Le Conseil d’Etat clarifie la définition de l’enseigne : elle peut être scellée ou installée sur le sol du terrain d’assiette sans considération de proximité avec le bâtiment où s’exerce l’activité

Catégorie

Environnement, Urbanisme et aménagement

Date

March 2020

Temps de lecture

6 minutes

CE 28 février 2020 SARL Espace Rénovation, req. n° 419302, mentionné aux tables du recueil Lebon

A Tallard, dans les Hautes Alpes, la SARL Espace Renovation a apposé, sur le parking de son local commercial, bordé par une route nationale, des drapeaux fixés sur des mâts implantés au sol afin de signaler l’activité qu’elle exerce.

En se fondant sur l’article L. 581-3  1)L. 581-3 C. Envi. : « Au sens du présent chapitre : 1° Constitue une publicité, à l’exclusion des enseignes et des préenseignes, toute inscription, forme ou image, destinée à informer le public ou à attirer son attention, les dispositifs dont le principal objet est de recevoir lesdites inscriptions, formes ou images étant assimilées à des publicités ; 2° Constitue une enseigne toute inscription, forme ou image apposée sur un immeuble et relative à une activité qui s’y exerce ; 3° Constitue une préenseigne toute inscription, forme ou image indiquant la proximité d’un immeuble où s’exerce une activité déterminée ». du code de l’environnement le préfet des Hautes-Alpes a pris deux arrêtés de mise en demeure de se conformer au troisième alinéa de l’article R. 581-64 du code précité, à l’encontre de la SARL Espace Renovation, le 30 mai 2013 et le 28 juillet 2014 sous astreinte de 202,11 euros et 203,22 euros par jour de retard.

Après des rejets de ces recours gracieux, la SARL a saisi le tribunal administratif de Marseille afin de demander l’annulation de ces arrêtés. Le tribunal administratif de Marseille 2) Dans un jugement du 25 février 2016 (req. n°s 1305630 et 1500111). a annulé les arrêtés du préfet des Hautes Alpes, considérant que les dispositifs apposés ne pouvaient recevoir la qualification d’enseigne et donc que les dispositions de l’article R. 581-64 3)R. 581-64 C. Envi. : « Les enseignes de plus de 1 mètre carré, scellées au sol ou installées directement sur le sol, ne peuvent être placées à moins de 10 mètres d’une baie d’un immeuble situé sur un fonds voisin lorsqu’elles se trouvent en avant du plan du mur contenant cette baie. / Ces enseignes ne doivent pas être implantées à une distance inférieure à la moitié de leur hauteur au-dessus du niveau du sol d’une limite séparative de propriété. Elles peuvent cependant être accolées dos à dos si elles signalent des activités s’exerçant sur deux fonds voisins et si elles sont de mêmes dimensions. / Les enseignes de plus de 1 mètre carré scellées au sol ou installées directement sur le sol sont limitées en nombre à un dispositif placé le long de chacune des voies ouvertes à la circulation publique bordant l’immeuble où est exercée l’activité signalée ». du code de l’environnement ne trouvaient pas à s’appliquer.

Suite à l’appel de la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, la Cour administrative d’appel de Marseille 4)CAA Marseille 26 janvier 2018, req. n° 16MA01608., a précisé que :

« (…) constitue une enseigne au sol au sens et pour l’application de l’article R. 581-64 du code de l’environnement toute inscription, forme ou image installée ou scellée directement sur le sol à proximité immédiate de l’entrée de l’immeuble où s’exerce l’activité signalée, tandis que doit être regardée comme une publicité toute inscription, forme ou image qui, se dissociant matériellement du lieu où s’exerce l’activité, est destinée à informer le public ou à attirer son attention sur cet exercice ;
5. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier et notamment des photographies annexées aux procès-verbaux de constat d’infraction du 27 mai 2013 et du 5 août 2014 que les dispositifs litigieux, constitués de drapeaux fixés sur des mats implantés au sol, ne sont pas installés à proximité immédiate de l’entrée des locaux commerciaux de la SARL Espace Rénovation en vue de signaler l’activité qui s’y exerce, mais en périphérie d’un terrain servant de parc de stationnement situé entre les locaux où s’exerce l’activité et la route nationale 85 Gap/Sisteron ; qu’il résulte de qui a été dit au point 4, que les dispositifs en cause constituent des publicités et non des enseignes au sol au sens de l’article R. 581-64 du code de l’environnement
; (…) ».

