Des nouvelles précisions sur la notion de “secteur déjà urbanisé” au sens de la loi littoral  

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

May 2022

Temps de lecture

3 minutes

CE 22 avril 2022, req. n° 450229 : mentionné aux tables du recueil Lebon

Le 30 septembre 2019, le maire d’Urrugne a accordé à l’Office public de l’habitat des Pyrénées-Atlantiques un permis d’aménager en vue de la création d’un lotissement de onze lots. L’office public se pourvoit en cassation du jugement rendu par le tribunal administratif de Pau le 29 décembre 2020 qui annulé l’arrêté de délivrance du permis d’aménager.

La Haute juridiction apporte des précisions sur la notion des « secteurs déjà urbanisés » introduit dans la loi Littoral par la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN).

1.   Le rappel par le Conseil d’Etat des différentes extensions de l’urbanisation possibles dans les communes littorales

Avant d’en venir aux faits de l’espèce, le Conseil d’Etat rappelle tout d’abord les différents régimes d’urbanisation issus la loi ELAN.

Comme le résume le rapporteur public Laurent Domingo dans ses conclusions sous cette décision, depuis l’intervention de cette loi, dans les communes littorales, l’extension de l’urbanisation s’apprécie en identifiant les agglomérations et villages existants, les secteurs déjà urbanisés et les espaces d’urbanisation diffuse.

En premier lieu, le Conseil d’Etat rappelle qu’en vertu du nouvel article L. 121-8 du code de l’urbanisme, l’extension de l’urbanisation est possible, en dehors de la bande littorale de cent mètres et des espaces proches du rivage, en continuité avec les agglomérations et villages existants. Constituent des agglomérations ou des villages où l’extension de l’urbanisation est possible, les secteurs déjà urbanisés caractérisés par un nombre et une densité significatifs de constructions 1)Voir sur cette notion : CE 27 septembre 2006 Commune du Lavandou, req. n° 275924 aux T ; CE 17 décembre 2014, req. n° 367134.

En deuxième lieu, le deuxième alinéa de l’article L. 121-8 nouveau ouvre la possibilité – dans les secteurs déjà urbanisés identifiés par le SCOT et délimités par le PLU autres que les agglomérations et villages – de densifier l’urbanisation à seule fin de permettre l’amélioration de l’offre de logement ou d’hébergement et l’implantation de services publics, à l’exclusion de toute extension du périmètre bâti et sous réserve que ce dernier ne soit pas significativement modifié.

Aux termes de la disposition précitée, ces secteurs urbanisés se distinguent des espaces d’urbanisation diffuse par « la densité de l’urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d’accès aux services publics de distribution d’eau potable, d’électricité, d’assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d’équipements ou de lieux collectifs ».

Enfin et en troisième lieu, la Haute juridiction relève que le régime transitoire mis en place par la loi du 23 novembre 2018 (Art. 42, III) autorise les constructions dans les secteurs déjà urbanisés non encore identifiés par le SCoT ou non délimités par le PLU« par anticipation, jusqu’au 31 décembre 2021 et sous réserve de l’accord de l’Etat, les constructions qui n’ont pas pour effet d’étendre le périmètre du bâti existant, ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti ». Cette disposition transitoire ne conditionne donc pas la densification de l’urbanisation dans les secteurs déjà urbanisés à la seule fin de permettre l’amélioration de l’offre de logement ou d’hébergement et l’implantation de services publics.

C’est cette disposition transitoire qui est applicable au litige commenté.

2.   Sur l’application au cas d’espèce : un secteur déjà urbanisé n’est pas une agglomération ou un village

En l’espèce, la Haute juridiction considère que le secteur d’implantation du projet n’est pas densément urbanisé si bien que le quartier d’implantation du projet ne constitue pas une agglomération ou un village.

La Haute juridiction précise par ailleurs que l’appréciation de la continuité doit être faite au regard de l’ensemble de l’environnement du terrain d’assiette et non par la seule prise en compte des constructions situées sur les seules parcelles limitrophes de ce terrain.

Ainsi en l’absence d’identification du terrain au sein du SCOT et de délimitation par le PLU , seule la règle transitoire du III de l’article 42 de la loi du 23 novembre 2018 était susceptible de permettre une densification de l’urbanisation (et la délivrance de l’autorisation).

Le Conseil d’Etat devait ainsi se prononcer sur le point de savoir si le projet pouvait être considéré comme devant s’implanter dans un secteur déjà urbanisé.

Dans ce cadre, il estime que le tribunal administratif a commis une erreur de droit en se bornant à considérer que le terrain d’assiette du projet s’inscrit dans un « compartiment » ne présentant pas une densité significative de constructions pour juger qu’il n’est pas situé dans un secteur déjà urbanisé et ce sans faire application des critères retenus par les dispositions de l’article L. 121-8 du CU. Le jugement du tribunal est donc censuré au motif qu’il a raisonné comme pour les agglomérations et villages, en recherchant la densité significative de constructions sans appliquer les critères spécifiques des secteurs déjà urbanisés.

Or, comme le relève le rapporteur public, le secteur déjà urbanisé est « un niveau intermédiaire d’urbanisation, entre ce qui est significativement urbanisé et ce qui est une urbanisation diffuse ».

Le Conseil d’Etat renvoie donc l’affaire au tribunal administratif de Pau.

 

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References   [ + ]

1. Voir sur cette notion : CE 27 septembre 2006 Commune du Lavandou, req. n° 275924 aux T ; CE 17 décembre 2014, req. n° 367134

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