La limitation de la déductibilité des intérêts d’emprunt pour le calcul de l’impôt sur les sociétés et les partenariats publics-privés

Catégorie

Contrats publics

Date

February 2013

Temps de lecture

3 minutes

Article 23 de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 (loi de finances pour 2013)

La nouvelle loi de finances pour 2013 adoptée le 29 décembre dernier prévoit, pour le calcul de l’impôt sur les sociétés[1], de limiter la déductibilité des charges financières nettes – lesquelles recouvrent notamment les intérêts d’emprunt – à hauteur de 85 % pour les exercices 2012 et 2013, puis à hauteur de 75 % de leur montant pour les exercices ouverts en 2014.

Lors des débats, la question s’est posée de l’application de cette limitation de déductibilité aux charges financières générées par l’exécution de certains partenariats public-privé, par lesquels le partenaire préfinance, généralement par le biais d’un emprunt, des investissements qui ont vocation à devenir propriété d’une personne publique.

Un premier amendement au projet, voté le 13 décembre, a suscité un bref espoir en faveur des opérateurs économiques liés par ce type de contrat. Présenté par le gouvernement, il tendait en effet à exclure totalement du champ d’application de cette mesure « les charges financières afférentes aux biens acquis ou construits par des concessionnaires et délégataires de services publics ainsi que par des partenaires privés de partenariats publics-privés »[2]. L’objectif ouvertement affiché dans l’exposé sommaire de cet amendement était d’éviter de faire peser la charge fiscale consécutive à cette limitation de déductibilité sur les collectivités publiques contractantes ou sur les usagers, au travers d’une augmentation des tarifs sollicitée par le partenaire.

Plus précisément, cet amendement prévoit que les charges financières afférentes aux biens acquis ou construits par le partenaire ne sont pas concernées par cette limitation de déductibilité dans le cadre des contrats suivants :

–          Les délégations de service public ;

–          Les concessions de travaux publics ;

–          Les contrats de concession de l’électricité et du gaz ;

–          Les contrats de partenariat ;

–          Les baux emphytéotiques des collectivités locales ou ceux des établissements hospitaliers.

Etrangement, cette liste ne vise pas les autorisations d’occupation domaniale constitutives de droits réels que peuvent conclure les collectivités locales en vue de en vue de la réalisation d’une opération d’intérêt général[3], ou celles que l’Etat peut conclure en vue de satisfaire les besoins de certains services de sécurité[4], alors qu’il s’agit également de montages permettant un préfinancement privé d’investissements ayant vocation à faire retour en pleine propriété au sein d’un patrimoine public.

Néanmoins, la portée de cet amendement a été considérablement restreinte par un sous-amendement, qui cantonne l’application de cette exclusion aux seuls contrats déjà conclus à la date de promulgation de la loi[5]. L’argumentation présentée en faveur de son adoption est simple : si la rétroactivité de cette mesure est susceptible de porter atteinte à l’équilibre économique des contrats en cours, il n’apparaît pas justifié « d’exclure pour l’avenir les charges financières supportées par ces cocontractants du « rabot » prévu […] ».

Les professionnels des travaux publics ont, par l’organe de leur fédération nationale (FNTP), vivement exprimé leurs craintes, annonçant une réduction drastique des investissements de ce fait[6].

Certes, les finances publiques comme les tarifs des services publics auraient pu tirer profit d’une telle exclusion de la limitation de la déductibilité des intérêts d’emprunt pour limiter le coût du financement de leurs investissements – à condition que les partenaires privés répercutent réellement cet avantage fiscal sur la solution de financement proposée. Pour autant, le plafonnement de la déductibilité des charges financières ne devrait pas empêcher la conclusion de partenariats public-privé à l’avenir, mais seulement la rendre plus couteuse, dans une mesure toutefois limitée à la récupération (partielle) de l’avantage fiscal auquel les sociétés ne peuvent désormais plus prétendre.


[1]              Pour les sociétés les plus importantes, puisque la réintégration des charges financières « ne s’applique pas lorsque le montant total des charges financières nettes de l’entreprise est inférieur à trois millions d’euros » (article 23 de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012).

[2]              Amendement n°308 présenté par le gouvernement, Exposé sommaire, Assemblée nationale, 12 décembre 2012, http://www.assemblee-nationale.fr/14/amendements/0466/308.asp.

[3]              Article L. 1311-5 du code général des collectivités territoriales.

[4]              Article L. 2122-15 du code général de la propriété des personnes publiques (dites AOT sectorielles).

[5]              Sous-amendement n°317, présenté par M. Eckert, M. Muet et les commissaires membres du groupe socialiste, républicain et citoyen, à l’amendement n° 308 du Gouvernement, Assemblée nationale, Exposé sommaire, 13 décembre 2012, http://www.assemblee-nationale.fr/14/amendements/0466/317.asp).

[6]              « L’économie des partenariats public-privé (PPP) gravement remise en cause », Fédération nationale des travaux publics, Communiqué de presse du 14 décembre 2012, http://www.fntp.fr/upload/docs/application/pdf/2012-12/cp-ppp-14-12-2012.pdf.

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