Divisions primaires : fin du débat !

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

November 2020

Temps de lecture

4 minutes

CE 12 novembre 2020 SCI du 3 rue Jules Gautier, req. n° 421590 : publié au Rec. CE

1           Définie au a) de l’article R. 442-1 du code de l’urbanisme, la division primaire constitue un instrument privilégié de division foncière 1)Il s’agit donc d’un mécanisme qui a pour objet le morcellement d’une unité foncière, laquelle est classiquement définie comme « un îlot de propriété d’un seul tenant, composé d’une parcelle ou d’un ensemble de parcelles appartenant à un même propriétaire ou à la même indivision » (CE 27 juin 2005 Commune de Chambéry, req. n° 264667 : mentionné aux T. Rec. CE). en ce qu’elle permet d’échapper, pour la création d’un groupe de bâtiments ou d’un immeuble autre qu’une maison individuelle, à la règlementation du lotissement tout en présentant l’avantage d’une grande simplicité :

  • La division primaire permet à un propriétaire de diviser (en jouissance ou en propriété) une partie de son terrain au profit d’un tiers-constructeur après obtention, par ce dernier, du permis de construire nécessaire à la réalisation de son projet de construction 2)Article 442-1 a) du code de l’urbanisme : « Les divisions en propriété ou en jouissance effectuées par un propriétaire au profit de personnes qui ont obtenu un permis de construire ou d’aménager portant sur la création d’un groupe de bâtiments ou d’un immeuble autre qu’une maison individuelle au sens de l’article L. 231-1 du code de la construction et de l’habitation ; ».
  • A la différence du lotissement, la division primaire permet, tout à la fois, de faire réaliser l’opération par un tiers, d’autoriser la division du terrain et d’en céder une partie, sans qu’il soit nécessaire d’obtenir d’autre autorisation administrative que la délivrance d’un permis de construire qui sera instruit dans les conditions et délais habituels (aucune pièce spécifique n’est sollicitée dans le dossier de demande).
  • La division primaire offre la possibilité pour le propriétaire du terrain, à la différence du lotisseur, de pouvoir envisager la cession du terrain issu de la division après l’obtention du permis de construire sans qu’aucune obligation ne soit mise à sa charge.

Malgré cette simplicité, le régime spécifique des divisions primaires a posé une double problématique, portant, d’une part, sur l’assiette foncière du permis de construire, et d’autre part, sur les modalités d’application des règles d’urbanisme dans cette hypothèse particulière.

Plus précisément, la question s’est longtemps posée de savoir si l’instruction de la demande de permis de construire devait se faire au regard du terrain d’assiette initial (avant division), ou s’il convenait d’anticiper la division à intervenir et d’instruire la demande de permis de construire uniquement sur la partie de l’unité foncière ayant vocation à être cédée.

2          A cette question, qui revêt une importante particulière pour la faisabilité d’une opération immobilière, les juges du fond ont apporté des réponses divergentes, sources d’insécurité juridique des projets.

Pour la cour administrative d’appel de Lyon en 2013 3)CAA Lyon 12 novembre 2013, req. n° 13LY00584., le terrain d’assiette du permis de construire, en cas de division primaire, n’était pas l’unité foncière d’origine, mais uniquement la parcelle supportant le projet après division. Selon cette logique, il était donc nécessaire d’anticiper la division et d’appliquer les règles d’urbanisme au regard de l’emprise foncière à céder.

Quant à la cour administrative d’appel de Versailles 4)CAA Versailles, 29 mars 2007, req. n° 06VE01147., en 2007, elle avait jugé dans le sens contraire, en faveur d’une instruction de la demande de permis sur l’intégralité de l’unité foncière. Cette position était rappelée par le Ministère du logement et de l’urbanisme en 2010 5)Rép. Min n° 65630, JOAN du 6 juillet 2010, p. 7649..

La position de la cour administrative d’appel de Lyon pouvait s’avérer difficile à saisir alors que :

  • D’un point de vue chronologique, la division primaire suppose qu’à la date d’obtention du permis de construire, la division n’ait pas encore eu lieu ; or, il est de jurisprudence constante que la légalité d’une autorisation d’urbanisme s’apprécie à sa date de délivrance 6)CE 3 novembre 2006 SCI Zubi Ondoa, req. n° 291800..

