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CE 7 juin 2024 Communauté de communes des Pays du Sel et du Vermois, req. n° 472662
Par une décision du 7 juin 2024, le Conseil d’Etat clarifie les règles de prescription applicables à la responsabilité décennale des constructeurs.
La communauté de communes des Pays du Sel et du Vermois a passé plusieurs marchés publics de travaux pour la construction de son centre nautique intercommunal. Des désordres sont apparus postérieurement à la réception et à la levée des réserves.
La communauté de communes a donc demandé la désignation d’un expert en référé, obtenue par une ordonnance du 2 janvier 2008 et notifiée à certains des constructeurs seulement. Les opérations d’expertise ont ensuite été étendues à plusieurs autres constructeurs, mais pas à tous et l’expert a finalement déposé son rapport final le 22 juillet 2013.
La communauté de communes a demandé la condamnation solidaire de plusieurs entreprises à l’indemniser des dommages subis du fait des désordres affectant le centre nautique par une requête au fond du 17 mars 2016. Le juge du fond a rejeté au motif que l’action en garantie décennale contre certains des constructeurs était prescrite.
Le Conseil d’Etat commence par rappeler les dispositions du code civil relatives à la prescription en matière civile dans leur version applicable à l’action en référé-expertise 1)Article 2244 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008 de la communauté de communes dont il ressort qu’une citation en justice, au fond ou en référé, n’interrompt le délai de prescription que pour les désordres qui y sont expressément visés (i) et à la double condition d’émaner de celui qui a qualité pour exercer le droit menacé par la prescription et de viser celui-là même qui en bénéficierait (ii).
Partant, il confirme tout d’abord que la circonstance que les demandes d’extension des opérations d’expertise à certains des constructeurs n’aient pas été présentées par la communauté de communes n’ont pas pu avoir pour effet d’interrompre le délai de prescription de la garantie décennale.
Cela exclut également l’indemnisation des postes non mentionnés et auxquels il n’a pas été fait référence, même de manière indirecte dans la demande d’extension d’expertise présentée par la communauté de communes.
Ensuite, le Conseil d’Etat se fonde sur les articles 2241, 2242 et 2243 du code civil qui prévoient respectivement l’effet interruptif de prescription et de forclusion de la demande en justice (i), la correspondance entre la durée de l’interruption et celle de l’instance (ii) et l’absence d’effet interruptif en cas de rejet définitif de la demande (iii).
S’alignant sur la jurisprudence de la Cour de cassation 2)Cass. Com 26 juin 2019 mme T, req. n° 18-16.859 : au Bull. Civ., il précise l’articulation de ces dispositions en contentieux administratif : un requérant ne peut plus se prévaloir de l’effet interruptif attaché à sa demande lorsque celle-ci est définitivement rejetée, quel que soit le motif de ce rejet, sauf si celui-ci résulte de l’incompétence de la juridiction saisie.
Or, en l’espèce, la requête au fond de la communauté de communes était irrecevable et son pourvoi en cassation n’a pas été admis. Elle a donc été définitivement rejetée, empêchant la communauté de communes de se prévaloir de l’interruption de la prescription de la garantie décennale résultant de l’introduction de sa requête. Son pourvoi en donc rejeté.
Même si les dispositions du code civil relatives à l’effet interruptif de prescription de la citation en justice ont évolué par rapport à la version applicable aux faits de l’espèce, il est donc recommandé aux maîtres d’ouvrage de veiller au maximum à viser expressément les désordres ou à tout le moins à les mentionner pour continuer à bénéficier de l’effet interruptif de prescription résultant de l’introduction d’une action contentieuse (fond ou référé).
References
1. | ↑ | Article 2244 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008 |
2. | ↑ | Cass. Com 26 juin 2019 mme T, req. n° 18-16.859 : au Bull. Civ. |