Le Conseil d’Etat juge de première instance dans le contentieux des permis de construire modificatifs de régularisation sur le fondement de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme et dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

October 2022

Temps de lecture

4 minutes

CE 10 octobre 2022 M. et Mme C…, req. n° 452955, publié au Recueil Lebon

Par une récente décision, publiée au Recueil, le Conseil d’Etat s’érige, en application des dispositions de l’article L. 600-5-2 du code de l’urbanisme et dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, juge de premier et dernier ressort pour apprécier la légalité d’un permis de construire modificatif de régularisation après cassation d’un jugement prononçant l’annulation partielle du permis de construire initial.

Pour rappel, lorsqu’un permis de construire a été délivré en méconnaissance de dispositions législatives ou réglementaires relatives à l’utilisation du sol, l’illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d’un permis modificatif.

Dans l’hypothèse où cette régularisation intervient au cours d’une instance portant sur un recours dirigé contre le permis initial irrégulier, l’article L. 600-5-2 du code de l’urbanisme 1)Article L. 600-5-2 du code de l’urbanisme : « Lorsqu’un permis modificatif, une décision modificative ou une mesure de régularisation intervient au cours d’une instance portant sur un recours dirigé contre le permis de construire, de démolir ou d’aménager initialement délivré ou contre la décision de non-opposition à déclaration préalable initialement obtenue et que ce permis modificatif, cette décision modificative ou cette mesure de régularisation ont été communiqués aux parties à cette instance, la légalité de cet acte ne peut être contestée par les parties que dans le cadre de cette même instance. » dispose que la légalité du permis modificatif, de la décision modificative ou de la mesure de régularisation ne peut être contestée par les parties que dans le cadre de cette même instance.

En l’espèce, l’application de cette règle pouvait poser question dans la mesure où le permis de construire initial était, au moment de la délivrance du permis modificatif, frappé d’un pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat.

En effet, par un arrêté du 25 juillet 2017, le maire de Lyon a délivré un permis de construire à la société Cogedim Grand Lyon en vue de l’édification d’un immeuble de 39 logements, de locaux commerciaux et de la création de 34 aires de stationnement.

Saisi d’un recours contre ce permis par deux voisins du projet, le tribunal administratif de Lyon l’a, dans un premier temps, annulé 2)TA Lyon 29 novembre 2018, req. n° 1706997. avant que le Conseil d’Etat 3)Pour rappel, les dispositions de l’article R. 811-1-1 donne compétence aux tribunaux administratifs pour statuer en premier et dernier ressort sur les recours exercés contre certaines autorisations d’urbanisme délivrées en « zone tendue », comme c’est le cas à Lyon, de sorte que la contestation du jugement ainsi rendu peut uniquement faire l’objet d’un pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat., jugeant que ce dernier avait commis une erreur de droit, lui renvoie l’affaire 4)CE 13 mars 2020 Société Cogédim Grand Lyon et Ville de Lyon, req. n° 427408 et 427618..

Par un nouveau jugement, le tribunal administratif, statuant sur renvoi, a, cette fois, annulé l’arrêté du 25 juillet 2017 litigieux uniquement en tant que le dernier étage du projet méconnaitrait les dispositions de l’article 10.3 du règlement du plan local d’urbanisme 5)TA Lyon 23 mars 2021, req. n° 2003234 tout en accordant au pétitionnaire, sur le fondement de l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme 6)Article L. 600-5 : « Sans préjudice de la mise en œuvre de l’article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’un vice n’affectant qu’une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l’annulation qu’il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire de l’autorisation pourra en demander la régularisation, même après l’achèvement des travaux. Le refus par le juge de faire droit à une demande d’annulation partielle est motivé. », un délai de trois mois pour solliciter un permis de construire modificatif régularisant le projet sur ce point. A la suite du dépôt d’une telle demande, la société Cogedim Grand Lyon a obtenu le permis modificatif sollicité par un arrêté du 9 novembre 2021.

Les voisins opposés au projet se sont, d’une part, pourvus en cassation contre le dernier jugement du tribunal administratif de Lyon rendu le 23 mars 2021 (pourvoi n° 452955) et, d’autre part ont introduit, parallèlement, un recours devant le même tribunal à l’encontre de l’arrêté délivrant le permis modificatif.

Par une ordonnance du 6 mai 2022, la présidente du tribunal administratif de Lyon a transmis cette requête au Conseil d’Etat, en application de l’article R. 351-2 du code de justice administrative.

La question se posait donc pour le Conseil d’Etat de savoir s’il était compétent pour connaitre, en tant que juge de premier et dernier ressort, du recours introduit contre le permis modificatif à l’occasion de l’instance relative au permis initial pour lequel il était saisi en tant que juge de cassation.

Faisant application des dispositions de l’article L. 600-5-2 précitées, les juges du Palais Royal ont considéré, eu égard aux circonstances de l’espèce, que :

« […] alors qu’il règle l’affaire au fond après cassation, en application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, et statue ainsi définitivement sur le litige portant sur la légalité du permis de construire initial du 25 juillet 2017, il y a lieu pour le Conseil d’Etat, sur le fondement de l’article L. 600-5-2 du code de l’urbanisme et dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, de statuer, en qualité de juge de premier et dernier ressort, sur les conclusions tendant à l’annulation pour excès de pouvoir du permis de construire modificatif qui a été délivré le 9 novembre 2021 à la société pétitionnaire en vue de régulariser le permis de construire initial, en statuant sur les moyens propres présentés contre ce permis modificatif par M. et Mme C… et en appréciant si ce permis modificatif permet la régularisation du vice, entachant le permis initial, retenu au point 21 de la présente décision. » 7)Points 23 et 24 de la décision.

Pour le reste, la société bénéficiaire des permis a obtenu gain de cause, le Conseil d’Etat jugeant que le permis modificatif avait régularisé le vice entachant le permis de construire initial.

 

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1. Article L. 600-5-2 du code de l’urbanisme : « Lorsqu’un permis modificatif, une décision modificative ou une mesure de régularisation intervient au cours d’une instance portant sur un recours dirigé contre le permis de construire, de démolir ou d’aménager initialement délivré ou contre la décision de non-opposition à déclaration préalable initialement obtenue et que ce permis modificatif, cette décision modificative ou cette mesure de régularisation ont été communiqués aux parties à cette instance, la légalité de cet acte ne peut être contestée par les parties que dans le cadre de cette même instance. »
2. TA Lyon 29 novembre 2018, req. n° 1706997.
3. Pour rappel, les dispositions de l’article R. 811-1-1 donne compétence aux tribunaux administratifs pour statuer en premier et dernier ressort sur les recours exercés contre certaines autorisations d’urbanisme délivrées en « zone tendue », comme c’est le cas à Lyon, de sorte que la contestation du jugement ainsi rendu peut uniquement faire l’objet d’un pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat.
4. CE 13 mars 2020 Société Cogédim Grand Lyon et Ville de Lyon, req. n° 427408 et 427618.
5. TA Lyon 23 mars 2021, req. n° 2003234
6. Article L. 600-5 : « Sans préjudice de la mise en œuvre de l’article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’un vice n’affectant qu’une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l’annulation qu’il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire de l’autorisation pourra en demander la régularisation, même après l’achèvement des travaux. Le refus par le juge de faire droit à une demande d’annulation partielle est motivé. »
7. Points 23 et 24 de la décision.

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