Le Conseil d’Etat restreint considérablement  les possibilités de construction d’éoliennes sur le territoire des « communes littorales »

Catégorie

Environnement, Urbanisme et aménagement

Date

November 2012

Temps de lecture

5 minutes

CE 14 novembre 2012 Société Néo Plouvien, req. n° 347778

Le 29 octobre 2004, le préfet du Finistère a accordé à la société Neo Plouvien un permis de construire huit éoliennes sur le territoire de la commune de Plouvien.

A la demande de l’association France Energie Eolienne, le tribunal administratif de Rennes a, par un jugement du 28 février 2008, annulé le permis de construire pour insuffisance de l’étude d’impact.

En conséquence, la société Néo Plouvien a saisi la cour administrative de Nantes.

Par un arrêt du 28 février 2011, la cour a annulé le jugement du premier juge considérant le premier motif retenu comme étant infondé, mais a confirmé l’annulation du permis de construire au motif que la commune de Plouvien devant être regardée comme une « commune riveraine de la mer et des océans » au sens de la loi Littoral[1], le permis de construire méconnaissait les dispositions de l’article L. 146-4 du code de l’urbanisme qui prohibe l’extension de l’urbanisation hors continuité avec les agglomérations et les villages existants.

La société Néo Plouvien saisit le Conseil d’Etat d’un pourvoi. Par la décision du 14 novembre 2012, la Haute assemblée confirme la position du juge d’appel et, par conséquent,  l’annulation du permis litigieux.

En effet, le Conseil d’Etat valide, dans un premier temps, l’application de la loi Littoral sur le territoire de la commune de Plouvien (1).

Puis il confirme, dans un second temps, la qualification d’« extension de l’urbanisation » pour les constructions d’éoliennes  au sens de cette même loi (2).

1 L’application territoriale de la loi Littoral

L’article 2 de la loi Littoral, codifié à l’article L. 321-2 du code de l’environnement, dispose que « sont considérées comme communes littorales, au sens du présent chapitre,  les communes de métropole et des départements d’outre-mer:

Riveraines des mers et océans, des étangs salés, des plans d’eau intérieurs d’une superficie supérieure à 1 000 hectares ;

2° Riveraines des estuaires et des deltas lorsqu’elles sont situées en aval de la limite de salure des eaux et participent aux équilibres économiques et écologiques littoraux. La liste de ces communes est fixée par décret en Conseil d’Etat, après consultation des conseils municipaux intéressés ».

En l’espèce, la commune de Plouvien est située à l’extrémité Est de la vallée de l’Aber Benoit, fleuve côtier du Finistère dont les eaux se mélangent avec celles de la mer d’Iroise.

Cette position géographique spécifique nécessitait que le Conseil d’Etat se prononce sur l’applicabilité de la loi Littoral sur territoire de la commune.

En premier lieu, le Conseil d’Etat écarte le cas de figure prévu par le 2° de l’article L. 321-2 du code de l’environnement, puisque la commune n’apparait pas sur la liste du  décret du 29 mars 2004 qui énumère les « communes riveraines des estuaires ou des deltas » considérées comme « communes littorales».

Restait donc à déterminer si la commune pouvait être considérée comme une « commune riveraine des mers et océans » au sens du 1°du même article.

Le Conseil d’Etat commence par relever que, si la loi Littoral précise la limite d’un estuaire en aval de laquelle les communes riveraines de l’estuaire peuvent être considérées comme « littorales » au sens du 2° de l’article L. 321-2, aucun texte en revanche ne précise la limite en aval de laquelle les communes ne sont plus considérées comme riveraines de l’estuaire, mais comme « riveraines des mers et océans » au sens du 1° du même article.

Dès lors, le Conseil d’Etat considère que cette limite doit être regardée comme correspondant à la limite transversale de la mer, qui marque la frontière de la mer à l’embouchure des fleuves et des rivières, et qui est fixée par différents décrets en application de l’article 9 du code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure applicable au moment des faits.

