Illégalité de la décision de préemption lorsque la déclaration d’intention d’aliéner le bien qui en fait l’objet a été transmise par une personne qui n’en est pas le propriétaire

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

April 2023

Temps de lecture

4 minutes

CE 1er mars 2023 M. B...,, req. n° 462877 : mentionné dans les tables du recueil Lebon

Dans cette décision, le Conseil d’Etat est venu repréciser le mécanisme du droit de préemption en considérant notamment que la décision de préemption est illégale lorsque la déclaration d’intention d’aliéner le bien qui en fait l’objet a été transmise par une personne qui n’en est pas le propriétaire.

En l’espèce, le conseil général de la Guyane avait approuvé la vente à M. B d’une parcelle. Toutefois, après une première déclaration d’intention d’aliéner la parcelle reçue par la commune de Rémire-Montjoly, émanant du conseil général de la Guyane, une nouvelle déclaration d’intention d’aliéner cette parcelle et identique à la précédente datée du 5 août 2021, a été reçue par la commune, laquelle a, par un arrêté du 4 novembre 2021, décidé d’exercer son droit de préemption. Entre temps, par un jugement du 25 janvier 2021, le tribunal judiciaire, saisi par M. B, a déclaré parfaite la vente au profit de M. B de la parcelle. Ainsi, au moment de déclaration d’intention d’aliéner c’est M.B qui en était le propriétaire.

Saisi d’un pourvoi contre l’ordonnance par laquelle le tribunal administratif de la Guyane a refusé de suspendre une décision de préemption, la Haute juridiction rappelle tout d’abord que l’article L. 213-2 du code de l’urbanisme prévoit que la déclaration de cette intention incombe au propriétaire.

Ainsi, le Conseil d’Etat précise tout d’abord que :

« 10. Il résulte de ces dispositions, en premier lieu, que le titulaire du droit de préemption sur un bien ne saurait légalement l’exercer, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, si la déclaration d’intention de l’aliéner a été faite par une personne qui, à la date de cette déclaration, n’est pas propriétaire du bien (…) ».

Dans cette décision, le Conseil d’Etat poursuit sa logique commencée dans la décision « Mme S » (CE 5 juin 2009, Mme S, req. n°322336) dans laquelle il avait regardé comme de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité d’une décision de préemption le moyen tiré de ce que la déclaration d’intention d’aliéner n’émanait pas du propriétaire du bien préempté et parait rompre avec la décision Société Ham Investissement (CE 12 février 2014, req. n°361741) où il avait estimé que l’absence de titre pour aliéner ne faisait pas partie des vices ayant incidence sur la légalité de la décision de préemption.

Il est en outre précisé dans la décision commentée que d’une part la réception d’une déclaration d’intention d’aliéner ouvre au titulaire du droit de préemption un délai de deux mois pour exercer ce droit alors même qu’il aurait précédemment renoncé à ce droit lors d’une déclaration d’aliéné identique à la première et que d’autre part la circonstance que celle-ci soit incomplète ou entachée d’une erreur substantielle portant sur la consistance du bien objet de la vente, son prix ou sur les conditions de son aliénation est, par elle-même, et hors le cas de fraude, sans incidence sur la légalité de la décision de préemption :

« Il en résulte, en second lieu, que la réception d’une déclaration d’intention d’aliéner ouvre au titulaire du droit de préemption, alors même qu’il aurait renoncé à l’exercer à la réception d’une précédente déclaration d’intention d’aliéner portant sur la vente du même bien par la même personne aux mêmes conditions, un délai de deux mois pour exercer ce droit. La circonstance que la déclaration d’intention d’aliéner soit incomplète ou entachée d’une erreur substantielle portant sur la consistance du bien objet de la vente, son prix ou sur les conditions de son aliénation est, par elle-même, et hors le cas de fraude, sans incidence sur la légalité de la décision de préemption prise à la suite de cette déclaration ».

Cette décision rappelle ainsi le principe dégagé dans plusieurs décisions selon lequel en cas de production d’une attestation frauduleuse du demandeur d’une autorisation d’urbanisme, l’autorité saisie se doit de refuser la demande de permis pour ce motif (CE 19 juin 2015, Commune de Salbris, req. n° 368667 ; CE 9 octobre 2017, Société Les Citadines, req. n° 398853; CE 12 février 2020, Commune de Norges-la-ville, req. n° 424608 ; CE 3 avril 2020, Ville de Paris, req. n° 422802 et CE 23 octobre 2020, Ville de Paris, req. n° 425457).

Dans ce contexte, le Conseil d’Etat constate que la déclaration d’intention d’aliéner le bien, n’a pas été déposée par celui qui en était désormais le propriétaire. Dans ces circonstances, la décision de préemption contestée présentait un doute sérieux quant à sa légalité :

« 11. En l’espèce, la réception d’une déclaration d’intention d’aliéner le 24 août 2021 ouvrait ainsi en principe à la commune de Rémire-Montjoly, autorité titulaire du droit de préemption urbain, la possibilité d’exercer légalement ce droit, alors même qu’elle avait renoncé à l’exercer à la réception d’une précédente déclaration d’intention d’aliéner portant sur la vente du même bien par la même personne aux mêmes conditions. Il résulte toutefois de l’instruction qu’à la date de cette déclaration, faite par la collectivité territoriale de Guyane, la vente réalisée auparavant au profit de M. B avait été jugée parfaite par le tribunal judiciaire de Cayenne. Si, en l’état de l’instruction, il n’est pas établi que ce jugement soit devenu définitif, le moyen tiré de ce que la déclaration d’intention d’aliéner n’émanait pas du propriétaire du bien préempté est par suite propre, en l’état de l’instruction et eu égard à l’office du juge des référés, à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ».

 

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