Fonctions de direction au sein des offices publics de l’habitat et éligibilité

Catégorie

Droit électoral

Date

December 2014

Temps de lecture

4 minutes

Conseil d’Etat 3 décembre 2014, Elections municipales de Saint-Germain-du Puy, req. n° 382684

1 – A chaque modification du code électoral, le législateur durcit le régime des inéligibilités des personnes exerçant des fonctions d’autorité

Il le fait en étendant le nombre des fonctions rendant leur titulaire inéligible, en augmentant le nombre de collectivités et d’établissements publics concernés et en accroissant la durée de la période à compter de laquelle il convient d’avoir quitté lesdites fonctions pour pouvoir se présenter.

Il en résulte un enchevêtrement de dispositions dont la cohérence n’apparait pas de manière évidente, et dont la rigueur a poussé le législateur de 2014 à défaire, pour les prochaines élections départementales, une partie ce qu’il avait entendu imposer en 2013 1) Cf. article 10 de la petite loi du 17 décembre 2014 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral : « 4° Les articles L. 195 et L. 196 ne sont applicables qu’aux fonctions exercées à partir du 1er décembre 2014, à l’exception des fonctions de préfet ». Cette modification revient à neutraliser l’allongement de 6 à 12 mois de la période de carence pour pouvoir se présenter, adopté par l’article 7 de la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013. La petite loi du 17 décembre 2014 n’a pas encore été promulguée. Elle a été déférée au Conseil constitutionnel .

C’est une autre disposition de la loi du 17 mai 2013 relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires dont le Conseil d’Etat a eu à connaître dans l’arrêt Elections municipales de Saint-Germain-du Puy.

Il était saisi, par une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) et sur le fond, des dispositions de l’article 8° de l’article L 231 rendant inéligibles :

    « Les personnes exerçant des fonctions de directeur des services, chef de service, directeur de cabinet ou chef de cabinet au sein du conseil régional, du conseil départemental, de la collectivité territoriale de Corse, de Guyane ou de Martinique, d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ou de leurs établissements publics ».

Plus précisément, la question portait sur l’application de ces dispositions aux personnes exerçant des fonctions de direction au sein des Offices publics de l’habitat.

2 – Le Conseil d’Etat refuse d’abord la transmission de la QPC au Conseil constitutionnel

Le Conseil d’Etat écarte très rapidement deux moyens, tirés de la contestation de la solution donnée par le Tribunal administratif (considérant 4) et de la violation de l’objectif de valeur constitutionnelle de clarté et d’intelligibilité de la loi (considérant 7), qui sont inopérants dans le cadre d’une QPC.

Il s’attarde davantage sur celui de l’atteinte au principe d’égalité.

Les offices publics de l’habitat sont des établissements publics locaux à caractère industriel et commercial qui peuvent être rattachés à un établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d’habitat, à un département ou, sous certaines conditions, à une commune 2) Articles L. 421-1 et L. 421-6 du code de la construction et de l’habitation dans leur rédaction applicable .

Or, s’agissant d’élections municipales, il pouvait sembler surprenant de rendre inéligibles les personnes exerçant des fonctions d’autorité au sein des offices publics de l’habitat départementaux, alors que d’autres exerçant les mêmes fonctions au sein des offices d’habitat municipaux n’étaient pas concernées.

L’inéligibilité ayant pour fin de garantir la liberté des électeurs et l’égalité entre les candidats, de telles différences, qui se retrouvent à d’autres reprises dans le code électoral, sont difficilement justifiables.

Pour autant, elles échappent à la sanction du juge dès lors que le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes (considérant 6).

Or, le Conseil d’Etat estime que les candidats aux élections municipales sont dans une situation différente de ceux pour les autres élections et que les salariés des offices publics de l’habitat rattachés à un Département sont dans une situation différente de ceux des établissements rattachés à une commune.

Dans ces conditions, ces différences de situation permettent la fixation de règles d’inéligibilité distinctes, sans que puisse être invoquée une rupture d’égalité.

Cela conduit la juridiction à ne pas transmettre la QPC au Conseil constitutionnel, faute de moyens sérieux soulevés devant lui.

3 – Sur le fond, le Conseil d’Etat confirme la solution retenue par le Tribunal administratif

La principale question posée par le contentieux était de savoir si l’office public de l’habitat du Cher devait être considéré comme un établissement public rattaché à un département, et entrant de ce fait dans le champ d’application du 8° de l’article L. 231 du code électoral.

Il pouvait y avoir hésitation dès lors que, comme on l’a vu, l’organe de rattachement n’est pas déterminé par la loi et qu’il est rare que les statuts de ces établissements publics fixent la collectivité à laquelle ils sont rattachés.

En l’espèce, le Conseil d’Etat remonte jusqu’à un décret du 25 juillet 1920 portant création d’un Office public pour le département du Cher et se référant à des délibérations du conseil général du Cher de 1919, pour estimer que l’office doit être considéré comme étant rattaché au Département du Cher.

Par ailleurs, le Conseil d’Etat rappelle que l’inéligibilité s’applique que les agents aient un statut de droit public ou de droit privé, le texte de l’article L. 231 8° du code électoral ne distinguant pas selon la nature du contrat liant l’agent à l’établissement public.

Enfin, plus classiquement, le Conseil d’Etat apprécie si, au-delà des dénominations retenues, la réalité des fonctions exercées par les personnes en cause les places dans une fonction équivalente à celle de directeur ou de chef de service.

Répondant par l’affirmative, le Conseil d’Etat annule leur élection, sans annuler l’ensemble des opérations électorales.

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References   [ + ]

1. Cf. article 10 de la petite loi du 17 décembre 2014 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral : « 4° Les articles L. 195 et L. 196 ne sont applicables qu’aux fonctions exercées à partir du 1er décembre 2014, à l’exception des fonctions de préfet ». Cette modification revient à neutraliser l’allongement de 6 à 12 mois de la période de carence pour pouvoir se présenter, adopté par l’article 7 de la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013. La petite loi du 17 décembre 2014 n’a pas encore été promulguée. Elle a été déférée au Conseil constitutionnel
2. Articles L. 421-1 et L. 421-6 du code de la construction et de l’habitation dans leur rédaction applicable

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