La réforme de l’autorité environnementale et de l’autorité chargée de l’examen au cas par cas enfin entérinée par un décret !

Catégorie

Droit administratif général, Environnement, Urbanisme et aménagement

Date

July 2020

Temps de lecture

6 minutes

Décret n° 2020-844 du 3 juillet 2020 relatif à l’autorité environnementale et à l’autorité chargée de l’examen au cas par cas

Afin de réaliser un aménagement durable des territoires et d’anticiper les éléments qui peuvent impacter l’environnement, les projets d’aménagements 1)Art. L. 122-1 du code de l’environnement et de planification 2)Art. L. 122-4 du code de l’environnement. selon leur importance et leur complexité peuvent être soumis à évaluation environnementale de façon systématique ou après un examen au cas par cas 3)Art. L. 122-5 et art. R. 122-17 et suivant C. env. pour les plans et programmes ; art. L. 122-1 et art. R. 122-1 et suivants du même code pour les projets.. L’évaluation environnementale et l’examen au cas par cas sont prévus et réglementés par le code de l’environnement.

Ces dispositions du code de l’environnement résultent des transpositions des directives :

  • 2011/92/UE modifiée 4) Directive 2014/52/UE du parlement européen et du conseil du 16 avril 2014 modifiant la directive 2011/92/UE concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement,
  • 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement.

La transposition de ces directives européennes en droit interne a donné lieu à des difficultés sérieuses en ce qui concerne la détermination de l’autorité environnementale 5)Pour la directive du 13 décembre 2011 cela concerne les articles 2 et 6. Pour la directive du 27 juin 2001, cela concerne les article 3 et 6.. En effet, les trois derniers décrets, modifiant l’article R. 122-6 du code de l’environnement, ont été censurés par le Conseil d’Etat pour avoir maintenu le préfet de région en qualité d’autorité environnementale sans prévoir de dispositif garantissant l’autonomie de cette autorité et l’objectivité de son avis lorsque le préfet de région est en même temps compétent pour autoriser le projet ou en assurer la maîtrise d’ouvrage 6)CE 6 décembre 2017, req. n° 400559  qui a considéré que les : «  dispositions du 1° de l’article 1er du décret attaqué ont méconnu les exigences découlant du paragraphe 1 de l’article 6 de la directive du 13 décembre 2011 qu’elles doivent donc être annulées en tant que l’article R. 122-6 du code de l’environnement qu’elles modifient conserve au préfet de région la compétence pour procéder à l’évaluation environnementale de certains projets», dans le même sens l’arrêt du Conseil d’Etat du 28 décembre 2017, req. n° 407601,  rappel que : « eu égard à l’interprétation des dispositions de l’article 6 de la directive du 27 juin 2001 donnée par la Cour de justice de l’Union européenne dans son arrêt rendu le 20 octobre 2011 dans l’affaire C- 74/10, et à la finalité identique des dispositions des deux directives relatives au rôle ” des autorités susceptibles d’être concernées par le projet, en raison de leurs responsabilités spécifiques en matière d’environnement “, il résulte clairement des dispositions de l’article 6 de la directive du 13 décembre 2011 que, si elles ne font pas obstacle à ce que l’autorité publique compétente pour autoriser un projet ou en assurer la maîtrise d’ouvrage soit en même temps chargée de la consultation en matière environnementale, elles imposent cependant que, dans une telle situation, une séparation fonctionnelle soit organisée au sein de cette autorité, de manière à ce qu’une entité administrative, interne à celle-ci, dispose d’une autonomie réelle, impliquant notamment qu’elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui sont propres, et soit ainsi en mesure de remplir la mission de consultation qui lui est confiée et de donner un avis objectif sur le projet concerné ». v. également : CE 13 mars 2019, req. n° 414930..

La nouvelle loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat a été l’occasion de régulariser ces difficultés.). Elle est parue au Journal officiel du 9 novembre 2019, après une décision du Conseil constitutionnel limitée à l’examen d’un seul de ses articles 7)CC 7 novembre 2019, déc. n° 2019-791 DC.. Elle comporte, notamment, plusieurs dispositions relatives à l’évaluation environnementale, en distinguant désormais, pour les projets, l’autorité chargée de l’examen au cas par cas et l’autorité environnementale.