Le raisonnement de la CAA s’appuie sur celui retenu dans un arrêt du Conseil d’Etat du 4 mars 2013, Société Pharmacie Matignon 5)CE 4 mars 2013 société Pharmacie Matignon, req. n° 353423, v. également : « nouvelle définition du Conseil d’Etat l’enseigne est le dispositif qui est situé sur la façade ou la devanture où s’exerce l’activité », adden-leblog., dans le cadre duquel la haute juridiction avait déjà éclairci la définition d’enseigne posée par le code de l’environnement en précisant que

«  (…) ne peut recevoir la qualification d’enseigne que l’inscription, forme ou image apposée sur la façade ou devanture du lieu même où s’exerce l’activité, tandis que doit être regardée comme une préenseigne toute inscription, forme ou image qui, se dissociant matériellement du lieu de l’activité, indique sa proximité à l’attention du public ; (…) la cour n’a pas commis d’erreur de droit en estimant que les croix en cause constituaient des préenseignes et non des enseignes, dès lors que, pour l’application de l’article L. 581-3 du code de l’environnement, l’immeuble mentionné au 2° sur lequel est apposée une enseigne désigne la façade ou devanture où s’exerce l’activité, et non l’ensemble de bâtiments, délimité par une ou plusieurs voies publiques, dans lequel est installé l’établissement ; que la mention de l’arrêt selon laquelle l’officine de pharmacie était située au 2, avenue Matignon constitue une erreur de plume sans incidence sur le raisonnement suivi par la cour (…) ».

Selon cet arrêt, il est conclu qu’un dispositif relatif à une activité implanté à distance de la façade ou de la devanture du commerce doit être qualifié de préenseigne et non d’enseigne car elle se dissocie matériellement du lieu d’activité signalé.

Dès lors, la CAA a rejeté l’appel de la ministre qui s’est donc pourvue en cassation.

Dans l’arrêt commenté du 28 février 2020, le Conseil d’Etat a toutefois censuré le raisonnement de la CAA pour erreur de droit en retenant que :

« (…) doit être qualifiée d’enseigne, l’inscription, forme ou image installée sur un terrain ou un bâtiment où s’exerce l’activité signalée. S’agissant d’un dispositif scellé au sol ou installé sur le sol, sa distance par rapport à l’entrée du local où s’exerce l’activité est sans incidence sur la qualification d’enseigne, dès lors que ce dispositif est situé sur le terrain même où s’exerce cette activité et est relatif à cette dernière. Par suite, en estimant que les dispositifs signalant l’activité de la SARL Espace Rénovation implantés sur le terrain du local commercial ne pouvaient être qualifiés d’enseignes, au motif qu’ils n’étaient pas installés à proximité immédiate de l’entrée de ce local mais en périphérie de ce terrain, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit (…) ».

Par conséquent, pour ce qui est des enseignes scellées ou installées au sol, il n’y a pas lieu de prendre en compte un critère de proximité géographique avec l’entrée du bâtiment où s’exerce l’activité 6)La seule localisation sur le terrain d’assiette de l’activité suffit. Cela reprend les solutions assez anciennes de juges du fond qui considéraient que de tels dispositifs pouvaient bien être qualifiés d’enseignes : TA Toulouse 20 décembre 2001 société Blafind c. commune de Blagnac, req. n° 98423 et TA Versailles 12 avril 199 société Sayag Electronic c. commune de Maison Laffitte, req. n° 904099 et 904100..

Les conclusions du rapporteur public Guillaume Odinet rendue sous l’arrêt du Conseil d’Etat sont éclairantes sur les motifs qui ont poussé la Haute juridiction à « revenir » sur sa position stricte posée dans l’arrêt Société Pharmacie Matignon précitée :

«  Vous l’aurez compris, la différence entre les trois notions se fait essentiellement sur la base d’un critère d’emplacement : l’enseigne est apposée sur l’immeuble où s’exerce l’activité à  laquelle elle se réfère, quand la préenseigne est située à proximité de cet immeuble. La publicité, quant à elle, est définie par défaut, elle n’est donc située ni sur l’immeuble, ni à proximité de l’immeuble. Enfin, la notion d’immeuble utilisée par ces définitions est celle du code civil – les travaux préparatoires à l’adoption de la loi de 1979 sont très clairs sur ce point.

