Exclusion des demandes d’autorisation environnementale du champ d’application du sursis à statuer en cours d’élaboration du plan local d’urbanisme

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

July 2021

Temps de lecture

4 minutes

CE avis 9 juillet 2021 Société Les Pâtis Longs, req. n° 450859 : Rec. CE Tables

La société Les Pâtis Longs a déposé une demande d’autorisation unique pour l’exploitation d’un parc éolien, en application de l’ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 relative à l’expérimentation d’une autorisation unique en matière d’installations classées.

Après un premier refus implicite, le préfet a retiré sa décision pour opposer un sursis à statuer à cette demande au motif que la réalisation du projet serait de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution du futur plan local d’urbanisme intercommunal en cours d’élaboration.

La Cour administrative d’appel de Bordeaux, saisie en appel du contentieux en annulation de la décision de sursis à statuer prise sur la demande d’autorisation environnementale, a interrogé le Conseil d’Etat afin de déterminer le champ d’application du sursis à statuer.

Plus précisément, la question principale porte sur l’habilitation de l’autorité compétente à prononcer un sursis à statuer, en cours d’élaboration d’un plan local d’urbanisme, sur une demande d’autorisation portant sur un projet soumis à la législation sur les installations classées pour la protection de l’environnement.

Après avoir rappelé les principes de délimitation du champ d’application du sursis à statuer, prévu à l’article L. 153-11 du code de l’urbanisme (1), le Conseil d’Etat en a exclu les demandes d’autorisation unique (2) ainsi que les demandes d’autorisation environnementale relative à l’exploitation de parc éolien (3).

1          Délimitation du champ d’application du sursis à statuer en cours d’élaboration du plan local d’urbanisme

Le Conseil d’Etat souligne que les dispositions de l’article L. 424-1 du code de l’urbanisme fixant les conditions et délai dans lesquels l’autorité compétente peut surseoir à statuer, en application de l’article L. 153-11 du même code, sont codifiées dans le livre IV applicable aux constructions, aménagements et démolitions.

Le dispositif de sursis à statuer ainsi instauré ne peut donc être opposé, selon les juges, qu’aux seules demandes d’autorisations régies par le livre IV du code de l’urbanisme.

Par conséquent, les demandes d’autorisation environnementale ne relevant pas de ces dispositions, celles-ci ne peuvent faire l’objet d’un sursis à statuer en cours d’élaboration d’un plan local d’urbanisme.

Ces principes ne font toutefois pas obstacle à l’usage du sursis à statuer lorsque les projets soumis à autorisation environnementale au titre de la réglementation sur les installations classées sont également soumis à la délivrance d’un permis de construire et sont de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution du futur plan local d’urbanisme.

2          Exclusion des demandes d’autorisation unique provisoire

L’ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ayant créé, à titre provisoire, les autorisations uniques – ayant finalement abouti à l’instauration de l’autorisation environnementale –, prévoyait déjà le principe selon lequel cette autorisation valait permis de construire lorsque le projet considéré était soumis à une telle formalité.

Toutefois, les auteurs de cet outil expérimental avaient expressément déterminé les dispositions du code de l’urbanisme applicables, lesquelles ne comptaient pas celles organisant la faculté de l’administration de sursoir à statuer. Les demandes d’autorisations environnementales uniques déposées sur le fondement de cette ordonnance ne peuvent donc pas, légalement, se voir opposer un sursis à statuer.

Le Conseil d’Etat rappelle néanmoins que ces demandes sont tenues de respecter les prescriptions contenues dans les plans locaux d’urbanisme, au titre de l’article L. 421-6 du code de l’urbanisme.

3          Exclusion des demandes d’autorisation environnementale liées aux éoliennes terrestres

Les éoliennes terrestres, installations classées pour la protection de l’environnement, ont fait l’objet d’un dispositif dérogatoire d’autorisation unique, établi par ordonnance du 26 janvier 2017. Aux termes de l’article R. 425-29-2 du code de l’urbanisme, créé par le décret n° 2017-81 du 26 janvier 2017 relatif à l’autorisation environnementale, ces installations sont désormais dispensées de permis de construire. Ces projets ne donnent donc plus lieu à la délivrance d’une autorisation régie par le livre IV du code de l’urbanisme.

