Le caractère « nécessaire » d’un bien de retour et les évolutions technologiques

Catégorie

Contrats publics

Date

March 2016

Temps de lecture

3 minutes

CE 26 février 2016 Syndicat mixte de chauffage urbain de la Défense, req n° 384424

Par une convention conclue le 22 février 1968, le syndicat mixte de chauffage urbain de la Défense (SICUDEF) a confié à la société de climatisation interurbaine de la Défense (CLIMADEF) la production et la distribution de chaud et de froid dans le quartier de la Défense. En 1994, une explosion accidentelle a détruit une partie des installations de chaufferie et de cogénération. Le contrat a continué d’être exécuté sans toutefois que ces installations ne soient intégralement reconstruites, les progrès technologiques et industriels ayant permis de fournir le même service avec une puissance produite plus basse.

A l’occasion du règlement de la concession, le SICUDEF a saisi la juridiction administrative d’une demande tendant notamment à l’indemnisation à hauteur de 2 270 000 euros HT de la valeur des biens de retour constitués par ces biens détruits.

La cour administrative d’appel de Paris a rejeté les demandes indemnitaires du SICUDEF pour les considérations suivantes :

    ► d’une part, elle a estimé que les installations de cogénération intéressaient une activité accessoire du service public concédé de la chaleur et du froid urbains, et si elles étaient utiles au service, elles ne lui étaient cependant pas nécessaires et ne pouvaient donc pas être comprises comme des biens de retour ;

    ► d’autre part, elle a considéré que les installations de chaufferie n’étaient plus nécessaires au service public en raison « des progrès en économie d’énergie réalisés depuis le démarrage de la concession », ce qui empêchait également de les qualifier de biens de retour.

Le SICUDEF a interjeté un pourvoi à l’encontre de cette décision.

Le Conseil d’Etat rappelle d’abord sa jurisprudence « commune de Douai » ayant fixé le statut et le régime des biens de retour : dans les contrats de délégation de service public ou les concessions de travaux, les biens meubles et immeubles réalisés ou acquis par le cocontractant et nécessaires au fonctionnement du service public appartiennent dès leur réalisation ou leur acquisition à la personne publique 1) CE ass. 21 décembre 2012 Commune de Douai, req. n° 342788 : Publié au Rec. CE .

Si la Haute juridiction confirme l’analyse de la cour administrative d’appel sur les installations de cogénération (biens utiles mais non nécessaires), elle la désavoue sur l’analyse du statut des installations de chaufferie, en estimant que dès lors qu’un bien a été nécessaire au fonctionnement du service concédé à un moment quelconque de l’exécution de la convention, il est un bien de retour devant réintégrer le patrimoine de la personne publique à l’expiration de la concession, alors même qu’il ne serait plus nécessaire au service public concédé à ce moment-là.

Ainsi, la qualification de « bien de retour » ne se perd pas : tout bien nécessaire au service public a intégré en conséquence le patrimoine de la personne publique dès sa réalisation ou son acquisition. La circonstance que ce bien perde son caractère nécessaire au service public par la suite n’affecte pas les droits constitués par la personne publique sur ce bien.

Cette solution est justifiée par l’équilibre économique du contrat : le bien qui est ou qui a été nécessaire à l’exécution du service public est financé pour l’essentiel par les usagers du service. Ainsi, selon Gilles Pellissier, rapporteur public ayant conclu sur cette décision : « il est donc normal qu’il revienne à la personne publique […] alors que si le concessionnaire pouvait le conserver lorsqu’il n’apparaît plus nécessaire à la poursuite de l’exécution du service, il bénéficierait d’un bien financé par le public, ce qui représenterait pour lui un enrichissement non prévu ».

Si leur qualification de bien de retour ne peut pas être remise en question, l’indemnisation de telles installations ne semble cependant pas assurée : pour statuer définitivement sur la demande indemnitaire présentée par le SICUDEF, le Conseil d’Etat énonce qu’il appartient au juge d’appel de rechercher si ce concédant avait entendu, au titre de ses prérogatives et pouvoirs dans l’exécution de la concession, renoncer à la reconstitution de ces biens et accepter une diminution de la puissance thermique prévue à l’origine.

L’affaire a été renvoyée devant la cour administrative d’appel de Paris pour statuer sur ce point.

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1. CE ass. 21 décembre 2012 Commune de Douai, req. n° 342788 : Publié au Rec. CE

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