Le caractère définitif du décompte est opposable au maître d’ouvrage qui avait connaissance d’un litige au moment de son établissement et qui n’a formulé aucune réserve à son sujet

Catégorie

Contrats publics

Date

February 2020

Temps de lecture

3 minutes

CE 27 janvier 2020 Société Alm Allain, req. n° 425168 : mentionné aux tables du Rec. CE.

Dans un arrêt du 27 janvier 2020, le Conseil d’Etat a affiné son considérant de principe consacré aux conséquences du caractère définitif du décompte général sur la recherche de la responsabilité contractuelle des constructeurs, dans la continuité des arrêts « INRSTEA » 1)CE 19 novembre 2018 INRSTEA, req. n° 408203 : mentionné aux tables du Rec. CE., « ICADE Promotion » 2)CE 6 mai 2019 Société Icade promotion, req. n° 420765 et « Société Valerian et SOCAFL » 3)CE 13 novembre 2019 Société Valerian et SOCAFL, req. n° 422924 .

L’arrêt « INRSTEA » a consacré très (trop ?) fermement le caractère définitif du décompte général d’un marché en estimant qu’il faisait obstacle à ce que le maître de l’ouvrage recherche la responsabilité contractuelle du constructeur, même lorsque son préjudice résultait de désordres apparus postérieurement à l’établissement du décompte : seules lui étaient alors ouvertes la voie de la garantie de parfait achèvement (qui présente pourtant une nature contractuelle) et celle de la garantie décennale.

Les arrêts « ICADE Promotion » et « Société Valerian et SOCAFL » ont tempéré cette position en admettant que le caractère définitif du décompte ne fait pas obstacle à ce que le maître d’ouvrage puisse rechercher la responsabilité contractuelle du titulaire, s’il n’avait pas connaissance du litige au moment de l’établissement du décompte :

« L’ensemble des opérations auxquelles donne lieu l’exécution d’un marché public est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de l’établissement du décompte général et définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties. Toutes les conséquences financières de l’exécution du marché sont retracées dans ce décompte même lorsqu’elles ne correspondent pas aux prévisions initiales. Toutefois, la circonstance que le décompte général d’un marché public soit devenu définitif ne fait pas, par elle-même, obstacle à la recevabilité de conclusions d’appel en garantie du maître d’ouvrage contre le titulaire du marché, sauf s’il est établi que le maître d’ouvrage avait eu connaissance de l’existence du litige avant qu’il n’établisse le décompte général du marché et qu’il n’a pas assorti le décompte d’une réserve, même non chiffrée, concernant ce litige4)Voir notre commentaire sur le blog AdDen.

Dans cette espèce, le groupement ALM ALLAIN, évincé de l’attribution d’un lot d’un marché de travaux avait contesté cette exclusion devant le juge administratif en sollicitant du maître d’ouvrage l’indemnisation chiffrée à hauteur de 281 144 euros HT en réparation de sa perte de chance d’obtenir le contrat, consécutive à son exclusion qu’il estimait irrégulière.

Le maître d’ouvrage a alors appelé en garantie son maître d’œuvre, qui est chargé, au titre de son marché de maîtrise d’œuvre, de la mission ACT, c’est-à-dire de la passation des marchés de travaux, et notamment de l’organisation de la consultation des marchés de travaux et de l’analyse des offres 5)R. 2431-13 CCP : « L’assistance apportée au maître d’ouvrage pour la passation des marchés publics de travaux sur la base des études qu’il a approuvées a pour objet : 1° De préparer la consultation des opérateurs économiques chargés des travaux, en fonction du mode de passation des marchés publics ; 2° De préparer la sélection des candidatures et de les examiner ; 3° D’analyser les offres et, le cas échéant, les variantes ; 4° De préparer les mises au point permettant la conclusion des marchés publics par le maître d’ouvrage. ».

Toutefois, au moment où le maître d’ouvrage a établi le décompte du marché de maîtrise d’œuvre, il avait connaissance du litige engagé par le groupement ALM ALLAIN et n’a assorti le décompte de son maître d’œuvre d’aucune réserve à ce sujet, même non chiffrée.

Dans ces conditions le Conseil d’Etat estime que la cour a commis une erreur de droit en considérant recevable l’appel en garantie du maître d’ouvrage envers son maître d’œuvre.

Il appartient donc au maître de l’ouvrage de s’assurer de manière vigilante des litiges déjà ouverts dont ses services ont connaissance au moment de l’établissement du décompte du marché du titulaire susceptible d’être appelé en garantie, pour formuler toutes réserves lui ouvrant le droit de rechercher sa responsabilité contractuelle.

 

 

 

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References   [ + ]

1. CE 19 novembre 2018 INRSTEA, req. n° 408203 : mentionné aux tables du Rec. CE.
2. CE 6 mai 2019 Société Icade promotion, req. n° 420765
3. CE 13 novembre 2019 Société Valerian et SOCAFL, req. n° 422924
4. Voir notre commentaire sur le blog AdDen.
5. R. 2431-13 CCP : « L’assistance apportée au maître d’ouvrage pour la passation des marchés publics de travaux sur la base des études qu’il a approuvées a pour objet : 1° De préparer la consultation des opérateurs économiques chargés des travaux, en fonction du mode de passation des marchés publics ; 2° De préparer la sélection des candidatures et de les examiner ; 3° D’analyser les offres et, le cas échéant, les variantes ; 4° De préparer les mises au point permettant la conclusion des marchés publics par le maître d’ouvrage. »

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