Cette loi modifie ainsi le régime juridique applicable aux évaluations environnementales des projets et plans/programmes. Ainsi, pour les projets, elle prévoit notamment que l’examen au cas par cas (c’est-à-dire la décision de le soumettre ou non à évaluation environnementale) ne sera plus effectué par l’Autorité environnementale mais par une « autorité chargée de l’examen au cas par cas ». Et pour les plans et programmes soumis à évaluation environnementale, elle institue notamment un mécanisme de régularisation en cours d’instance 8)V. l’article de Philippe Proot « Ce que prévoit la loi énergie-climat » Le Moniteur, 6 décembre 2019..

Le décret n° 2020-844 du 3 juillet 2020 vient préciser ces dispositions.

Ce décret a été publié après les observations formulées lors de la consultation du public réalisée du 7 au 28 février 2020, en application de l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement.

L’Ae du Conseil Général de l’environnement et du développement durable (CGEDD)avait par ailleurs été consulté concernant le projet de décret et notamment le traitement des conflits d’intérêts, elle a rendu son avis le 5 février 2020.

Afin d’éviter les conflits d’intérêt, l’autorité chargée de l’examen au cas par cas et l’autorité environnementale sont distinguées (article 2 du décret modifiant l’article R. 122-3 du code de l’environnement) (1) et un dispositif de prévention des conflits entre ces autorités est prévu (article10 du décret créant les articles R. 122-24-1 et R. 122-24-2 du code de l’environnement) (2). Nous évoquerons également les dispositions modifiant le code de l’urbanisme (3).

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La compétence de principe du préfet de région est maintenue, sauf exception. En effet, pour les projets, or ceux qui relèvent de la compétence de l’Ae du CGEDD, c’est le ministre chargé de l’environnement qui est compétent (article 2 du décret, modifiant l’article R. 122-3 C. env.).

Il en résulte que la plupart des projets relevant d’acteurs « locaux » (collectivités territoriales et services déconcentrés) seront soumis au préfet de région alors que la compétence des deux autres autorités concerne des projets « nationaux » (services centraux de l’Etat, EP de l’Etat, SNCF Réseau notamment).

Ainsi, dans trois articles du code de l’urbanisme concernant les pièces complémentaires du dossier de demande de permis de construire (art. 431-16 a) C.U.) et les pièces complémentaires du dossier de demande de permis d’aménager (art. R. 441-5 1° et R. 443-5 1° C.U.) les mots « autorités environnementale » sont remplacées par « autorité chargée de l’examen au cas par cas » précisant ainsi l’autorité compétente.

Le décret créé également un article R. 122-3-1 au code de l’environnement qui décrit la procédure d’examen au cas par cas (article 3 du décret).

En outre, le chapitre III du décret modifie le décret n° 2015-1229 du 2 octobre 2015 relatif au conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) qui établit les missions, la composition et le fonctionnement des missions régionales d’Autorité environnementale (MRAe).

L’article 9 du décret, modifiant l’article R. 122-24 C. env., prévoit les moyens humains pour appuyer la mission régionale d’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable, et le fonctionnement de cette mission :

« Dans chaque région, la mission régionale d’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable bénéficie de l’appui technique d’agents du service régional chargé de l’environnement pour l’exercice des missions prévues au présent chapitre et au chapitre IV du titre préliminaire du livre Ier du code de l’urbanisme.

 Pour cet appui, les agents du service régional chargé de l’environnement sont placés sous l’autorité fonctionnelle du président de la mission régionale d’autorité environnementale par dérogation à l’article 2 du décret n° 2009-235 du 27 février 2009 relatif à l’organisation et aux missions des directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement, à l’article 14 du décret n° 2010-687 du 24 juin 2010 relatif à l’organisation et aux missions des services de l’Etat dans la région et les départements d’Ile-de-France et à l’article 5 du décret n° 2010-1582 du 17 décembre 2010 relatif à l’organisation et aux missions des services de l’Etat dans les départements et les régions d’outre-mer, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon ».

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Le décret du 3 juillet 2020, après avoir distingué l’autorité environnementale et l’autorité chargée de l’examen au cas par cas, définit et réglemente la procédure à mettre en œuvre en cas de conflit d’intérêt.

La notion de conflit d’intérêt est définie par le nouvel article R. 122-24-1 du code de l’environnement qui dispose que :

«  I. – L’autorité chargée de l’examen au cas par cas et l’autorité environnementale exercent leurs missions de manière objective.

