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CE avis 30 avril 2024, n° 490405 : publié au Recueil Lebon
« L’extension de l’urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants » 1) Article L. 121-8 du code de l’urbanisme . Tel est le principe consacré depuis 1986 pour protéger le littoral français en imposant aux communes littorales d’interdire, sur l’ensemble de leur territoire, toute opération de construction isolée.
Toutefois, qu’en est-il en cas de travaux d’extension successifs sur une construction existante ? C’est précisément en réponse à cette question que le Conseil d’Etat a rendu l’avis du 30 avril 2024.
Etait en cause le refus du maire de Porto-Vecchio d’accorder le permis de construire sollicité pour divers aménagements sur la propriété de la requérante (construction d’une terrasse et d’un local technique et extension de la piscine).
Le maire a cru pouvoir se fonder sur la circonstance que la maison existante de 83 m2 avait déjà fait l’objet de travaux d’extension, consistant en la création de pièces supplémentaires (augmentant de 22 m2 la superficie de la maison), d’une piscine de 36 m2 et d’un abri de voiture, pour considérer que ce nouveau projet était constitutif d’une extension de l’urbanisation au sens de la loi Littoral 2)Cf. Contexte rappelé par le rapporteur public, Nicolas Agnoux, dans ses conclusions sous cet avis.
Certes, le Conseil d’Etat a déjà eu l’occasion de juger que le « simple agrandissement » d’une construction existante ne pouvait être regardé comme une extension de l’urbanisation 3) V. en ce sens CE 3 avril 2020, req. n° 419139 : mentionné aux T. du Rec. CE., point 14 et suivants (en l’espèce le projet litigieux consistait en la réalisation d’une extension de 42 m2 d’une construction existante à usage d’habitation disposant initialement d’une surface hors œuvre nette de 105 m2) – CE 28 septembre 2020 Commune du Lavandou et autres, req. n° 423087 : mentionné aux T. du Rec. CE., point 22.
Toutefois, le présent avis apporte d’utiles compléments.
Tout d’abord, il précise ce qui doit être considéré comme un « simple agrandissement » : il s’agit d’une « extension présentant un caractère limité au regard de sa taille propre, de sa proportion par rapport à la construction et de la nature de la modification apportée ». Dans un tel cas, l’agrandissement n’est pas proscrit.
En effet, comme le souligne le rapporteur public, Nicolas Agnoux, dans ses conclusions sous l’avis, l’extension d’une construction « ne saurait aboutir à créer un élément assimilable lui-même à une construction propre, ni à modifier l’emprise au sol ou l’empreinte visuelle de la construction au point qu’elle s’assimile à une nouvelle construction » 4)Conclusions du rapporteur public, Nicolas Agnoux, sous CE avis 30 avril 2024, n° 490405.
A titre d’exemple, ce dernier indique que le projet d’agrandissement d’une construction dont la superficie serait augmentée tout en restant inférieure à la moitié de celle-ci serait admis.
Ensuite, et c’est notamment sur ce point que la décision du maire de Porto-Vecchio est remise en question, la Haute juridiction considère que « l’agrandissement envisagé s’apprécie par comparaison avec l’état de la construction initiale, sans qu’il y ait lieu de tenir compte des éventuels agrandissements intervenus ultérieurement ».
Bien que l’objectif ne soit pas d’autoriser indéfiniment des extensions successives qui, en se cumulant, finiraient par conduire à une extension de l’urbanisation, comme le souligne le rapporteur public, le juge n’a pas entendu fixer de date à partir de laquelle il conviendrait d’apprécier une telle situation.
Certes, le Conseil d’Etat souligne que, s’agissant des constructions antérieures à l’entrée en vigueur de la loi Littoral, à savoir le 3 janvier 1986, le caractère de l’agrandissement envisagé doit s’apprécier par comparaison avec l’état de la construction avant cette date.
En revanche, pour tous les agrandissements réalisés depuis cette date, l’appréciation d’une « extension de l’urbanisation » au sens de la loi Littoral relèvera nécessairement de l’appréciation souveraine des juges du fond qui devront au cas par cas déterminer si les travaux autorisés présentent bien un « caractère limité » par rapport à l’existant.
References
1. | ↑ | Article L. 121-8 du code de l’urbanisme |
2. | ↑ | Cf. Contexte rappelé par le rapporteur public, Nicolas Agnoux, dans ses conclusions sous cet avis |
3. | ↑ | V. en ce sens CE 3 avril 2020, req. n° 419139 : mentionné aux T. du Rec. CE., point 14 et suivants (en l’espèce le projet litigieux consistait en la réalisation d’une extension de 42 m2 d’une construction existante à usage d’habitation disposant initialement d’une surface hors œuvre nette de 105 m2) – CE 28 septembre 2020 Commune du Lavandou et autres, req. n° 423087 : mentionné aux T. du Rec. CE., point 22 |
4. | ↑ | Conclusions du rapporteur public, Nicolas Agnoux, sous CE avis 30 avril 2024, n° 490405 |