L’absence de procédure permettant de suspendre l’exécution provisoire d’une mesure de restitution en matière d’urbanisme, même en cas d’appel, est-elle conforme à la Constitution ?

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

July 2024

Temps de lecture

3 minutes

Décision n° 2024-1099 QPC du 10 juillet 2024

Saisi le 23 mai 2024 par la Cour de cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) sur le fondement de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 480-7 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi ALUR.

Pour rappel, en application du premier alinéa de l’article L. 480-7 du code de l’urbanisme, le tribunal impartit au bénéficiaire de travaux irréguliers ou de l’utilisation irrégulière du sol un délai pour l’exécution de l’ordre de démolition, de mise en conformité ou de réaffectation qui lui a été adressé. Il peut assortir son injonction d’une astreinte de 500 € au plus par jour de retard. Aux termes de la seconde phrase de ce premier alinéa, l’exécution provisoire de l’injonction peut être ordonnée par le tribunal.

Selon les requérants, le fait, pour le tribunal, de pouvoir ordonner l’exécution provisoire de l’ordre de démolition, de mise en conformité ou de réaffectation méconnaitrait le droit à un recours juridictionnel effectif, le droit de propriété, le droit au respect de la vie privée, le principe d’inviolabilité du domicile et le droit de mener une vie familiale normale et ce, pour deux raisons :

  • Le fait de ne prévoir aucun recours permettant d’obtenir la suspension de l’exécution provisoire d’une mesure de démolition prononcée par le juge pénal, y compris en cas d’appel, priverait les requérants de la possibilité de contester utilement un ordre de démolition dont les effets peuvent être irrémédiables alors même que la cour d’appel n’est pas tenue d’examiner le recours en appel à bref délai ;
  • Une procédure similaire à celle de l’article 515-1 du code de procédure pénale qui offre la possibilité, en cause d’appel, au premier président statuant en référé, de suspendre l’exécution provisoire assortissant le versement, en tout ou partie, des dommages et intérêts alloués par le juge pénal statuant sur l’action civile lorsqu’elle risque d’entrainer des conséquences manifestement excessives, devrait être prévue en matière d’exécution provisoire d’un ordre de démolition, de mise en conformité ou de réaffectation.

Le Conseil constitutionnel n’a pas suivi les requérants. Il relève, en premier lieu, que la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 480-7 du code de l’urbanisme ne méconnait pas le droit à un recours juridictionnel effectif  :en effet, l’exécution provisoire d’une mesure de restitution « ne peut être ordonnée par le juge pénal qu’à la suite d’un débat contradictoire au cours duquel la personne prévenue peut présenter ses moyens de défense et faire valoir sa situation » et il est de jurisprudence constante de la Cour de cassation que le juge est tenu d’apprécier le caractère proportionné de l’atteinte qu’une mesure de restitution est susceptible de porter au droit au respect de la vie privée et familiale de la personne prévenue, lorsqu’une telle garantie est invoquée.

Le Conseil constitutionnel considère, en second lieu, que la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 480-7 du code de l’urbanisme ne porte pas davantage atteinte, de manière disproportionnée, aux conditions d’exercice du droit de propriété des personnes privées et ce, dès lors que ce dernier peut être limité notamment par des exigences constitutionnelles et qu’en l’espèce, les dispositions contestées visent à assurer l’efficacité des mesures de restitution ordonnées par le juge pénal en cas de condamnation pour violation des règles prévues par le code de l’urbanisme et poursuivent donc l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public.

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel relève qu’il revient au juge d’apprécier si le prononcé de l’exécution provisoire de la mesure de restitution est nécessaire au regard des circonstances de l’espèce.

Enfin, il considère que les dispositions contestées ne méconnaissent pas non plus le droit au respect de la vie privée, le principe de l’inviolabilité du domicile et le droit de mener une vie familiale normale, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit. Il en conclut que la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 480-7 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction résultant de la loi ALUR, est conforme à la Constitution.

 

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