In house : des précisions sur le critère de « l’essentiel de l’activité »

Catégorie

Contrats publics

Date

January 2017

Temps de lecture

4 minutes

CJUE 8 décembre 2016 Undis Servizi Srl c/ Comune di Sulmona, aff. C-553/15

L’exception dite du « in house », désormais dénommée « quasi-régie » par les textes français relatifs à la commande publique 1) Voir, par exemple, l’article 17 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics., permet à un pouvoir adjudicateur de déroger aux règles de mise en concurrence qui s’imposent à lui lorsqu’il entend attribuer un marché public à un organisme placé sous son contrôle étroit et qui est dédié à la satisfaction de ses besoins.

Ainsi que la Cour de justice de l’Union européenne l’a déjà indiqué, cette exception « est justifiée par la considération qu’une autorité publique, qui est un pouvoir adjudicateur, a la possibilité d’accomplir les tâches d’intérêt public qui lui incombent par ses propres moyens, administratifs, techniques et autres, sans être obligée de faire appel à des entités externes n’appartenant pas à ses services, et que cette exception peut être étendue aux situations dans lesquelles le cocontractant est une entité juridiquement distincte du pouvoir adjudicateur, lorsque ce dernier exerce sur l’attributaire un contrôle analogue à celui qu’il exerce sur ses propres services et que cette entité réalise l’essentiel de son activité avec le ou les pouvoirs adjudicateurs qui la détiennent […]. Dans de tels cas, il peut être considéré que le pouvoir adjudicateur a recours à ses propres moyens » 2) CJUE 8 mai 2014 Technische Universität Hamburg-Harburg et Hochschul-Informations-System GmbH c/ Datenlotsen Informationssysteme GmbH, aff. C-15/13, point 25. Sur cet arrêt, voir : adden-leblog.com et, a-t-elle ajouté plus récemment, « que l’entité attributaire fait quasiment partie des services internes de celui-ci » 3) CJUE 8 décembre 2016 Undis Servizi Srl c/ Comune di Sulmona, aff. C-553/15, point 30..

Dans sa décision du 8 décembre 2016, rendue « au regard de la seule directive 2004/18 telle qu’interprétée par la jurisprudence de la Cour », la CJUE apporte deux précisions se rapportant à la condition tenant à ce que l’entité attributaire exerce l’essentiel de son activité pour le ou les pouvoirs adjudicateurs qui le contrôlent et non au profit de tiers.

    1 Le cas de l’activité exercée au profit de tiers mais imposée à l’attributaire par une autre autorité

Une société publique locale était détenue par des collectivités territoriales au profit desquelles elle exerçait une partie de son activité de traitement de déchets. Elle exerçait néanmoins également une telle activité pour d’autres collectivités territoriales qui ne lui étaient pas associées.

Toutefois, dans ce dernier cas, cette activité lui avait été imposée par une autre autorité publique supérieure, également non actionnaire, afin que les déchets de ces collectivités soient traités au plus près de leur lieu de production. Se posait donc la question de savoir si cette activité imposée devait être prise en compte pour apprécier l’importance de l’activité exercée par l’entité attributaire au profit de tiers.

La Cour répond à cet égard que : « afin de déterminer si l’entité adjudicataire exerce l’essentiel de son activité pour le pouvoir adjudicateur, notamment les collectivités territoriales qui sont ses associées et qui la contrôlent, il convient de ne pas inclure dans cette activité celle qu’impose à cette entité une autorité publique, non associée de cette entité, en faveur de collectivités territoriales qui ne sont pas non plus associées de ladite entité et n’exercent aucun contrôle sur elle, cette dernière activité devant être considérée comme exercée pour des tiers » (point 38).

    2 Le cas de l’activité exercée avant l’institution du contrôle analogue sur l’attributaire

Une commune avait confié directement un marché de traitement de déchets à cette même société à capital public le 30 septembre 2014 mais son contrôle sur cette société, conjointement exercé avec d’autres collectivités territoriales, n’avait été mis en place qu’un mois plus tard, le 30 octobre 2014, par le biais d’une convention destinée à organiser un contrôle de ces collectivités analogue à celui exercé sur leurs services.

Pour déterminer si, à la date du 30 septembre 2014, la condition tenant à l’exercice de l’essentiel de l’activité au profit du pouvoir adjudicateur était remplie, se posait alors la question de savoir s’il y avait lieu de compte également de l’activité que cette société avait réalisée pour ces collectivités territoriales avant qu’un tel contrôle conjoint ne soit devenu effectif le 30 octobre 2014.

La Cour ayant déjà jugé que le juge national doit prendre en considération toutes les circonstances de l’affaire, tant qualitatives que quantitatives 4) CJCE 11 mai 2006 Carbotermo et Consorzio Alisei, aff. C-340/04, points 63-64., elle précise ici, d’une part, que des activités passées mais qui perdurent encore au moment d’une attribution de marché public « doivent assurément être prises en considération » et, d’autre part, que « des activités achevées avant le 30 octobre 2014 peuvent également être pertinentes pour apprécier si la condition concernant la réalisation de l’essentiel de l’activité est remplie. En effet, les activités passées peuvent constituer un indice de l’importance de l’activité que [la société] projette d’exercer pour ses autorités territoriales associées après que leur contrôle analogue a pris effet » (point 41).

Elle conclut en conséquence que : « aux fins de déterminer si l’entité adjudicataire réalise l’essentiel de son activité pour les collectivités territoriales qui sont ses associées et qui exercent sur elle, de manière conjointe, un contrôle analogue à celui qu’elles exercent sur leurs propres services, il convient de prendre en considération toutes les circonstances de l’espèce, parmi lesquelles peut figurer l’activité que cette entité adjudicataire a réalisée pour ces mêmes collectivités territoriales avant qu’un tel contrôle conjoint ne soit devenu effectif » (point 42).

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References   [ + ]

1. Voir, par exemple, l’article 17 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics.
2. CJUE 8 mai 2014 Technische Universität Hamburg-Harburg et Hochschul-Informations-System GmbH c/ Datenlotsen Informationssysteme GmbH, aff. C-15/13, point 25. Sur cet arrêt, voir : adden-leblog.com
3. CJUE 8 décembre 2016 Undis Servizi Srl c/ Comune di Sulmona, aff. C-553/15, point 30.
4. CJCE 11 mai 2006 Carbotermo et Consorzio Alisei, aff. C-340/04, points 63-64.

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