La circonstance qu’un différend est né des modalités de résiliation pour tardiveté d’un ordre de service ne dispense pas le titulaire du marché de produire un mémoire en réclamation

Catégorie

Contrats publics

Date

January 2023

Temps de lecture

2 minutes

CE 29 décembre 2022 Grand port maritime de Marseille, req. n° 458678

Cette décision, qui sera mentionnée aux tables du recueil, se prononce sur le champ de l’obligation de produire un mémoire en réclamation à la suite d’un différend.

En l’espèce, un marché public concernant des travaux de dragage a été conclu entre la société Can et le Grand port maritime de Marseille. Estimant l’ordre de service de la première tranche des travaux tardif, la société a demandé la résiliation du marché. Le pouvoir adjudicateur a prononcé la résiliation du marché aux torts de l’attributaire. L’article 46.2.1 du CCAG-Travaux indiquant que la résiliation pour ordre de service tardif ouvre droit à indemnisation des frais et investissements, la société Can a donc sollicité le paiement de ces dépenses.

Face au refus du pouvoir adjudicateur, l’attributaire a saisi le juge administratif pour obtenir le paiement des sommes.

Le défaut de présentation d’un mémoire en réclamation rendant la requête irrecevable, l’enjeu était donc de déterminer si la demande d’indemnisation prévue à l’article 46.2.1 du CCAG Travaux était de nature à lier le contentieux.

La Cour administrative d’appel de Marseille avait considéré la demande écrite sollicitant l’indemnisation des frais et investissements engagés comme exclusive de l’obligation de transmettre un mémoire en réclamation suivant tout différend et avait, par conséquent, admis la recevabilité de la requête.

Ce raisonnement est censuré par le Conseil d’Etat.

Dans un premier temps, les juges ont caractérisé l’existence d’un différend nécessitant la production d’un mémoire en réclamation suite au refus d’indemniser. Le Conseil d’Etat a rappelé son considérant de principe de la décision SMA Environnement et autres 1)CE 27 novembre 2019, req. n° 422600 « un différend entre le titulaire et l’acheteur, résult[e] d’une prise de position écrite, explicite et non équivoque émanant de ce dernier et faisant apparaître le désaccord ». D’abord précisée dans le cadre du CCAG-FCS, la notion de différend est donc étendue aux marchés de travaux.

Il s’agit donc d’un différend ayant précédé l’exécution du marché.

Cette hypothèse était déjà envisagée par Mireille le Corre dans ses conclusions sous la décision SMA Environnement et autres : « Nous ne voyons d’abord pas de raison de ne pas appliquer ses stipulations [production d’un mémoire en réclamation] lorsque le contrat n’a pas commencé à être exécuté, dès lors qu’il a été notifié ».

Dans un second temps, le Conseil d’Etat estime qu’il ne résulte pas des stipulations de l’article 46.2.1 du CCAG Travaux que le titulaire du marché est dispensé de présenter un mémoire en réclamation répondant aux conditions de l’article 50.1.1 du CCAG Travaux.

A défaut d’avoir présenté un mémoire en réclamation au pouvoir adjudicateur, la seule présentation d’une demande écrite prévue à l’article 46.2.1 ne permet pas de regarder la requête comme recevable, elle ne lie pas le contentieux.

La requête de la société Can n’était toutefois pas irrecevable puisque les juges du fond ont pu souverainement apprécier qu’elle avait adressé au maître d’œuvre une copie de sa réclamation au maître d’ouvrage, laquelle répondait aux conditions prévues par l’article 50.1.1 du CCAG Travaux.

Il ne peut donc qu’être conseillé de présenter un mémoire en réclamation dès que survient un différend, peu importe que ce différend trouve sa source dans un mécanisme prévu par une autre stipulation du CCAG Travaux.

 

 

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