Ce nouvel outil a ainsi pour conséquence, en l’absence de texte particulier en disposant autrement, d’empêcher l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation environnementale d’opposer un sursis à statuer à la demande.

Le Conseil d’Etat réaffirme sa jurisprudence « Association Fédération environnement durable et autres » 1)CE 14 juin 2018 Association Fédération environnement durable et autres, req. n° 409227 : Rec CE Tables. Cette décision a été rendue dans le cadre d’un recours en excès de pouvoir formé par deux associations contre le décret n° 2017-81 du 26 janvier 2017 relatif à l’autorisation environnementale ayant notamment dispensé les projets de parcs éoliens soumis à autorisation environnementale de la délivrance préalable d’un permis de construire. Pour rejeter ce recours, le Conseil d’Etat a notamment écarté le moyen selon lequel le décret méconnaîtrait le principe de non régression en jugeant que « […] si l’article R. 425-29-2 introduit dans le code de l’urbanisme par le décret attaqué dispense les projets d’installation d’éoliennes terrestres soumis à autorisation environnementale de l’obtention d’un permis de construire, il n’a, en revanche, ni pour objet ni pour effet de dispenser de tels projets du respect des règles d’urbanisme qui leurs sont applicables. Les dispositions citées aux points 5 et 6 mettent à la charge de l’autorité administrative, à l’occasion de l’instruction de la demande d’autorisation environnementale, l’examen de la conformité des projets d’installations d’éoliennes aux documents d’urbanisme applicables. Le moyen tiré de ce que le décret attaqué méconnaîtrait le principe de non-régression posé par l’article L. 110-1 du code de l’environnement au motif qu’il dispenserait ces projets du respect des règles d’urbanisme qui leurs sont applicables ne peut donc qu’être écarté. […] ». par laquelle il a considéré que la dispense de permis de construire, accordée aux projets de parcs éoliens, n’avait ni pour objet ni pour effet de les exonérer du respect des règles d’urbanisme leur étant applicables.

Aussi, selon le Conseil d’Etat, l’obligation d’obtenir l’avis favorable de la personne publique en charge de l’élaboration du document d’urbanisme en cours avant toute implantation d’éoliennes qui apparaîtrait incompatible avec le voisinage des zones habitées, établie à l’article L. 515-47 du code de l’environnement, aura pour effet d’assurer la cohérence du projet d’éoliennes avec ce document.

 

 

 

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1. CE 14 juin 2018 Association Fédération environnement durable et autres, req. n° 409227 : Rec CE Tables. Cette décision a été rendue dans le cadre d’un recours en excès de pouvoir formé par deux associations contre le décret n° 2017-81 du 26 janvier 2017 relatif à l’autorisation environnementale ayant notamment dispensé les projets de parcs éoliens soumis à autorisation environnementale de la délivrance préalable d’un permis de construire. Pour rejeter ce recours, le Conseil d’Etat a notamment écarté le moyen selon lequel le décret méconnaîtrait le principe de non régression en jugeant que « […] si l’article R. 425-29-2 introduit dans le code de l’urbanisme par le décret attaqué dispense les projets d’installation d’éoliennes terrestres soumis à autorisation environnementale de l’obtention d’un permis de construire, il n’a, en revanche, ni pour objet ni pour effet de dispenser de tels projets du respect des règles d’urbanisme qui leurs sont applicables. Les dispositions citées aux points 5 et 6 mettent à la charge de l’autorité administrative, à l’occasion de l’instruction de la demande d’autorisation environnementale, l’examen de la conformité des projets d’installations d’éoliennes aux documents d’urbanisme applicables. Le moyen tiré de ce que le décret attaqué méconnaîtrait le principe de non-régression posé par l’article L. 110-1 du code de l’environnement au motif qu’il dispenserait ces projets du respect des règles d’urbanisme qui leurs sont applicables ne peut donc qu’être écarté. […] ».

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