En l’espèce, une partie de la commune de Plouvien se situe en aval de la limite transversale de la mer qui a été fixée, s’agissant de l’estuaire de l’Aber Benoit, par décret en date du 21 mars 1930.

Par conséquent, le Conseil d’ Etat considère que la commune « doit être regardée comme une commune riveraine des mers et océans au sens de l’article L. 321-2 du code de l’environnement ».

La loi Littoral trouve donc à s’appliquer sur l’ensemble de son territoire.

2 La qualification des constructions d’éoliennes au regard de la loi littoral

(i) Aux termes de l’article L 146-4 du code de l’urbanisme, « L’extension de l’urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l’environnement».

A l’instar du juge du fond, le Conseil d’Etat considère que la construction d’éoliennes constitue une « extension de l’urbanisation ».

Dès lors, dans la mesure où un parc éolien ne pourrait être raisonnablement qualifié de hameaux nouveaux,  les constructions d’éoliennes doivent nécessairement respecter cette règle de continuité avec l’existant, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

Cette décision doit être mis en perspective avec l’article L. 553-2 du code de l’environnement, dans sa rédaction issue de la loi Grenelle 2[2], qui prévoit que l’autorisation d’exploiter une éolienne est « subordonnée  à l’éloignement des installations d’une distance de 500 mètres par rapport aux constructions à usage d’habitation, aux immeubles habités et aux zones destinées à l’habitation définies dans les documents d’urbanisme en vigueur à la date de publication de la même loi ».

Au vu de la jurisprudence administrative[3], une telle distance  par rapport aux habitations s’oppose à ce que les constructions d’éoliennes soient regardées comme étant en continuité avec les agglomérations et  villages existants, à moins qu’elles ne soient implantées à proximité d’un espace urbanisé totalement dépourvu d’habitation.

La présente décision, combinée à l’article L. 553-2 du code de l’environnement, restreint donc considérablement les possibilités de  développement de l’énergie éolienne dans les « communes littorales », alors même que, par leur forte exposition au vent,  ces dernières s’y prêtent particulièrement.

C’est désormais au législateur, généralement sensible à la promotion de l’exploitation des énergies renouvelables, de remédier à cette situation en procédant à une nécessaire modification de la loi Littoral.

(ii) Par ailleurs, les requérants ont vainement tenté de tirer profit de la dérogation prévue au III de l’article 146-4, lequel prévoit que les constructions et installations en dehors des espaces urbanisés situées dans une bande littorale de 100 mètres sont interdites, sauf pour celles « nécessaires à des services publics ou des activités économiques nécessitant la proximité immédiate de l’eau ».

En l’espèce, le projet de construction d’éolienne étant situé à plus de 100 mètres du rivage, le Conseil d’Etat n’a pas eu l’occasion de se prononcer sur le fait de savoir si les éoliennes pouvaient être regardées comme des constructions « nécessaires à des services publics ou des activités économiques nécessitant la proximité immédiate de l’eau ».

En tout état de cause, si les éoliennes peuvent raisonnablement être regardées comme étant nécessaires à un service public[4], on voit mal en quoi le bon fonctionnement des éoliennes nécessiterait la proximité immédiate de l’eau.

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[1] Loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral.

[2] Loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement.

[3] Par exemple, le Conseil d’Etat considère que des constructions situées à 200 mètres du lieu-dit le plus proche ne sont pas réalisées en continuité avec une agglomération ou un village existant : CE 15 octobre 1999 commune de Logonna Daoulas, req. n° 198578; dans le même sens, des hameaux séparés de l’agglomération par des espaces naturels ou agricoles ne s’inscrivent pas en continuité avec
celle-ci : CE 27 juillet 2009 commune du Bono, req. n° 306946.

[4] Le Conseil d’Etat a pu ainsi qualifier les éoliennes d’équipement public  au regard de la loi Montagne, du fait de leur participation à la production d’électricité vendue au public : CE 23 juillet 2012 Association pour la promotion économique et le développement durable du plateau de l’Aubrac, req. n° 345202.

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