Comment appliquer ces dispositions lorsque l’immeuble où s’exerce l’activité est inclus dans un ensemble de bâtiments formant un îlot urbain ? C’est à cette question qu’a entendu répondre votre décision Société Pharmacie Matignon (4 mars 2013, n° 353423, T. pp. 428-808) ; vous avez jugé, à propos de croix vertes implantées sur trois façades d’un pâté de maisons, que, dans une telle hypothèse, ne peut recevoir la qualification d’enseigne que l’inscription, forme ou image apposée sur la façade ou devanture du lieu même où s’exerce l’activité, tandis que doit être considérée comme une préenseigne toute inscription, forme ou  image qui, se dissociant matériellement du lieu de l’activité, indique sa proximité à l’attention  du public. En d’autres termes, vous avez précisé que, lorsque l’immeuble où s’exerce l’activité est inclus dans un ensemble d’autres immeubles, les inscriptions, formes ou images qui sont apposées sur cet ensemble d’immeubles ne sont pas, de ce seuls fait, des enseignes ; elles ne le sont que si elles sont apposées sur la façade ou devanture du lieu d’exercice de l’activité (c’est-à-dire sur l’immeuble où l’activité s’exerce effectivement).  

Cette solution, qui répond à une difficulté de délimitation de l’immeuble d’exercice de l’activité dans l’hypothèse d’un pâté de maisons, ne trouve cependant à s’appliquer que dans cette hypothèse ; elle ne remet pas en cause la définition générale de l’enseigne mais précise  la façon dont elle doit s’appliquer lorsqu’une activité n’est exercée que dans une partie d’un ensemble d’immeubles.

[…]

En réalité, en s’efforçant de transposer votre précédent inapplicable Pharmacie Matignon, la cour s’est éloignée de la lettre claire de la loi, qui aurait dû la conduire à constater que les dispositifs en cause étaient bien installés sur l’immeuble d’exercice de l’activité, puisqu’ils  étaient implantés sur un terrain où seule s’exerce cette activité. Car, nous vous l’avons dit, le législateur, en employant le mot immeuble, a entendu se référer à la notion civile, qui embrasse autant les bâtiments construits que les terrains eux-mêmes (v. art. 518 du code  civil).

La cour, en somme, a substitué à la notion d’immeuble celle de local d’exercice de l’activité.  Ce faisant, elle a méconnu l’article L. 581-3 du code de l’environnement ».

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1. L. 581-3 C. Envi. : « Au sens du présent chapitre : 1° Constitue une publicité, à l’exclusion des enseignes et des préenseignes, toute inscription, forme ou image, destinée à informer le public ou à attirer son attention, les dispositifs dont le principal objet est de recevoir lesdites inscriptions, formes ou images étant assimilées à des publicités ; 2° Constitue une enseigne toute inscription, forme ou image apposée sur un immeuble et relative à une activité qui s’y exerce ; 3° Constitue une préenseigne toute inscription, forme ou image indiquant la proximité d’un immeuble où s’exerce une activité déterminée ».
2. Dans un jugement du 25 février 2016 (req. n°s 1305630 et 1500111).
3. R. 581-64 C. Envi. : « Les enseignes de plus de 1 mètre carré, scellées au sol ou installées directement sur le sol, ne peuvent être placées à moins de 10 mètres d’une baie d’un immeuble situé sur un fonds voisin lorsqu’elles se trouvent en avant du plan du mur contenant cette baie. / Ces enseignes ne doivent pas être implantées à une distance inférieure à la moitié de leur hauteur au-dessus du niveau du sol d’une limite séparative de propriété. Elles peuvent cependant être accolées dos à dos si elles signalent des activités s’exerçant sur deux fonds voisins et si elles sont de mêmes dimensions. / Les enseignes de plus de 1 mètre carré scellées au sol ou installées directement sur le sol sont limitées en nombre à un dispositif placé le long de chacune des voies ouvertes à la circulation publique bordant l’immeuble où est exercée l’activité signalée ».
4. CAA Marseille 26 janvier 2018, req. n° 16MA01608.
5. CE 4 mars 2013 société Pharmacie Matignon, req. n° 353423, v. également : « nouvelle définition du Conseil d’Etat l’enseigne est le dispositif qui est situé sur la façade ou la devanture où s’exerce l’activité », adden-leblog.
6. La seule localisation sur le terrain d’assiette de l’activité suffit. Cela reprend les solutions assez anciennes de juges du fond qui considéraient que de tels dispositifs pouvaient bien être qualifiés d’enseignes : TA Toulouse 20 décembre 2001 société Blafind c. commune de Blagnac, req. n° 98423 et TA Versailles 12 avril 199 société Sayag Electronic c. commune de Maison Laffitte, req. n° 904099 et 904100.

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