La preuve de la subrogation légale apportée par tout moyen

Catégorie

Contrats publics

Date

December 2021

Temps de lecture

4 minutes

CE 25 novembre 2021 Sociétés Vitoux et Groupama Nord Est, req. n° 442977 : mentionné dans les tables du recueil Lebon

Par sa décision sociétés Vitoux et Groupama Nord Est, le Conseil d’Etat éteint définitivement l’incendie de la basilique Sainte-Clotilde à Reims, en acceptant la subrogation légale de l’assureur et en retenant la responsabilité du groupement d’entreprises.

Dans cette affaire, la ville de Reims a attribué à un groupement d’entreprises solidaires composé de la SA Gayet, de la SARL Vitoux et de la société Astier Victor un marché de travaux d’entretien et de démolition sur le patrimoine de la ville. La société Astier Victor est intervenue sur le toit de la basilique Sainte-Clotilde de Reims afin d’y réaliser des travaux de zinguerie et lors de son intervention, nécessitant l’usage d’un chalumeau, un incendie s’est déclaré sur la toiture et s’est propagé aux dômes nord de la basilique.

La société mutuelle d’assurance des collectivités locales (ci-après : « SMACL »), assureur de la ville, a saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en vue d’obtenir la condamnation du groupement ainsi que celle des assureurs respectifs des membres de ce groupement. Elle demande à être indemnisée du préjudice subi par l’incendie en sa qualité d’assureur subrogé dans les droits de la ville de Reims. Par un jugement du 4 décembre 2018, le tribunal administratif a condamné solidairement les membres du groupement ainsi que la société Astier à les garantir intégralement. La cour administrative d’appel de Nancy a rejeté l’appel des membres du groupement dans un arrêt du 16 juin 2021 1)CAA de NANCY 16 juin 2020 sociétés Astier Victor, Vitoux, Groupama Nord Est et Gayet, req. n° 18NC03424 ; 18NC03425 ; 19NC00330 ; 19NC00338. Les sociétés Vitoux et Groupama Nord Est ont formé un pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat afin d’obtenir l’annulation de cet arrêt et le règlement au fond de l’affaire.

Tout d’abord, le Conseil d’Etat a examiné la qualité à agir de la SMACL et a ainsi rappelé les dispositions de l’article L.121-12 du code des assurances qui prévoient la subrogation de l’assuré par son assureur l’ayant indemnisé au titre du préjudice subi. Il s’agit du mécanisme de subrogation légale et la haute juridiction rappelle que ce mécanisme suppose que deux conditions soient remplies :

l’assureur doit justifier, par tout moyen, du paiement d’une indemnité à son assuré 2)CE 5 octobre 2005 Compagnie Groupama Sud et Mme X, req. n° 252317

l’assureur doit prouver que l’indemnité a été versée en exécution d’un contrat d’assurance 3)CE 22 octobre 2014 société des transports de l’agglomération de Montpelier et compagnie Albingia, req. n° 362635

En l’espèce, la cour administrative d’appel de Nancy s’était fondée sur le rapport d’expertise pour déterminer à la fois le paiement de l’indemnité à la ville de Reims et l’existence d’un contrat d’assurance liant ladite commune avec la SMACL.

Le Conseil d’Etat valide ce raisonnement : la preuve de l’existence du contrat d’assurance et du versement de l’indemnité peut être apportée par tout moyen et, donc au regard de l’ensemble des éléments du dossier.

Ensuite, la haute juridiction a examiné le fond de l’affaire en trois temps.

Premièrement, le Conseil d’Etat a rejeté l’argumentation des requérantes affirmant que la survenance de l’incendie était liée à un défaut d’entretien de la basilique Sainte-Clotilde, au motif que la présence de « branchages, fientes d’oiseaux et poussières » sur les toits de la basilique était habituelle, visible et prévisible pour la société Astier qui demeure seule responsable de la survenance du sinistre.

Dès lors, la haute juridiction considère que la cour n’a pas commis d’erreur de qualification des faits en estimant que la ville de Reims n’avait pas manqué à son obligation d’entretien normale de l’ouvrage.

Deuxièmement, le Conseil d’Etat a affirmé que les entreprises qui s’engagent, conjointement et solidairement, envers le maître d’ouvrage à réaliser une opération de construction s’obligent conjointement et solidairement à réparer les préjudices subis par le maître d’ouvrage du fait de manquements dans l’exécution de leurs obligations contractuelles. Ainsi, la circonstance que tous les membres du groupement n’aient pas réellement participé aux travaux ne permet pas de s’exonérer des préjudices subis par le maître d’ouvrage, sauf si une convention signée avec le maître d’ouvrage fixe la part qui revient à chacun dans l’exécution des travaux 4)CE 9 janvier 1976 Société M X et cie, req. n° 90350 ; 90353 ; 90355 ; 90351 ; 90352 ; 90356.

En l’espèce, l’acte d’engagement conclu entre la ville de Reims et les sociétés ne prévoyait pas de répartition des tâches entre elles. Le Conseil d’Etat a jugé que le paiement individualisé des sociétés n’avait pas pour effet de faire renoncer la ville à la clause de solidarité entre les membres du groupement et que le mémoire technique des sociétés prévoyait une répartition « purement indicative ».

Il affirme donc que la cour administrative d’appel n’avait pas non plus commis d’erreur de droit en condamnant les trois membres du groupement à indemniser solidairement la SMACL.

Troisièmement, le Conseil d’Etat a rappelé le principe selon lequel la vétusté d’un bâtiment peut réduire l’indemnité allouée au titre de la réparation des désordres lorsque la responsabilité contractuelle ou décennale des entrepreneurs est recherchée 5)CE 22 mars 1974 Société d’entreprise du sud-ouest, req. n° 84459 ; 87915. A cette fin, le juge doit rechercher si les travaux de reprise sont de nature à apporter une plus-value à l’ouvrage en prenant en compte ses caractéristiques et son usage 6)CE 30 juin 1993 Communauté urbaine de Bordeaux, req. n° 80782 ; 81845.

Le Conseil d’Etat a considéré à nouveau que la cour a suffisamment motivé son arrêt en rejetant l’application d’un coefficient de vétusté aux travaux de réfection de la basilique Sainte-Clotilde.

Le pourvoi formé par les membres du groupement est rejeté : l’incendie est maitrisé et le groupement condamné.

 

 

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