  1. – Ces autorités veillent à prévenir ou à faire cesser immédiatement les situations de conflit d’intérêts.

 Constitue, notamment, un conflit d’intérêts, le fait, pour les autorités mentionnées au I, d’assurer la maîtrise d’ouvrage d’un projet, d’avoir participé directement à son élaboration, ou d’exercer la tutelle sur un service ou un établissement public assurant de telles fonctions ».

Le nouvel article R. 122-24-2 prévoit la procédure en cas de conflit d’intérêt. Ainsi, lorsque le préfet de région se considère en situation de conflit d’intérêt, il confie, sans délai, cet examen à la MRAe de la région sur laquelle le projet doit être réalisé ou, si le projet est situé sur plusieurs régions, à la formation d’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable. A l’inverse, lorsque c’est la MRAe qui se considère en situation de conflits d’intérêt et ne peut rendre son avis de ce fait, elle confie sans délai le dossier concerné à la formation d’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable.

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En outre, ce décret du 4 juillet modifie également des dispositions du code de l’urbanisme (chapitre II du décret).

Le dernier alinéa de l’article R. 104-21 du code de l’urbanisme concernant l’autorité environnementale, est remplacé par deux nouveaux alinéas qui prévoit la saisine et transmission du dossier sans délai au Conseil général de l’environnement et du développement durable, sur demande motivée du ministre chargé de l’environnement, à la place de la MRAe selon la complexité et les enjeux environnementaux.

Le décret du 3 juillet 2020 créé un nouvel article R. 423-69-3 au code de l’urbanisme, fixant à deux mois le délai à l’issu duquel les collectivités territoriales et leur groupement, sont réputés ne pas avoir d’observations lorsqu’elles sont consultés, dans le cadre d’un projet soumis à évaluation environnementale, au titre du V de l’article L. 122-1 du code de l’environnement.

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References   [ + ]

1. Art. L. 122-1 du code de l’environnement
2. Art. L. 122-4 du code de l’environnement.
3. Art. L. 122-5 et art. R. 122-17 et suivant C. env. pour les plans et programmes ; art. L. 122-1 et art. R. 122-1 et suivants du même code pour les projets.
4. Directive 2014/52/UE du parlement européen et du conseil du 16 avril 2014 modifiant la directive 2011/92/UE concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement
5. Pour la directive du 13 décembre 2011 cela concerne les articles 2 et 6. Pour la directive du 27 juin 2001, cela concerne les article 3 et 6.
6. CE 6 décembre 2017, req. n° 400559  qui a considéré que les : «  dispositions du 1° de l’article 1er du décret attaqué ont méconnu les exigences découlant du paragraphe 1 de l’article 6 de la directive du 13 décembre 2011 qu’elles doivent donc être annulées en tant que l’article R. 122-6 du code de l’environnement qu’elles modifient conserve au préfet de région la compétence pour procéder à l’évaluation environnementale de certains projets», dans le même sens l’arrêt du Conseil d’Etat du 28 décembre 2017, req. n° 407601,  rappel que : « eu égard à l’interprétation des dispositions de l’article 6 de la directive du 27 juin 2001 donnée par la Cour de justice de l’Union européenne dans son arrêt rendu le 20 octobre 2011 dans l’affaire C- 74/10, et à la finalité identique des dispositions des deux directives relatives au rôle ” des autorités susceptibles d’être concernées par le projet, en raison de leurs responsabilités spécifiques en matière d’environnement “, il résulte clairement des dispositions de l’article 6 de la directive du 13 décembre 2011 que, si elles ne font pas obstacle à ce que l’autorité publique compétente pour autoriser un projet ou en assurer la maîtrise d’ouvrage soit en même temps chargée de la consultation en matière environnementale, elles imposent cependant que, dans une telle situation, une séparation fonctionnelle soit organisée au sein de cette autorité, de manière à ce qu’une entité administrative, interne à celle-ci, dispose d’une autonomie réelle, impliquant notamment qu’elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui sont propres, et soit ainsi en mesure de remplir la mission de consultation qui lui est confiée et de donner un avis objectif sur le projet concerné ». v. également : CE 13 mars 2019, req. n° 414930.
7. CC 7 novembre 2019, déc. n° 2019-791 DC.
8. V. l’article de Philippe Proot « Ce que prévoit la loi énergie-climat » Le Moniteur, 6 décembre 2019.

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