Aucun motif ne saurait justifier qu’une division primaire ne puisse pas se voir appliquer (contrairement au lotissement ou au permis de construire valant division) le dispositif prévu par l’article R. 151-21 du code de l’urbanisme. En effet, l’approche offerte par le code de l’urbanisme en matière de division foncière est bien celle d’une approche « globale » de l’unité foncière pour l’appréciation des règles d’urbanisme, sauf opposition du règlement du plan local d’urbanisme (PLU) 7)Article R. 151-21 du code de l’urbanisme « […] Dans le cas d’un lotissement ou dans celui de la construction, sur une unité foncière ou sur plusieurs unités foncières contiguës, de plusieurs bâtiments dont le terrain d’assiette doit faire l’objet d’une division en propriété ou en jouissance, l’ensemble du projet est apprécié au regard de la totalité des règles édictées par le plan local d’urbanisme, sauf si le règlement de ce plan s’y oppose »..

3          Par la décision commentée, publiée au Recueil, le Conseil d’Etat met fin à cette longue incertitude jurisprudentielle en considérant, conformément aux conclusions de son rapporteur public Olivier Fuchs, que :

  • Le respect des règles d’urbanisme doit être apprécié au regard de l’ensemble de l’unité foncière existante à la date à laquelle l’administration statue sur la demande, bien que cette dernière soit informée de la division à venir.
  • Dans l’hypothèse où, postérieurement à la division du terrain mais avant l’achèvement des travaux, le pétitionnaire dépose une demande de permis de construire modificatif (PCM), il y a lieu d’apprécier la légalité de cette demande sans tenir compte des effets, sur le terrain d’assiette, de la division intervenue.

Ainsi, même après division, les demandes de PCM doivent continuer à prendre en compte l’unité foncière d’origine. Cette précision résulte sans doute du souhait de préserver les droits acquis par le permis initial et ne pas rendre non-conforme le projet de construction après division (du fait de la constitution d’une nouvelle unité foncière).

La Haute Juridiction censure ainsi, sur le fondement de l’erreur de droit, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise ayant jugé que le terrain d’assiette du projet était constitué par la seule partie restante de la parcelle après division et que le dossier de demande n’avait pas à être instruit au regard de la totalité de la parcelle avant division.

4          On réserva les hypothèses pour lesquelles le PLU s’oppose à l’application des règles d’urbanisme à l’échelle de l’unité foncière d’origine, telle que prévue à l’article R. 151-21 du code de l’urbanisme (et visé dans la décision commentée). Dans cette situation d’« opposition » du PLU, le respect des règles d’urbanisme s’apprécie en tenant compte de la future division, et la demande de permis de construire devra être instruite uniquement sur la partie de l’unité foncière ayant vocation à être cédée.

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1. Il s’agit donc d’un mécanisme qui a pour objet le morcellement d’une unité foncière, laquelle est classiquement définie comme « un îlot de propriété d’un seul tenant, composé d’une parcelle ou d’un ensemble de parcelles appartenant à un même propriétaire ou à la même indivision » (CE 27 juin 2005 Commune de Chambéry, req. n° 264667 : mentionné aux T. Rec. CE).
2. Article 442-1 a) du code de l’urbanisme : « Les divisions en propriété ou en jouissance effectuées par un propriétaire au profit de personnes qui ont obtenu un permis de construire ou d’aménager portant sur la création d’un groupe de bâtiments ou d’un immeuble autre qu’une maison individuelle au sens de l’article L. 231-1 du code de la construction et de l’habitation ; »
3. CAA Lyon 12 novembre 2013, req. n° 13LY00584.
4. CAA Versailles, 29 mars 2007, req. n° 06VE01147.
5. Rép. Min n° 65630, JOAN du 6 juillet 2010, p. 7649.
6. CE 3 novembre 2006 SCI Zubi Ondoa, req. n° 291800.
7. Article R. 151-21 du code de l’urbanisme « […] Dans le cas d’un lotissement ou dans celui de la construction, sur une unité foncière ou sur plusieurs unités foncières contiguës, de plusieurs bâtiments dont le terrain d’assiette doit faire l’objet d’une division en propriété ou en jouissance, l’ensemble du projet est apprécié au regard de la totalité des règles édictées par le plan local d’urbanisme, sauf si le règlement de ce plan s’y oppose ».

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