Le Conseil d’Etat précise les règles d’interruption de la prescription en matière de taxe d’aménagement

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

December 2021

Temps de lecture

4 minutes

CE 6 décembre 2021 Ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales c/ Société Résidence Séniors, req. n° 438975 : mentionné aux tables du recueil Lebon

Par une décision du 6 décembre 2021, le Conseil d’Etat vient préciser les règles de prescription d’assiette applicables à la taxe d’aménagement.

1             Rappel des règles applicables en matière de recouvrement de la taxe d’aménagement

L’article L. 331-6 du code de l’urbanisme dispose que les opérations d’aménagement et les opérations de construction, de reconstruction et d’agrandissement des bâtiments, installations ou aménagements de toute nature soumises à un régime d’autorisation en vertu dudit code donnent lieu au paiement d’une taxe d’aménagement 1)Article L. 331-6 du code de l’urbanisme..

Cette taxe est recouvrée par les comptables publics et son recouvrement fait l’objet de l’émission de deux titres correspondant à deux fractions égales à la moitié de la somme totale à acquitter 2)Article L. 331-24 du code de l’urbanisme..

Le fait générateur de cette taxe étant la délivrance de l’autorisation d’urbanisme, l’article L. 331-21 du même code dispose que le droit de reprise de l’administration s’exerce jusqu’au 31 décembre de la quatrième année qui suit celle de la délivrance de l’autorisation de construire ou d’aménager 3)Article L. 331-21 du code de l’urbanisme. , étant précisé que la prescription peut être interrompue à la date de notification, notamment, de la lettre par laquelle l’administration informe le redevable de son intention de répéter une somme versée indûment, d’un ordre de reversement ou d’un titre exécutoire 4)CE Avis 31 mars 2017 Mme D. et Mme Holterbosch, req. n° 405797, considérant n°5..

S’agissant de la date à prendre en compte pour l’interruption du délai de prescription, le Conseil d’Etat a dégagé le principe, en 2015, à propos d’une proposition de rectification en matière d’impôt sur le revenu 5)« Considérant qu’eu égard à l’objet de ces dispositions, relatives à la détermination du délai dont dispose l’administration pour exercer son droit de reprise, la date d’interruption de la prescription est celle à laquelle le pli contenant la proposition de rectification a été présenté à l’adresse du contribuable ; qu’il en va de même lorsque le pli n’a pu lui être remis lors de sa présentation et que, avisé de sa mise en instance, il l’a retiré ultérieurement ou a négligé de le retirer » (CE 14 octobre 2015 Ministre c/ Brochet, req. n° 378503). , selon lequel, en l’absence de toute autre disposition applicable, le délai dont dispose l’administration pour exercer son droit de reprise est interrompu à la date à laquelle le pli contenant un titre de perception en vue du recouvrement de la taxe d’aménagement a été présenté à l’adresse du contribuable.

Toutefois, jusqu’à présent, aucune décision n’avait généralisé la règle, notamment, en matière de recouvrement de la taxe d’aménagement.

C’est l’apport de la décision commentée.

2             Les précisions apportées par le Conseil d’Etat en matière de prescription de la taxe d’aménagement

En l’espèce, après avoir été assujettie à la taxe d’aménagement par deux titres de perception émis les 5 et 6 décembre 2016 du fait de la délivrance d’un permis de construire le 19 novembre 2012, la société SNC Résidence Séniors a saisi le tribunal administratif de Marseille d’un recours tendant à la décharge de ces impositions.

Par un jugement du 20 décembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a annulé les titres de perception litigieux en jugeant que la SNC Résidence Séniors était fondée à invoquer le bénéfice de la prescription du délai de reprise qui s’est achevé, en l’espèce, le 31 décembre 2016, au motif qu’elle n’avait « reçu » les titres de perception que le 12 janvier 2017.

Saisi d’un pourvoi en cassation contre ce jugement, le Conseil d’Etat confirme cette interprétation et rejette le moyen tiré de l’erreur de droit commise par le tribunal, en confirmant que le droit de reprise de l’administration en matière de taxe d’aménagement est bien interrompu à la date à laquelle le pli contenant un titre de perception a été présenté à l’adresse du contribuable et en jugeant qu’en l’espèce l’administration ne démontrait pas que la date de réception des plis n’aurait pas été celle de la première présentation à l’adresse de la société 6)Après avoir demandé à la Haute juridiction d’appliquer le principe rappelé ci-dessus, la rapporteure public avait conclu à l’annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille en considérant que le tribunal aurait dû « vérifier la date à laquelle le courrier a été présenté à la société » (Conclusions de Céline Guibé sous la décision CE 6 décembre 2021 précitée).  :

« Par suite, en jugeant que la SNC Résidence Seniors était fondée à invoquer le bénéfice de la prescription du délai de reprise prévu par l’article L. 331-21 du code de l’urbanisme qui s’est achevé en l’espèce le 31 décembre 2016, au motif qu’elle n’avait reçu les titres de perception émis les 5 et 6 décembre 2016 que le 12 janvier 2017, alors qu’il ne ressortait d’aucune pièce versée au dossier de première instance que la date de cette réception du pli contenant ces titres n’aurait pas été celle de sa première présentation à l’adresse de la société, le tribunal administratif de Marseille n’a pas commis d’erreur de droit »

Ainsi, le Conseil d’Etat étend au recouvrement de la taxe d’aménagement le principe selon lequel le délai dont dispose l’administration pour exercer son droit de reprise est interrompu à la date à laquelle le pli contenant un titre de perception en vue du recouvrement de la taxe d’aménagement a été présenté à l’adresse du contribuable.

 

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References   [ + ]

1. Article L. 331-6 du code de l’urbanisme.
2. Article L. 331-24 du code de l’urbanisme.
3. Article L. 331-21 du code de l’urbanisme.
4. CE Avis 31 mars 2017 Mme D. et Mme Holterbosch, req. n° 405797, considérant n°5.
5. « Considérant qu’eu égard à l’objet de ces dispositions, relatives à la détermination du délai dont dispose l’administration pour exercer son droit de reprise, la date d’interruption de la prescription est celle à laquelle le pli contenant la proposition de rectification a été présenté à l’adresse du contribuable ; qu’il en va de même lorsque le pli n’a pu lui être remis lors de sa présentation et que, avisé de sa mise en instance, il l’a retiré ultérieurement ou a négligé de le retirer » (CE 14 octobre 2015 Ministre c/ Brochet, req. n° 378503).
6. Après avoir demandé à la Haute juridiction d’appliquer le principe rappelé ci-dessus, la rapporteure public avait conclu à l’annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille en considérant que le tribunal aurait dû « vérifier la date à laquelle le courrier a été présenté à la société » (Conclusions de Céline Guibé sous la décision CE 6 décembre 2021 précitée).

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