».

En jugeant que la prescription d’un suivi avifaunistique tous les trois ans, n’était pas de nature à prévenir le risque créé pour la vie et la reproduction des aigles royaux, et en tenant compte du fait que deux autres parcs éoliens avaient été autorisés le même jour dans les environs alors que ni l’aire ni les itinéraires de chasse n’avaient été repérés, la cour administrative d’appel de Bordeaux a exercé un contrôle entier sur la décision de l’autorité administrative ayant délivré le permis de construire au regard de l’ancien article R. 111-15 (aujourd’hui R. 111-26), et a donc entaché son arrêt d’une erreur de droit.

Cette solution s’inscrit dans la droite ligne de la jurisprudence antérieure de la Haute Juridiction, puisque dans un arrêt du 16 octobre 2015, le Conseil d’État avait déjà, dans une espèce similaire, énoncé que le contrôle du juge administratif se limitait à l’erreur manifeste d’appréciation au regard de l’article R. 111-15 du code de l’urbanisme. Le Conseil d’État avait en effet considéré qu’en délivrant un permis de construire pour l’implantation d’un projet éolien, sans l’assortir de prescriptions spéciales destinées à protéger l’avifaune, le préfet n’avait commis aucune erreur manifeste d’appréciation, le projet étant situé à l’écart des couloirs de migration 3)CE 16 octobre 2015, req n°385114 : mentionné dans les tables du Rec. CE.

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References   [ + ]

1. CE 14 octobre 2011 Société Ocréal, req n°323257
2. Dans un arrêt CE Ass., 23 décembre 2011, M. D et autres, req n°335033, publié au recueil Lebon, la Haute juridiction avait considéré, de manière générale, que les irrégularités de procédure ne peuvent entacher une décision d’illégalité si le vice a pu avoir une influence sur le sens de la décision ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie.
3. CE 16 octobre 2015, req n°385114 : mentionné dans les tables du Rec. CE

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