L’absence de contestation de la déclaration d’achèvement et de conformité des travaux n’a pas d’effet sur la caractérisation de l’infraction pénale de réalisation d’une construction en méconnaissance du permis de construire délivré

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

December 2019

Temps de lecture

3 minutes

Cass. crim. 3 décembre 2019 (18-86.032)

La Chambre Criminelle de la Cour de cassation a récemment rendu un arrêt dans lequel elle réaffirme clairement le caractère protéiforme de la notion d’achèvement des travaux, en s’écartant de la dernière position retenue par le juge administratif.

Le 11 juin 2013, M. X a obtenu un permis de construire une maison comprenant deux logements. Un an et demi plus tard, le 10 décembre 2014, les services de l’urbanisme de la commune d’implantation du projet ont incidemment constaté que la construction qui avait été réalisée par M. X comportait en réalité trois logements. En effet, c’est à  l’occasion d’un projet de vente de biens et droits immobiliers, que les services de la commune ont  été destinataires d’un courrier émanant d’un notaire comprenant un plan de division identifiant ces trois logements. Une enquête s’en est suivie et a révélé l’existence de divers éléments qui ont servi de fondement à l’engagement des poursuites pénales contre M. X pour l’infraction de construction en méconnaissance du permis de construire délivré et d’exécution de travaux en violation des règles du plan local d’urbanisme.

S’agissant de la première infraction (seule ici analysée), lM. Xa notamment fait valoir la violation, par la Cour d’appel de Grenoble ayant conclu à la caractérisation de l’infraction, des articles L. 462-1, R. 462-6 et R. 462-10 du code de l’urbanisme qui régissent l’achèvement des travaux de construction.

Ces articles prévoient que l’autorité compétente, ici le maire au nom de la commune, dispose en principe de trois mois à compter de la date de réception en mairie de la déclaration attestant de l’achèvement et de la conformité des travaux au permis délivré pour contester la conformité de ces derniers. Passé ce délai, le bénéficiaire du permis peut demander la délivrance d’une attestation certifiant que la conformité des travaux avec le permis n’a pas été contestée. La réception de cette déclaration emporte présomption d’achèvement des travaux pour le juge administratif (Cf.  R. 600-3 du code de l’urbanisme et CE 6 décembre 2013 Mme Gouaty, req. n° 358843 : Mentionnée aux Tables : BJDU n° 1/14, p. 59 Concl. Suzanne Von Coester, rapporteur public dans cette affaire).

Dès lors, sur ces bases, M. X a soutenu devant la Chambre criminelle qu’ en retenant que les travaux qu’il avait accomplis « affectaient une construction nouvelle qui n’avait pas encore été achevée conformément au permis de construire obtenu », la cour d’appel aurait fait une mauvaise application de ces dispositions. Il se prévaut en effet de l’absence de contestation de la conformité de la construction qu’il a réalisée, dans le délai qui était imparti à la commune. Il s’appuie sur la récente décision rendue par le Conseil d’Etat, selon laquelle si l’autorité compétente n’a pas contesté la conformité de travaux au permis construire dans le temps réglementaire, elle ne peut exiger du propriétaire, qui souhaite faire de nouveaux travaux sur cette construction, qu’il présente une demande de permis portant sur la construction existante au motif que celle-ci ne aurait été édifiée sans avoir respecté le permis de construire précédemment obtenu (CE 26 novembre 2018 M. C., req. n°411991 : mentionné aux T. du Rec. CE). Selon lui, faute de contestation par l’autorité compétente de la conformité des travaux effectués dans le délai imparti, la cour ne pouvait valablement retenir qu’ils affectaient une construction nouvelle qui n’avait pas encore été achevée conformément au permis de construire obtenu, ladite construction ne pouvant plus faire l’objet du permis de construire modificatif.

La Cour de cassation écarte cette argumentation en soulignant que le dépôt de la déclaration attestant l’achèvement et la conformité des travaux, tout comme l’attestation de non contestation de la conformité des travaux passé le délai réglementaire de 3 mois (en principe)  ne sauraient avoir d’effet sur l’action publique . Elle juge qu’ils « ne pouvaient conduire le juge à considérer que l’autorisation donnée avait épuisé ses effets et que la construction d’un troisième logement non prévu au permis de construire était constitutif de travaux nouveaux sur existant ».

Le juge judiciaire a dégagé sa propre conception de la notion d’achèvement de travaux. L’immeuble est regardé comme étant « achevé à partir du moment où les travaux de construction ont été complètement exécutés sur tous les points du permis de construire » (Cass. 3e civ., 11 mai 2000, no 98.18.385. : Bull. civ., III, no 107 ; RDI 2000, obs. Morand-Deviller J., p. 329 et obs. Bergel J.-L., p. 528). Ainsi, la Cour de cassation réaffirme la singularité de la conception de la notion d’achèvement par le juge judiciaire.

 

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