La « croissance » des pouvoirs de préemption du préfet sur le territoire communal en cas de carence d’une commune en matière de logements sociaux.

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

December 2014

Temps de lecture

3 minutes

CE 28 novembre 2014 M. B, req. n° 362910 : Mentionné aux Tables du Rec. CE.

Le 28 novembre dernier, le Conseil d’Etat a confirmé qu’à compter de l’entrée en vigueur du nouvel article L. 210-1 du code de l’urbanisme (c’est à dire depuis le 29 mars 2009, v. infra), le préfet se substitue obligatoirement au maire dans l’exercice de son droit de préemption pour la réalisation de logements, dès lors que la commune en cause a fait l’objet d’un arrêté de carence pour méconnaissance des objectifs de création de logements sociaux.

En l’espèce, la commune de Nogent sur Marne faisait l’objet d’un arrêté de carence depuis le 16 septembre 2008, dans la mesure où elle n’avait pas respecté ces objectifs triennaux de création de logements sociaux sur la période 2005-2007. Par un arrêté en date du 12 mai 2009, le maire de la commune a fait usage de son droit de préemption pour l’acquisition d’un ensemble immobilier en vue de la réalisation de logements sociaux. Cette décision a été annulée par la cour administrative d’appel de Paris au motif que c’est le représentant de l’Etat qui était désormais compétent pour prendre une telle décision et non le maire 1) CAA Paris 28 juin 2012 Commune de Nogent-sur-Marne, req. n° 11PA03557.
. Cette position a été confirmée par le Conseil d’Etat.

En effet, depuis l’entrée en vigueur de la loi de mobilisation et de lutte contre l’exclusion (MOLLE) n° 2009-323 du 25 mars 2009, l’article L. 210-1 du code de l’urbanisme prévoit :

    « ( …) Pendant la durée d’application d’un arrêté préfectoral pris sur le fondement de l’article L. 302-9-1 du code de la construction et de l’habitation, le droit de préemption est exercé par le représentant de l’Etat dans le département lorsque l’aliénation porte sur un des biens ou droits énumérés aux 1° à 4° de l’article L. 213-1 du présent code, affecté au logement ou destiné à être affecté à une opération ayant fait l’objet de la convention prévue à l’article L. 302-9-1 précité (…) ».

Pourtant, la commune estimait que cette disposition ne lui était pas opposable dans la mesure où l’adoption de l’arrêté de carence était antérieure à l’entrée en vigueur de la loi MOLLE.

Le Conseil d’Etat n’a pas fait droit à cette interprétation pour deux raisons :

    – En premier lieu, le transfert de l’exercice du droit de préemption au représentant de l’Etat ne doit pas s’analyser comme une sanction mais comme une simple conséquence de l’adoption de l’arrêté de carence. Dès lors, l’application de la loi MOLLE n’est pas soumise au principe général de non rétroactivité des lois répressives plus sévères.
    – En second lieu, le Conseil d’Etat rappelle non seulement que les lois sont en principe non-rétroactives 2) Article 2 du code civil., mais précise, en outre que l’article 1 du code civil prévoit qu elles « entrent en vigueur à la date qu’ils fixent ou, à défaut, le lendemain de leur publication. Toutefois, l’entrée en vigueur de celles de leurs dispositions dont l’exécution nécessite des mesures d’application est reportée à la date d’entrée en vigueur de ces mesures ».

Ainsi, pour la Haute Juridiction, il résulte de ces principes que la loi MOLLE devait s’appliquer aux situations en cours dès le lendemain de sa publication « sous réserve des situations juridiquement constituées ». Au cas présent, on peut imaginer que si l’exercice du droit de préemption avait été exercé avant la date de publication de la loi MOLLE, le Conseil d’Etat aurait considéré être face à une situation juridiquement constituée. En revanche, il a jugé que tel n’était pas le cas de l’adoption d’un simple arrêté de carence avant l’entrée en vigueur de la loi.

En résumé, il ressort de cette décision qu’à compter du lendemain de la publication de la loi MOLLE, soit le 29 mars 2009, le préfet du département est obligatoirement compétent en matière de préemption destinée à la création de logement sociaux, dès lors que la commune a fait l’objet d’un arrêté de carence pour insuffisance de logements sociaux, et ce, quelle que soit la date d’adoption de cet arrêté.

Si l’on peut se féliciter que l’Etat puisse pallier l’inaction des communes à promouvoir la création de logements sociaux, on peut toutefois regretter que, dans le cadre de la présente décision, une application stricte de l’article L. 210-1 du code de l’urbanisme ait conduit à une annulation d’une décision de préemption, pourtant adoptée par le maire pour créer des logements sociaux supplémentaires.

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